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Des coûts de production en élevage ovin toujours plus élevés

Pour répondre à l’explosion des prix des matières premières, le prix du lait de brebis a été revu à la hausse. Cette revalorisation ne permettra pas de compenser même la moitié de l’augmentation des coûts de production.

Les années 2022 et 2023 ont été marquées par une très forte augmentation du prix des matières premières. Au cours de la campagne 2022 (du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022), l’Ipampa (indice des prix d’achat des moyens de production agricole) lait de brebis s’est accru de 17,7 % par rapport à la campagne 2021. Les hausses les plus spectaculaires ont concerné le prix des aliments (+20,0 %), de l’énergie (+44,6 %) et des engrais et amendements (+90,5 %). À eux seuls, ces trois postes expliquaient près de 80 % de l’évolution de l’Ipampa lait de brebis qui a connu sa plus forte hausse depuis le début de sa diffusion, en 2005.

Augmentation des prix de l’alimentation et sécheresse

Malgré la baisse du prix de certaines matières premières observée à partir de l’automne 2022, l’Ipampa lait de brebis est resté très élevé au cours de la campagne 2023. En moyenne, il progresse de 5,9 % par rapport à la campagne précédente. Alors que le prix des engrais et amendements a connu un net repli (-8,1 %), et que le coût de l’énergie ralentissait son évolution à la hausse (+3,0 %), l’augmentation du prix des aliments (+9,9 % en moyenne) associée à l’évolution des coûts d’achat et d’entretien du matériel (respectivement +8,9 % et +8,1 %) expliquent l’essentiel de l’accroissement de l’Ipampa lait de brebis au cours de cette dernière campagne.

L’année 2022 a également été marquée par une sécheresse estivale exceptionnelle qui a réduit la période de pâturage ainsi que la récolte de fourrages et de céréales. Confrontés à des problèmes d’accès à l’eau, les troupeaux du Pays basque et du Béarn sont descendus plus tôt d’estive. Dès la fin d’été, les éleveurs des bassins nord-Occitanie et des Pyrénées-Atlantiques ont dû entamer leurs stocks de fourrages, qui étaient déjà limités. La campagne 2023 a démarré avec des stocks de fourrages et de céréales au plus bas, que bon nombre d’éleveurs ont dû compléter par des achats, se trouvant alors confrontés à des problèmes de coût et d’approvisionnement.

Forte progression des coûts de production en 2022

Sur la campagne 2022, les éleveurs livrant leur lait en production conventionnelle ont réussi à limiter l’évolution de leurs coûts de production, qui ont progressé tout de même de 5 à 7 %. Cela s’explique en partie par une légère progression de leur production laitière, de 1 % dans la zone nord-Occitanie à 4 % en Pyrénées-Atlantiques, alors que pour l’ensemble des élevages de ces deux bassins la production était stable voire en léger recul.

Par ailleurs, l’impact de la hausse des charges d’engrais et de carburant est resté modéré : les éleveurs ont réduit de 20 à 30 % la fertilisation minérale et les achats ont parfois été réalisés à l’automne 2021, avant l’envolée des prix observée à partir de février 2022. Finalement, une hausse des coûts de production de 139 €/1 000 l (+7 %) a été enregistrée pour les élevages du nord-Occitanie et 110 €/1 000 l (+5 %) en Pyrénées-Atlantiques.

Pour les éleveurs de la zone nord-Occitanie en agriculture biologique, la production laitière était en très légère baisse (-1 %), ce qui n’a pas permis de limiter l’évolution des coûts de production qui ont progressé de 183 €/1 000 l (+8 %).

En 2023, des coûts qui augmentent encore

Malgré une moindre progression du prix des matières premières, le coût de production devrait encore augmenter au cours de la campagne 2023-2024. Ce sont les éleveurs Pyrénéens qui devraient connaître la plus forte hausse : +264 €/1 000 l, soit +11 %. En cause, l’évolution du poste aliments achetés et des charges supplétives (rémunération du travail et des capitaux propres) qui expliquent 75 % de l’augmentation des coûts de production. Le prix des aliments se situait en effet à son plus haut niveau au début de la campagne laitière, alors que les éleveurs ont souvent été obligés d’augmenter la quantité de fourrages achetés pour pallier le déficit créé par la sécheresse de l’été 2022.

