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Au Gaec des Aubépines, on a trouvé l’oiseau rare pour s’installer

Depuis deux décennies, Thierry Tardieu élève plusieurs milliers de faisans et perdreaux pour les sociétés de chasse. Une production singulière qui lui a permis de s’installer

Les faisans produits par les frères Tardieu sont destinés, entre autres, aux sociétés de chasse cantaliennes.
Les faisans produits par les frères Tardieu sont destinés, entre autres, aux sociétés de chasse cantaliennes.
© P.O.

Au milieu des volières, pas facile d’approcher les faisans bien plus enclins à filer se cacher sous les bandes ombragées des maïs qu’à poser pour la photo. Un réflexe de fuite bienvenu pour ce gibier dont l’instinct sauvage est recherché par les clients du Gaec des Aubépines et pour cause, puisqu’il s’agit majoritairement de sociétés de chasse(1). Chaque année, Thierry Tardieu élève ainsi avec son frère Jean-Charles 5 500 faisans et 1 500 perdreaux, en parallèle d’une production de 580 000 litres de lait. Une diversification qui s’est imposée un peu par hasard voilà 20 ans quand Thierry a voulu concrétiser son projet d’installation au sein du Gaec familial. “Comme beaucoup, je n’avais pas de terrain pour m’installer, j’avais l’habitude d’aller chez mon voisin, ancien cafetier de Paris qui avait lancé ici à Orcières cette activité, mais beaucoup sous forme de revente, retrace l’agriculteur. Quand il a pris la retraite, il m’a proposé de reprendre l’activité.” Une reprise qui ne s’est pas faite dans la continuité puisque l’éleveur a dû repartir de zéro avec de nouveaux terrains (2,5 ha de volières) et la construction d’un bâtiment dédié aux jeunes volatiles accueillis 24 heures à peine après l’éclosion. Commandés auprès d’un important naisseur en Dordogne dès le mois de décembre, la grande partie des faisandeaux sont démarrés sur l’exploitation des Tardieu. Fin avril - début mai, ce sont ainsi 2 600 petites boules de duvet qui sont réceptionnées, placées immédiatement sur des parquets chauffés par des radians à 38°C à l’intérieur du bâtiment, où ils vont rester jusqu’à l’âge de six semaines. Des animaux particulièrement fragiles la première semaine où se fait le plus gros des pertes (entre 2 et 3 % seulement de mortalité). Si la température est un facteur clé, il faut aussi éviter l’excès comme le déficit de lumière, les courants d’air, les saletés (vide sanitaire et désinfection).

Petite révolution dans la conduite d’élevage

Pour autant, les éleveurs de Neuvéglise ont proscrit il y a pas mal d’années déjà le recours aux antibiotiques qui se faisait en préventif : “Nous avons amélioré les conditions d’élevage avec des parcs adaptés, développé l’immunité des faisandeaux via un aliment spécifique enrichi en plantes”, explique Thierry. Le moindre “pépin”, comme une panne de radian, peut néanmoins se payer cash. La première quinzaine de juin, si le temps le permet, les oiseaux commencent à sortir dans des pré-volières tandis que leur alimentation change et que leur est posé un couvre-bec afin d’éviter qu’ils se piquent entre eux. Un exercice quelque peu périlleux qui nécessite au préalable d’attraper les 850 faisans d’un même lot, un par un, à l’épuisette, avant la pose de cette protection qu’ils conserveront jusqu’à leur lâcher. En attendant de goûter à une précieuse mais souvent brève liberté, les oiseaux sont placés mi-juillet dans les grandes volières grillagées sur les côtés et protégées par des filets, où ils vont pouvoir prendre leur envol mais aussi apprendre à se camoufler dans les bandes de maïs couché en fin de saison qui sert à la fois de couvert végétal et plus tard de nourriture. Sachant que cette dernière est alors essentiellement constituée de blé produit sur l’exploitation qui donne un goût apprécié à leur viande.  Cette conduite innovante contribue grandement à la qualité des faisans du Gaec recherchés pour leur taille (faisan doré), leur beau plumage et leur vivacité (faisan obscur). Les premiers faisans seront livrés pour l’ouverture de la chasse (le 11 septembre) et les commandes qui vont s’étaler jusqu’en novembre. “On est sur un marché bien particulier, car ici, dans le Cantal, il y a encore beaucoup de sociétés de chasse, on fait de l’épicerie(2) avec des commandes qui vont d’une vingtaine d’oiseaux à 700-800”, indique l’éleveur qui s’est fait une clientèle fidèle. Ses atouts : “La qualité des oiseaux, le service livraison et un fort rapport de confiance”, avance Thierry Tardieu. Ce dernier évoque néanmoins une concurrence non négligeable : celle du gros gibier. “Les chasseurs de petit gibier, donc de faisan, sont devenus minoritaires dans les Acca”, constate-t-il.

L’ombre des prédateurs

Si l’élevage a atteint son régime de croisière, qui permet d’envisager un projet bâtiment pour démarrer davantage de faisandeaux(3), les deux frères doivent aujourd’hui faire face à la recrudescence des prédateurs, au premier rang desquels les renards, en nombre dans le secteur, qui grattent autour des volières, affolant le gibier, et qui, lorsqu’ils arrivent à s’introduire via une maille défaite du filet, peuvent provoquer un véritable carnage (jusqu’à 150 animaux morts entre ceux saignés et ceux paniqués). Autre menace qui plane au- dessus des parcs électrifiés : les milans et busards, dont la pression s’accentue du fait de la proximité de la zone Natura 2000 des gorges de la Truyère. “Si les oiseaux crient, c’est qu’un rapace s’est posé à côté d’un parc sur un arbre. C’est une source de stress énorme, sachant que les milans arrivent à attraper et manger les faisans à travers le filet...” Une prédation contre laquelle les éleveurs restent démunis, ces espèces étant protégées. Avec le recul, Thierry, dont l’activité n’est pas impactée par la réapparition de la grippe aviaire, considère que cette diversification est un bon complément à l’élevage laitier et assure aujourd’hui un peu moins de 20 % du chiffre d’affaires du Gaec pour un temps de travail évalué par le centre de gestion à 1 h - 1 h 30 par jour sur l’année. L’équilibre reste néanmoins ténu : “En 2009 l’aliment a pris plus de 100 €/t, sachant qu’on en distribue 3 t/semaine quand les animaux atteignent l’âge adulte. Si on n’avait pas eu le blé sur l’exploitation, on se serait trouvés comme d’autres éleveurs, la corde au cou.”

(1) Le Gaec fournit par ailleurs quelques grandes surfaces, particuliers et l’entreprise Joffrois.  (2) Les élevages de 200 000 oiseaux sont désormais monnaie courante en France.

(3) Au lieu d’en acheter une partie déjà démarrés, ce qui laisserait, pour un même effectif total, une plus-value accrue

 

 

Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.

Droits de reproduction et de diffusion réservés.

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