Nord Céréales : chute de 70 % de ses exportations céréalières en 2024-2025
Nord Céréales, terminal céréalier du port de Dunkerque, a enregistré une campagne 2024-2025 catastrophique en termes d’exportations céréalières. La campagne 2025-2026 s’annonce meilleure, avec une récolte d’été excellente tant en volume qu’en qualité. Les vendeurs, agriculteurs et organismes stockeurs, se doivent de répondre aux moindres opportunités de marché, sans attendre.
Nord Céréales, terminal céréalier du port de Dunkerque, a enregistré une campagne 2024-2025 catastrophique en termes d’exportations céréalières. La campagne 2025-2026 s’annonce meilleure, avec une récolte d’été excellente tant en volume qu’en qualité. Les vendeurs, agriculteurs et organismes stockeurs, se doivent de répondre aux moindres opportunités de marché, sans attendre.

« La campagne 2024-2025 s’est révélée très très mauvaise », se désole Joël Ratel, directeur général de Nord Céréales, prestaire de service sur le grand port maritime de Dunkerque. L’exercice commercial s’est soldé par un tonnage de céréales exportées de seulement 600 000 t contre 2 Mt la campagne précédente.
Des importations de maïs en nette croissance
Le blé tendre a payé le plus lourd tribut avec un repli de 77 % de ses chargements, suivi par l’orge fourragère (-50 %). Aucun volume d’orge de brasserie n’a quitté le port. Seule la pulpe de betterave déshydratée a vu ses expéditions augmenter entre 2023-2024 et 2024-2025 (+360 %).
Exportations au départ de Nord Céréales | ||||
En tonnes | Campagne 2024-2025 | Campagne 2023-2024 | Campagne 2022-2023 | Campagne 2021-2022 |
Blé tendre | 373 783 | 1 609 506 | 1 777 000 | 1 146 753 |
Orge fourragère | 232 454 | 458 388 | 398 000 | 422 670 |
Orge de brasserie | 0 | 3 053 | 20 300 | 2 420 |
Pulpe de betterave déshydratée | 27 681 | 6 000 | 0 | 3 157 |
Total | 606 237 | 2 070 947 | 2 195 000 | 1 575 000 |
Source : Nord Céréales, au 1er août 2025. |
S’agissant des importations gérées par Nord Céréales sur le port dunkerquois, les entrées de maïs non OGM, de loin le plus important tonnage traité, ont plus que triplé d’une campagne sur l’autre, à destination d’un transformateur local. Les déchargements de pellets de bois sont passés de 60 000 t en 2023-2024 à 55 000 t en 2024-2025. Et pour la première fois, du tourteau de soja OGM, issu de zones non déforestées du Brésil, a été importé, pour un volume de 16 000 t.
L’Union européenne comme première destination à l’exportation
L’Union européenne est sur la première marche du podium, en cette campagne d’exportation céréalière atypique, avec les Pays-Bas et le Belgique comme principales destinations. En deuxième position, on retrouve le Maroc, avec un tonnage qui se maintient d’une campagne sur l’autre (bien qu’en baisse de 25 %).
L’Afrique de l’Ouest, un marché en développement
Puis viennent, avec des tonnages similaires (aux alentours des 68 000 t), la Mauritanie, un nouveau client, et la Chine, qui était en 2023-2024 le premier importateur de céréales dunkerquoises avec près de 1,6 Mt achetées !
Principales destinations des grains exportés par Nord Céréales | |||
En tonnes | 2024-2025 | En tonnes | 2023-2024 |
1- Union européenne | 192 858 | 1- Chine | 1 599 718 |
2- Maroc | 110 563 | 2- Egypte | 256 492 |
3- Mauritanie | 69 917 | 3- Maroc | 146 235 |
4- Chine | 67 916 | 4- Algérie | 30 300 |
5- Libye | 44 000 | 5- Union européenne | 21 027 |
6- France | 46 433 | 6- Thaïlande | 17 176 |
7- Arabie saoudite | 31 000 | ||
8- Tunisie | 25 550 | ||
9- Jordanie | 18 000 | ||
Source : Nord Céréales, au 1er août 2025. |
L’Algérie, en raison de différends diplomatiques avec la France, et l’Egypte, à cause du manque de compétitivité du blé français à l’exportation, sont absents des radars. Ces deux pays sont remplacés par d’autres importateurs, comme la Libye, l’Arabie saoudite, la Jordanie ou encore la Tunisie.
