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Peut-on produire des pêches sans pesticides ?

Produire des pêches en réduisant fortement le niveau de produits phytosanitaires est possible, mais pas sans impact sur le rendement et le chiffre d’affaires. C’est ce que montre le projet Agroécologie de l’AOP Pêches et abricots lancé en 2021.

Pour pouvoir répondre aux demandes sociétales, la grande distribution veut pouvoir proposer des pêches et nectarines produites sans pesticides. L’AOP Pêches et abricots de France a souhaité évaluer la capacité de la filière à répondre à cette demande par le test des itinéraires de culture alternatifs, où seuls les produits de biocontrôle et les solutions alternatives seront utilisés en traitement contre les bioagresseurs, du stade petit fruit (durcissement du noyau) jusqu’à la récolte. Lancé en 2021 avec SudExpé, ce projet Agroécologie a lieu dans un réseau de six exploitations de pêches et nectarines, situées dans les principaux bassins de production français : Drôme, Bouches-du-Rhône, Gard et Pyrénées-Orientales.

Échec vis-à-vis du monilia fruits

Les itinéraires alternatifs ont été co-construits avec les producteurs ou leur service technique en prenant en compte le secteur géographique, l’historique de la parcelle, la stratégie PFI mise en œuvre habituellement par le producteur… Sur chacune des six parcelles, une partie était conduite avec l’itinéraire habituellement pratiqué par le producteur (itinéraire « PFI »), l’autre avec l’itinéraire alternatif (itinéraire « agroécologique »). « En 2021, dans les itinéraires alternatifs, nous avons arrêté tout traitement phytosanitaire de synthèse à partir du stade petits fruits jusqu’à la récolte, tout en se laissant le droit d’utiliser des solutions alternatives », décrit Muriel Millan, responsable technique de l’AOP, lors de la journée de SudExpé sur la protection sanitaire des abricotiers et des pêchers.

Le principal échec des itinéraires alternatifs a été la gestion du monilia fruits pour les variétés tardives et de saison. Sur la plupart des exploitations, les stratégies agroécologiques ont été moins efficaces que les stratégies PFI vis-à-vis de cette maladie, avec plus ou moins de dégâts selon les parcelles. Pour ne pas se retrouver dans cette situation en 2022, les traitements chimiques contre le monilia ont été rendus possibles dans les itinéraires agroécologiques. Contre les autres bioagresseurs, la stratégie agroécologique s’est plus ou moins bien comportée selon les niveaux de pression.

Des IFT nettement diminués

Le surcoût des itinéraires agroécologiques par rapport aux itinéraires PFI a été évalué, en intégrant uniquement le coût des produits et non celui de la main-d’œuvre supplémentaire. Ce surcoût est très variable en fonction de la date de démarrage de la stratégie, de la stratégie elle-même et des pratiques PFI du producteur. Il se situe selon les parcelles entre +126 et +643 €/ha. Les Indices de fréquences de traitement (IFT) hors biocontrôle ont été nettement diminués dans les itinéraires agroécologiques : -40 % en moyenne. En revanche, les IFT totaux ont augmenté, ce qui traduit une hausse du nombre de traitements dans les itinéraires agroécologiques.

En moyenne, les rendements ont été plus faibles dans les itinéraires agroécologiques. Mais il n’y a pas eu de décrochage du rendement commercialisé, à part pour une situation : en 2021, une parcelle a subi énormément de dégâts de monilia qui n’ont pas pu être gérés par le biocontrôle, avec des dommages à la récolte et une perte de rendement de 50 %. Ce cas extrême a concerné la variété de nectarine Western Red, tardive et très sensible au monilia fruits. Une approche économique a été réalisée afin d’évaluer le chiffre d’affaires des stratégies agroécologiques. Globalement, en agroécologie, il peut y avoir de grosses pertes allant jusqu’à 58 % du chiffre d’affaires dans le cas extrême vu précédemment. Il y a aussi des situations où le chiffre d’affaires se maintient, notamment en parvenant à valoriser la catégorie 1. « Nous avons réussi à diminuer fortement les IFT et à éliminer les résidus, mais le bilan économique de ces itinéraires est trop faible, résume Muriel Millan. Il faudrait que les prix augmentent pour compenser cette prise de risque plus élevée. »

La biodiversité à la loupe

L’évaluation et le suivi de la biodiversité dans les exploitations pilotes constituent un autre volet important du projet Agroécologie. L’objectif est de disposer de données relatives à la biodiversité dans les vergers de pêchers, ainsi que d’accompagner et former les arboriculteurs pour une meilleure connaissance de celle-ci. « Un “point zéro a été réalisé en 2021, en s’appuyant notamment sur des protocoles de l’Office français de la biodiversité (OFB) », indique Timmy Defert en charge du suivi biodiversité de SudExpé. La présence de vers de terre, d’insectes et mollusques, de pollinisateurs sauvages, de papillons et d’auxiliaires a ainsi été évaluée sur chacune des parcelles et sera suivie dans les prochaines années.

Dans l’ensemble, la biodiversité est bien présente en verger de pêcher à un niveau variable selon les parcelles. L’environnement des parcelles et la présence d’infrastructures agroécologiques jouent un rôle sur le niveau de biodiversité. Un « test slip » a également été réalisé. Après deux mois dans le sol, les slips ont été déterrés afin d’observer leur dégradation. « On a une dégradation assez variable suivant les sites, en lien direct avec la quantité et le type d’irrigation, présente Timmy Defert. Ainsi, la dégradation était la plus importante pour deux parcelles irriguées par aspersion avec une rampe un rang sur deux, pour lesquelles il y a plus d’eau que dans les parcelles en goutte à goutte ».

Des tubes en cartons pour les abeilles

Dans le cadre du suivi de la biodiversité aérienne, des nichoirs à pollinisateurs sauvages ont été placés dans les parcelles du projet Agroécologie. « Ce sont des tubes en carton dans lesquels les abeilles solitaires viennent construire des loges, fermées par des opercules, décrit Timmy Defert de SudExpé. Le type d’opercule permet de nous indiquer le type d’abeille solitaire. Ces tubes sont adaptés à la famille des Megachilidae, qui présentent une brosse ventrale pour récolter le pollen. » Dans les six parcelles, le niveau moyen de présence de ces pollinisateurs était juste au-dessus des références OAB des parcelles agricoles. Les moyennes sont tirées par le haut par une parcelle, pour laquelle le taux d’occupation des tubes était de 100 % en 2021 et 2022. « On peut imaginer qu’il y a une influence des prairies permanentes situées autour des parcelles, estime Timmy Defert. Il y avait à proximité de cette parcelle la présence de trèfle, de luzerne et de sainfoin, qui sont des plantes très favorables aux pollinisateurs sauvages. »

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