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Pomme : comment le Chili veut rebondir à l’export

La campagne d’exportation de pommes du Chili 2023 a débuté à l’aune du renouvellement de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne. Si la production chilienne de pommes décline depuis une dizaine d’années, ce pays reste un exportateur majeur de fruits, notamment vers l’Europe en contre-saison.

Le Chili a perdu environ un quart de ses surfaces de pommiers en dix ans. En photo, ces vergers de pommiers situés à Longavi au sud du Chili sont exploités par l’exportateur Verfrut.
Le Chili a perdu environ un quart de ses surfaces de pommiers en dix ans. En photo, ces vergers de pommiers situés à Longavi au sud du Chili sont exploités par l’exportateur Verfrut.
© Verfrut

La modernisation de l’accord de libre-échange entre le Chili et l’Union européenne, signé à Bruxelles le 9 décembre dernier par les pouvoirs exécutifs des deux parties, doit encore être ratifié par leurs parlements respectifs. La perspective de cet « accord-cadre avancé » a suscité des craintes exprimées par les organisations et coopératives agricoles de l’UE (Copa-Cogeca) vis-à-vis de ses conséquences sur les secteurs des viandes et de l’éthanol. De fait, l’UE a accordé des concessions sur les préparations de fruits et le jus de pomme. Mais sur le segment des pommes fraîches, le Chili ne représenterait pas une menace concurrentielle redoutable. La production chilienne de pommes est sur le déclin depuis dix ans et la filière jouit déjà d’un tarif douanier nul sur le marché européen.

90 % des fruits chiliens libres de droits de douane

« Cet accord de libre-échange renégocié ne changera en rien les conditions d’accès au marché européen des fruits du Chili, assure Andrea García, directrice du Bureau d’études et de politiques agraires du Chili (Odepa). Plus de 90 % des espèces de fruits exportées du Chili vers l’UE sont déjà libres de droits de douane. S’il est ratifié, ce nouvel accord n’aura aucun impact sur les volumes de fruits provenant du Chili arrivés en Europe. » María Elena Villablanca, chargée du marché européen chez Verfrut, un gros producteur et exportateur de fruits du Chili, espère de son côté « une simplification des démarches administratives pour expédier les lots ».

Malgré sa géographie si particulière, coincé entre mer et montagne sur 5 000 km de longitude, le Chili a réussi à se hisser au rang d’exportateur majeur de fruits. Et ce, avec un verger de moins de 400 000 hectares (vignes comprises). Grâce à une politique commerciale extérieure ouverte sur le monde, presque tous les pays ont noué avec le Chili un accord de libre-échange. Parmi les cultures chiliennes, les pommiers et le raisin de table sont sur le déclin. En effet, les producteurs de fruits chiliens ont préféré mettre leurs billes dans des espèces plus rentables à l’export, en premier lieu la cerise, aspirée au prix fort par le marché chinois.

Une campagne d’exportation « noire » en 2022

« En 2013, les cerisiers couvraient 16 243 hectares contre 61 559 hectares en 2022, soit une hausse de 280 % en dix ans ! » constate Andrea García. La cerise est devenue le fruit le plus cultivé du pays, poussée par sa rentabilité et la demande. À l’inverse, le raisin de table était l’espèce de fruit la plus cultivée au Chili en 2013 avec 53 746 hectares. En 2022, elle est redescendue à la troisième place avec 48 593 hectares.

La surface plantée en pommiers sur tout le territoire chilien s’est rétractée d’un quart environ en dix ans. En 2022, cette pommeraie nationale fait à peine trente mille hectares. « De vieilles plantations ont été arrachées et certaines nouvelles variétés testées ont présenté des problèmes de qualité, elles aussi ont été éliminées », explique Andrea García. Le Chili reste cependant le sixième exportateur mondial de pommes (en 2021 selon Trademap) et le premier fournisseur de l’Europe en pommes de contre-saison.

Cette lente érosion de l’offre chilienne en pommes a connu un creux plus important l’an dernier, suite à une campagne d’exportation 2022 qualifiée de « noire » par María Elena Villablanca, pour deux raisons: d’une part, à cause de la crise du fret maritime. « Le coût de transport maritime d’un conteneur a atteint 11 500 dollars l’an dernier, alors que le prix moyen jusqu’ici était de 7 000 dollars. Le coût actuel, en janvier 2023, est redescendu à 8 500 dollars. Cela nous redonne espoir vis-à-vis du marché européen », explique María Elena Villablanca.

Un rebond attendu en 2023

D’autre part, l’une des conséquences de la guerre en Ukraine est la baisse du pouvoir d’achat des Européens qui s’est traduite par une chute de la consommation de pommes fraîches. Résultat, les exportations chiliennes de pommes ont cumulé 570 millions de kilos en 2022, en baisse de 27 % par rapport à l’année précédente selon l’association de fruiticulteurs du Chili, Fedefruta.

La pomme chilienne pourra-t-elle rebondir à l’export ? Côté marché, a priori, oui. « La demande européenne de pommes du Chili s’est affermie ces dernières années, sauf l’an dernier plus atypique. Les variétés les plus demandées par les importateurs européens ne sont plus comme auparavant la Royal Gala et la Fuji, mais la Pink Lady et la Canzi, informe la directrice commerciale de Verfrut. La concurrence de l’origine italienne, qui s’étire toujours plus loin dans le calendrier, nous oblige à étaler nos envois jusqu’en septembre. » Elle espère un retour à la normale lors de cette campagne d’exportation 2023 qui commence tout juste. La pomme chilienne arrive sur le marché mondial à partir de la semaine 6 et y reste jusqu’à la semaine 35-36, soit de février-mars à août-septembre avec un pic des flux en mai-juin. À l’heure actuelle, les principales variétés de pommes cultivées par les Chiliens sont par ordre d’importance : Royal Gala et autres Gala (dont Brookfield et Premium), Pink Lady, Granny Smith, Fuji, Raku et Red. Selon l’Odepa, les Gala sont en léger déclin tandis que Pink Lady progresse.

La cerise est devenue le fruit le plus cultivé du pays avec une hausse des surfaces de 280 % en dix ans.

En chiffres

Production 2022

375 600 ha de vergers et vignes

61 560 ha de cerisiers

30 000 ha de pommiers

48 600 ha de raisin de table

 

Allonger la durée de conservation des fruits

 

 
Les producteurs chiliens de pommes veulent des variétés à longue durée de conservation. © Verfrut
La priorité des fruiticulteurs chiliens est l’amélioration de la qualité du fruit. « Ils rénovent leurs vergers et changent de variétés, expose Andrea García, directrice du Bureau d’études et de politiques agraires du Chili. Leur défi est de blinder leurs coûts avec des plantations plus denses et des conduites mécanisées qui comprenent l’usage de porte-greffes pour résister aux ravageurs et aux maladies ». Les producteurs chiliens sont à la recherche de variétés qui s’adaptent aux conditions climatiques du Chili afin d’allonger la durée de conservation du fruit. « Ainsi, les fruits peuvent arriver dans de bonnes conditions sur les marchés lointains que sont l’Europe et l’Asie », complète Andrea García, qui préconise une campagne marketing pour repositionner la pomme chilienne sur ses marchés. En 2021, le Chili était le premier pays producteur et le premier pays exportateur de pommes de l’hémisphère sud. Cette année-là, 1,5 million de tonnes ont été produites au Chili dont un tiers a été exporté: « Le potentiel de la pomme chilienne reste intact, poursuit-elle. Elle peut tout à fait retrouver son niveau de production d’antan d’ici quelques saisons. »

 

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