«Ces accords, c’est la mort de notre agriculture»
Mardi 2 juillet, dès 20h30, une centaine d’agricultrices et agriculteurs étaient rassemblés devant la Préfecture
au Puy pour dénoncer les accords sur le point d’être signés entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur.
■Vendredi 28 juin, un accord de libre-échange entre l’Union Européenne et les pays du Mercosur (Amérique latine) a été passé. Cette annonce a mis le feu aux poudres et dès lundi, un mot d’ordre national appelait à mobilisation. En Haute-Loire zone d’élevage extensif avec de nombreuses filières de qualité, ils étaient une centaine d’agriculteurs et agricultrices adhérents de la FDSEA et des JA à se retrouver ce mardi 2 juillet au soir pour dénoncer la signature de tels accords ; des accords qu’ils jugent «déséquilibrés» à l’instar de la présidente de la FNSEA Christiane Lambert.
Dès 20h30, les manifestants étaient devant les grille de la Préfecture avec les responsables départementaux, Thierry Cubizolles et Philippe Chatain de la FDSEA et Anthony Fayolle et Aymeric Soleilhac de JA43. Ils étaient aussi soutenus par Samuel Vandaele président de JA Nat en déplacement dans notre département pour l’organisation de l’évènement Terres de Jim en septembre prochain.
Les présidents des JA puis de la FDSEA ont pris la parole, avant le rendez-vous fixé avec le Préfet, pour expliquer la situation et faire part des revendications syndicales portées par le syndicalisme majoritaire qui «s’oppose fermement à ces accords avec le Mercosur comme avec le CETA, qui désorganiseraient complètement les marchés et mettraient à mal l’agriculture européenne et française» comme l’a souligné Anthony Fayolle..
«Un véritable coup de massue…»
Le président de la FDSEA a des mots très durs : «La signature de ces accords, c’est la mort de notre élevage». Il s’insurge contre l’ouverture des marchés à des viandes d’Amérique du sud ne répondant pas aux mêmes normes sanitaires qu’en Europe et en particulier en France, à des prix bien inférieurs au marché national. «Ces viandes de second choix se retrouveront dans les plats cuisinés et dans la restauration collective en raison de leur prix». Thierry Cubizolles ajoute : «les agriculteurs français ont toujours su s’adapter pour répondre à de plus en plus de normes, pour monter en gamme comme cela leur a été demandé notamment à travers les EGAlim, et notre agriculture peut être fière d’être la plus saine et la plus sûre. Alors là, ces accords, c’est un véritable coup de massue sur la tête des éleveurs qui ne peuvent rivaliser en compétitivité». Le président départemental est amer : «Le président de la République s’était engagé à ne pas faire entrer en France des produits ne répondant pas aux normes françaises. Alors en signant cet accord, il trahit les agriculteurs».
«N’importons pas l’agricuture que nous ne voulons pas» tel est le slogan que les agriculteurs réunis ce mardi devant la préfecture criaient haut et fort, en déposant leurs bottes et leur côte de travail, comme pour laisser à l’État français la responsabilité d’une agriculture qu’ils ne peuvent plus cautionner, d’une agriculture qui ne résistera pas à l’entrée massive de produits à bas prix et aux normes sanitaires et environnementales bien plus laxistes que les normes françaises. Les manifestants associent les consommateurs à leur démarche. Parce que c’est bien au final, le consommateur qui sera contraint de manger ces produits importés, notamment dans les plats cuisinés ou la restauration collective. Notons d’ailleurs que déjà des ONG soutiennent l’agriculture dans cette lutte.
Lors de cette action syndicale, Samuel Vandaele a pris la parole pour rappeler qu’à ce stade «rien n’est perdu». L’accord n’est pas encore signé puisqu’il doit être soumis à ratification par les présidents et chefs de gouvernements des pays européens et par le Parlement Européen. Ces actions -d’autres sont déjà prévues un peu partout en France- visent donc à faire pression pour que cet accord ne soit pas signé. Devant le Sénat, le Ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a affirmé que ni le Président ni lui «ne signerait un accord ne respectant pas nos standards environnementaux, sanitaires et alimentaires». Les actions comme celle de mardi visent à le leur rappeler.