Une récolte 2025 de céréales à paille exceptionnelle
Après une récolte 2024 désastreuse en rendement comme en qualité, qui n’a permis à Nord Céréales que de disposer d’un très faible disponible exportable, les moissons de céréales à paille (blé et orge) en 2025, bien que précoces, sont « très bonnes en rendement », voire « très très bonnes en qualité », se réjouit Joël Ratel.
Une qualité de blé tendre sans pareille
La qualité du blé tendre sur l’hinterland du port de Dunkerque est « la meilleure de France », avec un rendement moyen proche des 80 q/ha, un taux protéique entre 11,4 % et 11,5 %, un temps de chute de Hadberg largement supérieur à 300 et une force boulangère (W) aux alentours de 180.
Une demande à l’export morose en ce début de campagne 2025-2026
« Les volumes sont là, la qualité est là. On a tout pour pouvoir exporter partout. Il faut maintenant que le marché s’ouvre », commente Joël Ratel.
De fait, la demande est cependant limitée en ce début de campagne. « Nous répondons aujourd’hui à une demande marocaine », indique le dirigeant de Nord Céréales. En revanche, la Chine n’est actuellement pas présente à l’achat. L’Egypte ne se porte pas plus acquéreuse de blé français, pour l’instant, mais Joël Ratel espère y exporter des volumes au cours de la campagne.
L’Algérie, une destination primordiale pour les blés français
Pour Joël Ratel, « le gros souci reste l’Algérie, qui refuse toujours d’importer de l’origine France, à cause de problèmes politiques compliqués : c’est une perte énorme pour la filière ». Si l’absence de l’Algérie ne s’est pas trop fait sentir en 2024-2025 en raison des faibles tonnages disponibles à l’exportation, la situation est tout à fait différente en cette campagne 2025-2026. Au vu de la belle récolte engrangée, FranceAgriMer prévoit en effet des exportations de blé tendre de 7,5 Mt sur les pays tiers, en plus des 6,7 Mt sur l’Union européenne. Dans ce contexte, il est primordial pour la France de « renouer à terme avec ce pays, qui importe 5 Mt à 6 Mt de blé annuellement… et dont l’origine hexagonale représentait historiquement 75 % à 80 % des volumes », rappelle le dirigeant de Nord Céréales.
Nord Céréales espère attirer des clients d’Afrique de l’Ouest
Dans ce contexte, Nord Céréales espère attirer les pays d’Afrique de l’Ouest. Ainsi les blés de l’hinterland de Dunkerque sont-ils en cours d’échantillonnage pour en déterminer la qualité boulangère. « D’habitude, l’Afrique de l’Ouest s’approvisionne à partir du port de La Rochelle-Pallice. Mais cette année, les teneurs en protéine des blés tendres issus de l’hinterland rochelais sont plus faibles que les nôtres. De fait, les importateurs d’Afrique de l’Ouest seraient preneurs de nos blés si les résultats d’analyses sont concluants », affirme Joël Ratel. Il s’agit de savoir si la qualité boulangère, en termes de P/L et de taux de cendre, est en adéquation avec les cahiers des charges des clients ouest-africains.
Une concurrence des origines mer Noire moins présente
S’agissant des récoltes du pourtour de la mer Noire, il semblerait que « les rendements soient moins bons que prévu, de même que la qualité, en raison d’un excès d’humidité ». Si l’on ajoute les problèmes d’ « embouteillage de bateaux » dans les ports, l’origine France peut espérer gagner des part de marché sur la scène international.
Des prix bas qui n’incitent pas les agriculteurs à vendre
Bien que la récolte de céréales à paille sur l’hinterland du port de Dunkerque soit très bonne en volume comme en qualité, la campagne de commercialisation présente un défaut d’allumage.
