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Agriculteurs fiers et responsables

Yannick Fialip, président de la chambre d’agriculture de Haute-Loire, répond aux propos du chef cuisinier de Haute-Loire, Jacques Marcon, exprimés lors d'une mobilisation contre le protocole sanitaire mis en place pour gérer la DNC.

Yannick Fialip, président de la Chambre d'agriculture 43
Yannick Fialip, président de la Chambre d'agriculture 43
© HLP

Surprenant et inadmissible

La récente dépêche de l’Agence France Presse relayant les prises de position de M. Jacques Marcon sur des problématiques agricoles appelle une réponse claire. Il est pour le moins surprenant – et surtout inadmissible – qu’un chef cuisinier, aussi talentueux soit-il dans son domaine, s’engage publiquement et syndicalement pour prendre parti « d’un bord ou de l’autre » du monde agricole, comme s’il en détenait les clés et la légitimité.

Le monde agricole n’est ni un décor folklorique ni un sujet d’opinion. Il est structuré, organisé et représenté démocratiquement par les chambres d’agriculture, élues par les agriculteurs eux-mêmes. Ce sont elles qui portent la voix de l’ensemble de la profession agricole, en responsabilité.

De la même manière que je n’irai pas expliquer aux artisans de la Chambre de métiers ou aux entrepreneurs de la CCI comment exercer leur métier, nous n’acceptons pas que des influenceurs extérieurs viennent dicter ce que devrait être l’agriculture française sous prétexte de la défendre.

DNC : Pas de hasard

Sur la question sanitaire de la DNC, il n’y a pas de hasard. La maladie s’est développée dans des zones pastorales caractérisées par des mouvements d’animaux plus nombreux où la mise en place d’estives collectives favorise le développement de la maladie. Sortir d’une telle crise exige de la rigueur, de la méthode et des décisions difficiles. 

L’anarchie, les postures idéologiques et les appels à l’émotion ne font que favoriser la diffusion de la maladie.

« Défense de piquer »

Mettre le troupeau en quarantaine, comme on l’entend dans l’opinion n’empêche pas les insectes vecteurs de la maladie de passer, cela revient à leur installer un panneau « Défense de piquer ». Il a malheureusement fallu euthanasier 3 200 animaux en 6 mois pour protéger 16 millions de bovins et se prémunir de pertes beaucoup plus importantes si la maladie venait à se développer. à titre d’information, la MHE et la FCO (les 2 précédentes épizooties) ont amené à une surmortalité de 25 000 bovins.

Si vous aimez les agriculteurs, il faut aller plus loin que les faux-semblants et respecter le protocole sanitaire. 

Je parle ici en connaissance de cause. En 1995, j’ai dû abattre l’intégralité de mon troupeau à la suite d’un cas de tuberculose. Un crève-cœur. Mais la seule solution pour assainir durablement la situation. Imaginez : plus aucun voisin ne veut s’approcher, le vétérinaire hésite à venir, les marchands d’aliments, d’animaux, l’inséminateur… tous se détournent par peur de la contamination. On se retrouve seul, mis à l’écart. L’abattage, aussi brutal soit-il, est parfois le seul moyen de rassurer, de repartir sur des bases saines et de retrouver la confiance entre agriculteurs

"Si notre zone perd son statut indemne, c’est toute une filière qui s’effondre"

Les conséquences économiques seraient également majeures si cette maladie venait à se propager. En Haute-Loire, 1 500 à 2 000 veaux et broutards partent chaque semaine vers l’Italie et l’Espagne. Si notre zone perd son statut indemne, c’est toute une filière qui s’effondre, avec des répercussions lourdes et durables pour les exploitations, l’emploi et les territoires.

Les propos de M. Marcon relèvent, disons-le clairement, d’un mépris de classe à peine voilé. Derrière ses prises de position, transparaît une vision caricaturale de l’agriculteur : le petit paysan au béret, la fourche à la main et le mégot aux lèvres. La réalité est toute autre. Les agriculteurs sont aujourd’hui des chefs d’entreprise, responsables, formés, insérés dans des filières complexes et exigeantes, tout en restant profondément attachés à leurs animaux. Je pense à Gauloise, ma plus vieille vache, 14 ans. Ce lien est indéfectible. Et pourtant, si demain je devais à nouveau prendre une décision aussi terrible, je la prendrais, par responsabilité envers tous mes voisins.

Soyons fiers de nos agriculteurs !

M. Marcon vous affirmez qu’aujourd’hui nous ne pouvons plus manger un repas ouvrier avec des produits locaux pour 40 €. Quelle méconnaissance de la vie de nos campagnes où bon nombre de nos restaurateurs proposent des repas dits ouvriers à 20 €, avec une provenance locale et une qualité irréprochable. M. Marcon, pour éviter de s’invectiver sur une vision de l’agriculture, je vous invite à découvrir mon exploitation familiale, où la rigueur, la passion et la transparence sont notre quotidien. Je suis convaincu que vous apprécierez de constater à quel point nos agriculteurs prennent soin de chaque étape pour offrir des produits de qualité. J’espère également avoir l’occasion de visiter votre cuisine pour échanger sur le sourcing auprès de nos agriculteurs altiligériens.

Soyons fiers de nos agriculteurs !

 

 

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