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Autopsie des homicides conjugaux : des enseignements pour agir

Intervenant le 25novembre au colloque sur la protection des victimes de violences conjugales, le docteur Delbreil a disséqué les mécanismes conduisant au meurtre...

Depuis 2006, le nombre d’homicides conjugaux ne baisse pas en France, relate le docteur Delbreil.
Depuis 2006, le nombre d’homicides conjugaux ne baisse pas en France, relate le docteur Delbreil.
© UC

Le constat est tristement implacable : depuis 2006, malgré les mesures prises par les gouvernements successifs, le nombre d’homicides conjugaux ne baisse pas en France (149 en 2018, 151 en 2017, et déjà 138 en 2019(1)) contrairement à d’autres pays dont les dispositifs plus précoces ont été couronnés de succès : - 40 % au Canada en deux décennies, “et on parle aussi beaucoup de l’Espagne”. Pour Alexia Delbreil, médecin-légiste au CHU de Poitiers, qui autopsie depuis plusieurs années ces meurtres au sein du couple, ces deux exemples sont porteurs d’espoir et prouvent qu’il “existe des moyens de s’attaquer à l’homicide conjugal”. Des homicides conjugaux, qui représentent selon les régions de 16 à 20 % des homicides totaux, et dont les victimes sont ultra majoritairement des femmes (81 % en 2018), ce qui fait dire à cette psychiatre, par ailleurs experte auprès de la cour d’appel de Poitiers, que contrairement à la peur des femmes de se faire agresser la nuit dans la rue ou en faisant leur footing dans les bois, le plus grand danger est à leur domicile... Des meurtres qui ne sont pas des féminicides, un terme selon elle utilisé à tort. “Le féminicide désigne le fait de donner la mort à une femme en raison de son sexe”, a précisé lundi 25 novembre cette spécialiste devant un amphithéâtre de la Maison des sports d’Aurillac trop petit pour accueillir tous les professionnels (gendarmes, policiers, magistrats, personnels de santé...) venus assister à un colloque départemental sur la protection des victimes des violences au sein du couple. Cette journée, qui coïncidait avec la clôture du Grenelle sur les violences conjugales, était organisée par le CIDFF(2) avec le soutien de la préfecture, du Département et de la Caba.

Profil des tueurs

Avec son équipe et avec l’accord de la Chancellerie, Alexia Delbreil conduit une étude universitaire destinée à établir un profil psychiatrique et criminologique des auteurs, identifier les facteurs de risques et les clés de prévention des passages à l’acte. Elle a ainsi épluché tous les dossiers d’homicides conjugaux depuis 1999 une fois ces derniers jugés sur les départements de la Vienne, Charente-Maritime, Deux-Sèvres et Vendée. Avec, à la clé, des heures à lire des PV d’interrogatoires, des témoignages de proches,... Soit de 1999 à 2016, 54 homicides ou tentatives, perpétrés dans 85 % des cas par un homme : un mari, conjoint, un ex- partenaire. 
Dans la majorité des cas, le profil est celui d’un homme inactif (chômeur, retraité, invalide...), ayant un faible niveau d’études (collège), et présentant un alcoolisme chronique (50 % des cas). Si quasiment tous ont été reconnus responsables de leurs actes, l’experte décrit des individus aux troubles de la personnalité avérés (62 %) : narcissisme, paranoïa, dépendance, personnalité “border-line”, immaturité, attachement insécure... Une faille de l’estime de soi qui fait que “l’autre, le partenaire, est considéré dans la relation comme un objet, il est là pour renvoyer une bonne image” et la violence infligée (régulièrement dans 63 % des cas) est vécue “comme une force qui améliore l’estime de soi”. Une sorte de béquille indispensable à l’auteur, même si la relation conjugale est insatisfaisante.
Et c’est souvent quand cette “béquille” se défausse, quand la femme décide de quitter l’auteur, que se profile le passage à l’acte (67 % des cas étudiés).

Séparation : facteur déclenchant

La séparation, concrète ou envisagée par la future victime, est dès lors inconcevable. Dans ce contexte de tension extrême qui peut se traduire par des menaces de suicide ou d’homicide qui doivent alerter, “une contrariété, une frustration, une provocation”, un sms qui signifie la fin de la relation, sont des facteurs précipitants le passage à l’acte, pulsionnel, sans préméditation. Ce qui explique d’ailleurs que le couteau de cuisine soit l’arme la plus fréquemment utilisée... avec, dans plus d’un tiers des cas, un phénomène d’over-kill : soit un acharnement sur la victime.
Des scenarii et des modes opératoires décrits par le médecin-légiste qui font froid dans le dos mais une compréhension des mécanismes à l’œuvre essentiels pour prévenir et aider la victime à agir avant que tout bascule. “Au-delà des mesures de protection éventuelles, il faut préparer la victime potentielle à repérer le facteur précipitant”, souligne Alexia Delbreil. Un travail que conduit justement le CIDFF qui a présenté l’après-midi son dispositif “App’elles”.

(1) Soit un tous les 2,5 jours. Chiffres auxquels s’ajoutent 195 tentatives d’homicides pour
l’année 2018.
(2) Centre d’information sur les droits des femmes et des familles.

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