« Aujourd’hui, matériel et personnel sont prêts », indique Joël Ratel. Le nouveau site de stockage de Nord Céréales, le silo 9, est opérationnel depuis avril 2025 et le personnel, qui a connu une période de chômage partiel, de début octobre 2024 à fin mars 2025, est sur le pied de guerre.
Il faut étaler les ventes et la logistique dans le temps.
Mais, « le problème est que l’on a des prix de blé tendre bas, qui n’incitent pas les agriculteurs à commercialiser leur récolte et font que les organismes stockeurs ne sont actuellement pas présents à la vente », s’inquiète le dirigeant de Nord Céréales. Or, « au niveau national, ce sont 8,5 Mt de blé tendre qu’il va falloir exporter sur les pays tiers cette campagne. On ne pourra pas tout sortir en deux mois. Il faut étaler les ventes et la logistique avant l’arrivée des récoltes d’Amérique du Sud, soit d’ici la fin de l’année », insiste Joël Ratel.
L'ACHEMINEMENT DES CEREALES SUR LE PORT DE DUNKERQUE DEVIENT PROBLEMATIQUE
Pour les organismes stockeurs qui possèdent leur propre flotte de camions, l’acheminement des céréales vers le terminal portuaire de Nord Céréales n’est pas un problème. Les choses se compliquent quand l’organisme stockeur fait appel à des prestataires extérieurs, qu’il s’agisse de bennes ou de barges. L’acheminement de céréales vers le port demeure pour les transporteurs routiers et les bateliers une activité erratique, qui dépend des récoltes et de l’activité à l’exportation. « Ne pouvant pas se permettre de chômer quand il n’y a pas de sortie de céréales, ils se sont naturellement tournés vers d’autres domaines que l’agriculture. Et aujourd’hui, les chargeurs de céréales ne les retrouvent pas nécessairement quand ils en ont besoin », explique Joël Ratel, directeur de Nord Céréales. Et de renchérir : « Cela fait plusieurs fois que je tire la sonnette d’alarme. Il faut éviter les pics d’activité, qui deviennent ingérables à la fois pour les entreprises de transport et pour Nord Céréales, que ce soit en termes de gestion du personnel et des outils ».
Les agriculteurs décident, les organismes stockeurs attendent
Selon Joël Ratel, « le fait que, pour une raison de concurrence et de prix sur le terrain, on est donné la main à l’agriculteur sur ses ventes, met la pagaille partout ! » Et d’expliquer : « Avant les organismes stockeurs achetaient 80 % de la collecte de leurs agriculteurs à un prix moyen, ce qui leur permettait de la vendre quand bon leur semblait et d’étaler la logistique en conséquence. Aujourd’hui, si les agriculteurs ne donnent pas leur ordre de vente, l’organisme stockeurs ne peut pas vendre. Et comme l’agriculteur gère son intérêt personnel et pense tout le temps que les prix vont grimper, on attend. On peut louper ainsi des opportunités de vente et on dépense davantage d’argent à un moment donné, car on remue ciel et terre pour acheminer et charger des tonnages de céréales qui sont trop importants sur la période donnée. Il faudrait remettre à plat tout ça car ce n’est plus entendable ».
Concernant le fret ferroviaire de céréales, c’est un moyen logistique moins souple que le transport par la route voire la voie d’eau car le chargeur doit réserver ses sillons trois à six mois à l’avance. « Et si un programme est prévu mais qu’il n’y a pas de demande à l’exportation, nos silos sont pleins et ne peuvent de recevoir la marchandise », explique le dirigeant de Nord Céréales.
D’où la nécessité selon lui, que la logistique soit repensée et réfléchie d’un bout à l’autre de la chaîne : « s’il y a des camions, des barges et des trains qui arrivent, il faut que les navires arrivent. Et inversement, si des navires arrivent, il faut que les camions, les barges et les trains arrivent ». Et de renchérir : « Au 1er août, il n’est pas normal que je ne sache pas sur la période août-septembre, ce que je vais charger comme céréales. Dans ce contexte, il est difficile de gérer l’exploitation des installations et les hommes, ainsi que l’entreprise manutentionnaires, que sont les dockers ».