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« Ce n’est pas une crise d’endettement, c’est une crise de compétitivité »

La crise agricole actuelle qui touche surtout les éleveurs n’est pas une crise d’endettement, c’est une crise de compétitivité, affirme Dominique Lefebvre, président du groupe Crédit agricole. Les solutions retenues, qui passent notamment par une année blanche partielle ou totale pour les annuités ne régleront pas les causes de la crise selon lui.

© Actuagri

Comment évaluez-vous l’ampleur des difficultés rencontrées par les agriculteurs en ce qui concerne leur endettement ?
Bien évaluer les problèmes n’est pas simple. Nous, banquiers, constatons d’abord la dégradation des trésoreries, qui peut conduire à des retards de remboursement d’échéances. Nous ne sommes pas les premiers à constater la survenue de telles difficultés. D’autant que dans un foyer d’agriculteurs, il peut y avoir des revenus externes, qui peuvent masquer les problèmes de l’exploitation elle-même. D’autres partenaires, peuvent se rendre compte de ces difficultés assez rapidement : les fournisseurs à qui sont demandés des délais de paiement supplémentaires ou les centres de gestion auprès desquels les agriculteurs prennent conseil. La caisse de la MSA peut également être alertée de ces problèmes, mais les agriculteurs s’efforcent toujours, au maximum, de payer leurs cotisations, faute de quoi les conséquences sont lourdes.
Mais vous avez tout de même un réseau d’information très dense…
Oui, nous disposons d’un réseau de 31 000 élus, qui connaissent très bien les exploitants de leur région et qui peuvent nous informer des situations économiques difficiles. C’est un réseau de proximité qui nous permet d’être plus réactifs et de comprendre les problèmes. Ce réseau s’ajoute évidemment aux 1 800 conseillers agricoles qui, dans les caisses régionales, sont chargés des dossiers agricoles. Donc, nous avons des capteurs, en somme, qui sont sensibles et nous évitent d’attendre la clôture des exercices pour prendre conscience des problèmes. Voilà pourquoi nous avons réagi dès le début l’année 2015 face à cette crise qui émergeait et qui touchait les éleveurs, mais pas seulement. Nous avons mobilisé l’ensemble de nos conseillers agricoles et orchestré une agrégation nationale de nos données pour piloter au mieux la situation.
La crise est-elle une crise de l’endettement des agriculteurs ?
Non, il ne s’agit pas d’une crise d’endettement. L’agriculture française n’est pas plus endettée que celle d’autres pays européens, et cet endettement ne s’est pas accentué depuis plusieurs années. C’est la faculté de faire face aux échéances qui s’est dégradée. Les marges ont parfois chuté de manière dramatique. Le problème n’est bancaire que parce que les marges ont diminué. Chacun doit prendre conscience qu’il y a un sujet fondamental, c’est celui de la compétitivité. C’est d’abord la dégradation des marges qu’il faut traiter, la différence entre les prix de marché et les prix de revient. Cela passe par une meilleure compétitivité des exploitations. Certains ont un niveau satisfaisant, pourquoi ne pas imaginer que d’autres y parviennent ?
Nous arrivons à la fin de l’année, quelle est l’ampleur de la mesure de l’année blanche pour l’endettement des agriculteurs ?
Depuis le début 2015, nous en sommes à 13 000 dossiers traités. Concernant l’année blanche nous avons, à ce jour, 2 500 mesures mises en place depuis avril, dont un peu plus de 10 % sont des années blanches totales, c’est-à-dire qu’aucune annuité n’est payée sur l’année. Un peu moins de 90 % sont des années blanches partielles : le choix est fait par l’exploitant de ne reporter qu’une partie des annuités. La mesure a été annoncée le 3 septembre, les directives sont arrivées trois semaines après dans les préfectures. On aura sans doute entre 500 et 1 000 dossiers de demande d’année blanche complète et dix fois plus d’années blanches partielles. Le dispositif ne fait que monter en charge. Nous sommes à peine à la moitié du chemin. L’ampleur est considérable et nous avons déjà fait énormément de choses en matière d’ajustement de la trésorerie des éleveurs.

La suite dans le Réveil Lozère, page 3, édition du 31 décembre 2015, numéro 1340.

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