«Agriculteurs, consommateurs, tous trompés» voilà un slogan que l’on pouvait lire mardi soir au Puy et qui résumait bien l’état d’esprit dans lequel se trouvent les agriculteurs après ces annonces. Mais conscients des enjeux majeurs qui se jouent à travers ces accords de libre-échange, ils ne lâcheront rien.
En chiffres
L'accord éliminera les droits d'importation sur 92% des marchandises du Mercosur exportées vers l'UE, dont de nombreux produits agricoles, avec donc des contingents octroyés au Mercosur :
• Viande bovine : 99 000 t avec un droit à 7,5%. Ce contingent serait segmenté entre 55% pour la viande fraiche et 45% pour la viande congelée. Ce volume serait mis en oeuvre en 6 étapes sur 5 ans.
• Volaille : 180 000 t à droit zéro. idem pour la mise en oeuvre sur 5 ans.
• Viande porcine : la proposition de 25 000 t pour la viande porcine sans ractopamine serait améliorée avec un droit à 83€/t.
• Sucre : 180 000 t à droit zéro à l’entrée en vigueur, dans les limites du quota OMC. Le Paraguay obtiendrait 10 000 t pour le sucre raffiné.
• Ethanol : 450 000 t pour l’usage industriel et 200 000 t pour tout autre usage. En termes de droit, celui-ci serait divisé en deux. Il pourrait atteindre 6,4€/hl pour l’éthanol non dénaturé et 3,4€/hl pour l’éthanol dénaturé.
• Miel : 45 000 t à droit zéro à l’entrée en vigueur de l’accord. Mise en oeuvre sur 5 ans.
• Riz : 60 000 t à droit zéro sans segmentation avec une période de mise en oeuvre de 6 ans.
De son côté, l’UE obtiendrait des contingents pour les produits laitiers :
• Fromages : 30 000 t
• Lait écrémé en poudre : 10 000 t
• Lait infantile : 5 000 t
En savoir plus…
Créé en 1991, le Mercosur est l’abréviation de Mercado comun del Sur (marché commun du Sud). Sur le modèle de l’Union européenne, il regroupe quatre membres fondateurs : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Toutefois, l’intégration du Mercosur est complexe avec de fortes contraines et obstacles aux échanges entre les pays memebres, ce qui le rend incomparable avec l’UE.
Les négociations officielles ont donc commencé en 1999 sur la base d’un accord strictement commercial avec engagement politique sur les autres domaines.
Après la conclusion des négociations ce 28 juin dernier, elles devront être ratifiées au Brésil, en Argentine, au Paraguay, en Uruguay et par le Conseil et le Parlement de l’UE. Il est également prévu par le Conseil de l’UE que ces accords resteront mixtes, donc devront être ratifiés par les parlements nationaux et régionaux. Mais sur ce point, un flou subsiste…
Le commerce bilatéral actuel de l'UE avec le Mercosur s'élève déjà à 88 milliards d'euros par an pour les biens et à 34 milliards d'euros pour les services. L’UE exporte vers le Mercosur des marchandises d’une valeur de 45 milliards d’euros par an et importe des produits du Mercosur de la même valeur (43 milliards d’euros). En matière de services, l'UE exporte plus du double de ses importations : 23 milliards d'euros de services fournis par des entreprises européennes à des clients du Mercosur, contre 11 milliards d'euros de services fournis à des clients de l'UE par des entreprises de pays du Mercosur.
L’accord ouvre donc un marché de plus de 500 millions de consommateurs européens et 260 millions de consommateurs sud-américains, ce qui en fait l’accord de libre-échange le plus important jamais signé selon les règles de l’OMC.
En parallèle de l’accord entre le Mercosur et l’UE existe aussi un accord entre l’UE et le Canada. Cet accord est déjà signé niveau européen et mis en oeuvre provisoirement, en attente de ratification dans les parlements nationaux de l’UE.
S. Marion d’après communiqué