15 jours sans export bovins à cause de la DNC, à quels impacts s'attendre sur la filière bovine ?
L'export des bovins vivants est fermé depuis une semaine maintenant, non sans occasionner des conséquences économiques au sein des exploitations et de la filière.
L'export des bovins vivants est fermé depuis une semaine maintenant, non sans occasionner des conséquences économiques au sein des exploitations et de la filière.

C'est un épais brouillard qui est tombé sur la filière bovine française la semaine dernière. Depuis l'annonce de la ministre de l'Agriculture d'interdire l'export de bovins vivants, éleveurs et opérateurs voient leur activité suspendue, au gré de l'évolution de la DNC. Annie Genevard n'a en effet laissé planer aucun doute. Les mesures seront levées le 5 novembre « si la situation sanitaire le permet » est-il écrit dans le communiqué de presse du ministère en date du 17 octobre. Le choc est grand pour la filière, partagée entre la nécessité de maîtriser au plus vite l'évolution de la DNC et la crainte de voir les cours de la viande être tirés vers le bas.
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Les éleveurs bovins contraints entre gestion économique et structurelle
À Borg-l'Étang, 15 broutards charolais ont pris leurs quartiers dans le bâtiment d'élevage. Vendus la semaine dernière, ils devaient rejoindre l'Italie ce mardi. Coincés jusqu'au 5 novembre, David Chaize croise les doigts pour ne pas les garder trop longtemps.
Pour l'instant j'ai la place et de quoi les nourrir, bien que ce n'était pas prévu. »
L'incertitude autour de la situation ronge l'éleveur. Son exploitation n'est pas dimensionnée pour accueillir ces broutards, en plus du reste du cheptel et l'hiver se rapproche chaque jour un peu plus. Il n'a pas non plus l'alimentation nécessaire pour les engraisser et les finir sur place si les choses devaient s'éterniser. En plus de ces 15 animaux, 5 autres devaient être vendus dans les prochaines semaines.
Il estime qu'avec cette interdiction, c'est près de 40 000 € de trésorerie qui sont bloqués.
De plus, David Chaize ignore si ces animaux partiront au même prix que celui conclu avant la fermeture de l'export.
Les responsables agricoles craignent un déséquilibre du marché bovin
Également membre du bureau de la FNSEA 63 et administrateur à la FNB, le puydomois s'inquiète de la situation de la filière.
Tous les animaux qui auraient dû partir avant le 5 novembre vont se retrouver sur le marché, avec les bovins dont le départ était programmé après le 5 novembre. J'ai peur que les intermédiaires profitent de cet afflux pour essayer de baisser les prix. La filière va devoir être vigilante à ne pas envoyer tous les animaux dès le 5 novembre pour ne pas déséquilibrer le marché, avec toute la difficulté pour les éleveurs de les garder en ferme. »
Les broutards de David Chaize, et ceux de tant d'autres, sont certes bloqués pour une semaine encore mais le responsable agricole estime qu'ils le seront en réalité durant 3 semaines à un mois, le temps que le marché retrouve sa stabilité.
En pleine saison des fermages et des impôts, cette situation n'est pas faite pour soulager les finances des exploitations. « Au lieu de contraindre ceux qui ne respectent pas les règles, la Ministre condamne la très grande majorité des éleveurs qui ont tout fait, en particulier vacciner dans un temps record pour lutter contre la propagation de la maladie » estime-t-il.
La réouverture de l'export le 05 novembre sera une étape charnière pour la filière
Quel impact aura cette interdiction d'exportation de bovins vifs en France sur les cours ? En 2024, les éleveurs français ont vendu 940 000 broutards, de 4 à 15 mois de type viande, mâles et femelles et 356 000 veaux de moins de 2 mois, de type laitier, selon les chiffres de l'Idele.
En moyenne, ce sont donc près de 25 000 broutards et veaux vifs qui sont exportés chaque semaine.
L'Italie et l'Espagne sont les principaux acheteurs.
L'export de bovins vifs représente à lui seul « entre 50 et 60% de l'activité hebdomadaire de Sicarev » détaille Raphaël Feignier, directeur du groupe dont l'activité est en partie suspendue depuis une semaine.
Ces mesures draconiennes sont difficiles à vivre pour les éleveurs mais aussi pour nos structures. On ne vit plus. »
Le maintien du marché intérieur permet à SICAREV d'écouler les broutards et les jeunes veaux de leurs adhérents, du moins ceux calibrés pour les clients français. « Les animaux destinés à l'export sont plus lourds. Aujourd'hui sur nos zones charolaises, les bovins retenus en ferme trouveront difficilement preneur en France. De même, nous ne pouvons pas réorienter tous les veaux laitiers sur ce marché structuré sur du veau de boucherie et sevré. La structuration de la filière n'est tout simplement pas adaptée pour un tel volume d'animaux. »
Quant à savoir si cette suspension de l'export aura un impact sur les cours, Raphaël Feignier se dit peu inquiet « ce sera gérable dans la mesure où l'interdiction sera levée le 5 novembre » estime-t-il.
Le nombre d'animaux lâchés sur le marché, l'évolution de la maladie et des restrictions de circulation joueront indéniablement sur le prix post 5 novembre.
« Le marché de la viande est porteur aujourd'hui, avec une bonne dynamique sur la France. Maintenant, comment vont réagir nos clients face à des propositions de tous les opérateurs ? Forcément le prix va entrer dans la négociation. Nous allons essayer de mettre des choses en place pour maintenir les prix négociés avant cette crise. »
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