Par ailleurs, l’inflation générale de ces deux dernières années a entraîné une revalorisation du Smic et du taux d’intérêt du livret A qui expliquent l’augmentation de la rémunération de la main-d’œuvre exploitante (+5,4 %) ainsi que celle des capitaux propres qui se trouve multipliée par deux.

Pour les éleveurs du nord-Occitanie, l’augmentation du coût de production serait également importante : +194 €/1 000 l (+9 %) pour les élevages conventionnels et +196 €/1 000 l (+8 %) en agriculture biologique, avec également un fort impact de l’évolution du montant des aliments achetés et des charges supplétives qui expliquent 60 % de l’augmentation des coûts de production.

Une revalorisation du prix du lait en 2023

En 2022, le prix des agneaux a profité de cours favorables, notamment pour la filière des agneaux de lait des Pyrénées, grâce à une reprise de la consommation espagnole lors des fêtes de fin d’année 2021. De même, le prix du lait a bénéficié d’un coup de pouce au printemps 2022, qui s’est traduit pour les éleveurs par une progression du prix du lait d’environ 2 % à l’échelle de la campagne.

Si ces évolutions entraînent une progression du montant total des produits affectés à l’atelier ovin lait, entre +40 €/1 000 l (+2 %) pour les éleveurs Pyrénéens et +75 €/1 000 l (+4 %) pour les producteurs en conventionnel du bassin nord Occitanie, cela n’a permis de couvrir que 30 à 55 % de l’augmentation des coûts de production.

Dans un contexte de forte progression des coûts de production, le prix du lait en production conventionnelle a connu, pour la campagne 2023, une revalorisation sans précédent : autour de +12,5 % d’après l’Interprofession lait de brebis des Pyrénées-Atlantiques et FranceAgriMer. Ce n’est en revanche pas le cas pour les éleveurs en production bio qui ont vu le prix du lait progresser de 3,1 % seulement. En ce qui concerne les autres produits, le prix des agneaux de lait des Pyrénées progresse légèrement (+1,4 %) alors que le prix des agneaux lacaunes diminue de 13 %.

Les aides PAC (politique agricole commune) devraient être légèrement revues à la baisse, et l’évolution des aides conjoncturelles se caractérise par la suppression du plan de résilience, versé au printemps 2022, et par le versement en début de campagne 2023 des aides calamités, suite à la sécheresse de l’été 2022. En conséquence, le montant des produits affectés à l’atelier ovin lait devrait progresser de +60 et +103 €/1 000 l, soit +3 à +6 %, pour les éleveurs bio et conventionnels du nord-Occitanie et +137 €/1 000 l (+7 %) pour les éleveurs basques et béarnais.

Une rémunération entre 0,5 et 1,3 Smic

Au cours de ces trois dernières campagnes, l’écart entre le prix du lait et le prix de revient n’a fait que s’accroître, ce qui a réduit d’autant la rémunération du travail exploitant.

Parmi les trois groupes étudiés, seuls les éleveurs bio du nord-Occitanie avaient en 2021 un prix de revient inférieur au prix de vente de leur lait. Autour de 2,2 Smic par UMO (unité de main-d’œuvre) exploitant, leur rémunération était alors 10 % supérieure à la convention de 2,0 Smic/UMO fixée par la méthode proposée par l’Institut de l’élevage pour le calcul des coûts de production. Après deux années de forte progression des coûts de production, leur rémunération devrait se situer autour de 1,3 Smic/UMO exploitant pour la campagne 2023.

