A75 : le siège de la contestation agricole cantalienne
Vendredi, les troupes de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs entamaient leur quatrième jour de blocage de l’autoroute, avec en ligne de mire les annonces du Premier ministre
Vendredi, les troupes de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs entamaient leur quatrième jour de blocage de l’autoroute, avec en ligne de mire les annonces du Premier ministre

D’une France à l’envers à une France à l’arrêt, il n’y a qu’une bretelle d’autoroute. Mardi 23 janvier, les Jeunes agriculteurs du Cantal sont en première ligne pour bloquer l’A75 au sud de Saint-Flour. 13 heures, les premiers tracteurs arrivent sur la zone d’activité du Crozatier. Tout est déjà bien cadré pour se rendre sur le lieu de blocage : l’ordre des tracteurs, le ravitaillement, déjà, pour tenir plusieurs jours. Le mouvement s’inscrit dans la durée. Une quinzaine de gendarmes veillent à la sécurité tant sur le parking que pour la déviation de milliers de véhicules qui vont devoir traverser la ville de Saint-Flour pour poursuivre leur route.
La veille, dans l’Ariège, une agricultrice de 30 ans et sa fille ont trouvé la mort sur un barrage routier. D’ailleurs, les Cantaliens portent un brassard noir et respecteront une minute de silence en hommage aux deux victimes. Avant de démarrer les engins, le président des JA, Mathieu Théron, rappelle les motivations de ce mouvement auquel, désormais, les agriculteurs du Cantal prennent part : “Retrouver du revenu sur les exploitations et de la rentabilité pour assurer l’objectif du renouvellement des générations indispensable pour l’avenir ; le respect de la loi Egalim ; le volet Pac pour mieux être accompagné ; les distorsions de concurrence avec des pays n’ayant pas les mêmes règles de production. Nous ne sommes pas opposés à la suppression du glyphosate par exemple mais à la condition que cela soit aussi interdit pour les importateurs, brésiliens ou autres, ajoutait-il. Les Allemands ont des revendications assez proches des nôtres. On sent un ras-le-bol monter dans nos campagnes. Il y a quelques semaines, nous retournions les panneaux pour dire que “la France marche la tête à l’envers” et bien ça continue et il va falloir que le gouvernement nous entende.”
13 h 30, les forces de l’ordre indiquent que la Dir Massif cnetral (Direction des routes) vient de fermer l’autoroute entre les deux échangeurs de Saint-Flour.
Un flot de revendications
Delphine Freyssinier fait part des consignes de sécurité. Le convoi se met en route accompagné des coups de klaxon des routiers. Un soutien qui ne se démentira pas de l’après-midi. Au volant de son tracteur, Fabien Margery, éleveur allaitant à Coltines, s’est organisé sur son exploitation pour participer et exprimer sa colère. “Ce qui me motive, c’est le trop plein administratif. Tout est compliqué. Il y a les cours, les hausses des charges. Il y a aussi les mesures agro-environnementales qui nous obligent à faire l’inverse de ce que nous devrions faire en matière d’environnement. Cela nous bloque pour les rotations des céréales et on utilise plus de produits phytos. On pollue encore plus les prairies temporaires.”
Sur l’asphalte, les 250 participants, venus de tout le département, avec une trentaine de tracteurs, installent le camp. Du lisier est déversé sur la chaussée. Des blocs de béton sont positionnés pour éviter que quelqu’un puisse forcer le passage. Un stock de bois est constitué sur le bas-côté. Il sera utile pour passer la nuit. Un barnum permet de se mettre à l’abri et de se restaurer.
18 h 30, les camions klaxonnent toujours. Depuis le début de l’après-midi, Landry exprime sa solidarité avec les agriculteurs. Il a fait le déplacement depuis la Châtaigneraie. Il est toujours sur place en début de soirée. “Je suis chauffeur routier, je comprends la situation des agriculteurs. Ils ont le droit de vivre de leur travail sans se tuer à faire un max d’heures. Il faut qu’on arrête les importations qui n’ont aucune garantie. Moi, j’achète sur les marchés à des gens du coin.” Le lendemain, une famille d’agriculteurs bretons apporte une boîte de gâteaux et un chef d’entreprise sanflorain de quoi alimenter une cagnotte. “Ils ont raison, la France crève de trop de normes qui nous empêchent de bosser”, lâche-t-il.
Il fait nuit. Les tracteurs se positionnent pour former JA et FD tandis qu’avec la lampe de leurs portables, les agriculteurs forment un “15” sur toute la largeur de la voirie pour une photo souvenir. “La structure est en place avec une organisation pour tenir dans la durée, constate Joël Piganiol, président de la FDSEA du Cantal. Des rotations sont prévues avec aussi des renforts de la part de nos collègues lozériens et aveyronnais pour tenir le plus longtemps possible et probablement au-delà du week-end.”
Dans Saint-Flour, à la vue du flux routier place de la Liberté, Fabien lâche un brin amusé depuis la terrasse d’un café : “C’est là qu’on s’aperçoit du trafic sur l’autoroute.” Les camions sont cul à cul dans la traversée de la ville, issue la plus courte pour relier un échangeur à l’autre.
Une question d’avenir
Mercredi après-midi, deuxième jour, l’ambiance est toujours à la détermination après une journée de blocage. Les têtes ne sont plus toutes les mêmes, conséquence des rotations prévues pour que chacun puisse manifester et s’occuper de sa ferme. Il y a beaucoup de jeunes, notamment, du lycée agricole de Saint-Flour. Dans le “camp de base”, on s’active désormais pour installer des ballots de paille. Romuald Védrines est à la manœuvre pour disposer les rangées de part et d’autre. Il s’agit de rendre visible par les automobilistes les messages de la colère : “Pas de promesses mais des actes” ou encore “L’agriculture a un prix”.
17 heures, camions et voitures s’accumulent à l’approche de Saint-Flour. Il est totalisé 12 kilomètres de bouchon et trois heures d’attente pour traverser la cité du Vent. “J’ai déjà été bloqué en Lozère et je remonte sur Paris, ça ne va pas être simple avec ce qui est annoncé”, indique, placide, un chauffeur.
C’est ainsi qu’avec un peu de difficulté pour traverser la ville sous-préfecture, une trentaine de membre de la FDSEA de l’Aveyron sont venus renforcer les rangs en vue d’une deuxième nuit sur place. Pour le premier vice-président du syndicat aveyronnais, “nous faisons une action au viaduc de Tanus, mais pour les agriculteurs du nord du département, il était logique de venir en soutien du Cantal. Nous restons cette nuit pour ensuite aller bloquer l’A75 à Séverac-le-Château.”
Vendredi la mobilisation se poursuivait, avec le renfort des EDT 15, en attendant les annonces de Gabriel Attal.