Atterrissage sur les marchés mondiaux
Après la flambée des cours au printemps 2022, l'heure est à la détente des prix sur les principaux composants de l'alimentation animale, analyse Jean-Luc Doneys, directeur agrodistribution du groupe Altitude.
Quelle est aujourd'hui la situation sur le marché de l'alimentation animale ?
On est très clairement sur une détente des cours des matières premières destinées à l'alimentation animale. On est sur une phase d'atterrissage depuis la fin du printemps qui s'est confirmée avec la moisson de céréales. Et on est revenu sur des cours de matières premières, en particulier sur les céréales, équivalents à ceux d'avant la guerre en Ukraine, c'est-à-dire autour de 220 EUR/t pour le blé alors qu'on a pu monter au-delà des 350 EUR/t, même si aucun fabricant d'aliment n'a acheté à ce prix-là du fait d'un phénomène de lissage en permanence.
Est-ce le seul fait d'une moisson très satisfaisante ?
Il y a en fait trois, voire quatre, raisons. La première, c'est que la flambée qu'on a subie a été essentiellement spéculative. À aucun moment, on n'a couru le risque physique de manquer de céréales dans le monde. On a eu un risque psychologique mais les flux d'échanges ont été relativement normaux. Toute la construction qui s'est faite autour de l'export à partir de la zone de la mer Noire ne représentait, en fait, qu'une faible part du marché mondial.
La deuxième raison tient au fait que le monde a engrangé une très belle récolte de céréales en 2023, mais avec un phénomène structurel qui s'est confirmé : la Russie n'a cessé de développer sa production de céréales, qui devient le premier exportateur mondial. En 2022, malgré la guerre, et en 2023, la Russie a fait exploser ses compteurs d'exportations. C'est lié au changement climatique, et au fait qu'on exploite des terres jusqu'alors inexploitées avec des techniques très modernes. Dans les autres bassins du monde, on n'a pas eu de problème particulier sur ce tour de cadran, même en Europe de l'ouest, à part l'Espagne, on a plutôt eu une belle récolte, y compris en France.
Quid de la demande mondiale ?
C'est le troisième élément : la demande chinoise est plutôt calme, la Chine ayant moins de croissance que les années antérieures, elle tire moins sur les marchés, on retrouve donc des disponibilités.
Et le quatrième phénomène ?
Ce sont les aléas climatiques : même si la baisse des cours est plutôt durable et qu'on sent qu'on va passer un hiver tranquille, on n'est pas à l'abri que sur le cycle suivant, il se passe quelque chose, avec l'alternance des phénomènes El Niño et La Niña. Cette année on va avoir El Niño, qui fait plutôt de l'humidité en Amérique et du sec en Australie, par exemple.
Mêmes tendances sur les autres composants de l'alimentation animale ?
Sur les tourteaux, on a aussi un atterrissage, certes moins rapide que sur les céréales : on a plutôt eu de bonnes productions, en particulier de soja en Amérique-du-sud, à part l'Argentine, mais qui a été compensé par le Brésil qui a battu son record. Les États-Unis ont eu une bonne récolte aussi. En revanche, sur le bloc cellulosique (luzerne, pulpe de betterave...), la baisse des cours a été moindre car ces matières premières doivent être séchées ou déshydratées : la flambée du coût de l'énergie a limité la baisse.
Enfin, il y a une composante qu'ont subie de plein fouet les fabricants d'aliments : l'énergie et les carburants. Il y a une forte inflation sur nos coûts de transport, qu'on paie deux fois dans notre métier : pour les amener chez nous, puis les livrer aux agriculteurs. En deux ans, c'est pratiquement du + 20 % sur le transport et sur les coûts de fabrication