Pour les élevages conventionnels, malgré la hausse du prix du lait enregistrée au cours de cette dernière campagne, la rémunération permise devrait également accuser une très forte baisse : entre les campagnes 2021 et 2023, elle passerait de 1,3 à 0,9 Smic/UMO pour les éleveurs du nord-Occitanie et de 0,8 à 0,5 Smic/UMO pour ceux des Pyrénées-Atlantiques.

Les suivis Inosys Réseaux d’élevage

Chaque année, les suivis réalisés dans le cadre du dispositif Inosys Réseaux d’élevage, ainsi que des projets BioRéférences et Respol, permettent d’analyser l’évolution des résultats techniques et économiques des élevages ovins laitiers situés dans la zone sud du Massif central et les Pyrénées-Atlantiques. Ces suivis sont réalisés par les chambres d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques, de l’Aveyron et de Lozère, ainsi que par les organismes techniques qui accompagnent les éleveurs dans ces deux bassins : l’Avem, le Centre départemental de l’élevage ovin des Pyrénées-Atlantiques, la Maison de l’élevage du Tarn, le service élevage de la Confédération générale de roquefort et Unotec.

Les estimations de coût de production pour la campagne 2022-2023 ont été réalisées sur 64 exploitations livrant leur production en conventionnel ou en agriculture biologique. L’analyse de l’évolution des résultats sur les trois dernières campagnes porte sur un échantillon constant de 48 exploitations. Si pour des raisons de structure et d’efficacité les exploitations suivies ont des résultats économiques nettement supérieurs à ceux des fermes professionnelles françaises mesurés par le Rica (réseau d’information comptable agricole), elles illustrent la diversité des systèmes et suivent les mêmes tendances d’évolution.

Définition

L’indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa) mesure les variations des prix d’achat supportés par les exploitations agricoles pour leurs intrants de production et leurs dépenses d’investissement.

Côté Web

La méthode pour le calcul des coûts de production en élevage herbivore à retrouver sur : idele.fr/inosys-reseaux-elevage

« Regrouper les troupeaux pour améliorer l’autonomie en fourrage »

Regrouper les troupeaux peut s’avérer intéressant pour réduire la charge de travail et viser une meilleure autonomie en fourrage. Explications de Nathalie Rivemale, référente technico-économique au service élevage de la Confédération générale de roquefort.

« Depuis 2001, le Gaec La Fontaine avait un deuxième troupeau qui livrait du lait en intersaison (hors période roquefort). Le volume de référence étant bloqué, cela leur permettait de produire plus en livrant sur d’autres périodes. En 2019, ils ont voulu rénover et agrandir le bâtiment, mais le système avec deux troupeaux ne laissait pas de fenêtre de temps suffisante pour réaliser ces travaux. C’est pour cette raison qu’ils ont décidé de regrouper les deux troupeaux et avoir une seule période de mise bas. Depuis, ils avancent progressivement la mise bas du deuxième troupeau de juillet vers février, et le regroupement est effectif depuis cette année.

Le regroupement des troupeaux a comme principal avantage de réduire la charge de travail, puisque les éleveurs n’ont plus qu’un seul lot de brebis à gérer, donc une seule période d’agnelage et de reproduction, un unique troupeau à conduire au pâturage… Ils sont passés de plus de 280 jours de traite par an à 205 jours en 2023.

La fusion des troupeaux a également permis une meilleure autonomie en fourrage. En effet, comme la mise bas du second troupeau se faisait l’été, c’était autant d’herbe qui n’était pas pâturée, compensée par un apport non négligeable d’aliments à la bergerie. De plus, le second troupeau avait une période de traite plus courte pour la même alimentation que le premier troupeau toute l’année. Ainsi, le regroupement a permis de réduire la quantité totale d’aliments consommés et une meilleure autonomie en fourrage.

Ce changement de système a également eu pour conséquence d’augmenter la productivité des brebis, passant de 247 litres en 2020 à 293 litres en 2023. Dans le contexte économique actuel, le projet de rénovation est en pause. Les éleveurs ont même légèrement réduit leur cheptel, car ils produisent plus de lait avec moins de brebis. »

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