Pulvérisateurs automoteurs : Confort et précision se jouent d’abord sur le train roulant
Une suspension efficace et une transmission souple et performante sont les bases sur lesquelles s’appuie la stabilité de la rampe, avant même de parler de la suspension de cette dernière.
"Au cours des dernières années, nous avons connu deux évolutions majeures sur les pulvérisateurs automoteurs. Elles font suite à des demandes fortes du terrain : avoir des machines plus productives et gagner en confort de conduite, explique Yannick Seeleuthner, responsable marketing Poclain Hydraulics. Les agriculteurs voulaient retrouver le même confort qu’ils ont dans leur tracteur et en même temps traiter plus vite, sans augmenter leur consommation à l’hectare. Pour y parvenir, nous avons notamment travaillé à réduire le bruit et à améliorer les changements de vitesse pour que ces derniers passent le plus inaperçus possible." La généralisation de l’électronique sur les moteurs y a bien aidé. En effet, chez la grande majorité des constructeurs, la gestion de la transmission est étroitement liée à celle du moteur thermique. Aidés par des pompes à débit variable, des moteurs hydrauliques à volume variable ou à plusieurs étages à passage sous charge, les nouvelles transmissions hydrostatiques peuvent être pilotées finement pour s’adapter aux besoins, tout en réduisant autant que possible le régime moteur, donc la consommation et le bruit. On voit ainsi certains automoteurs circuler sur route à 40 km/h à des régimes inférieurs à 1 500 tr/min. "Lancée il y six mois, la dernière génération de transmission Ecodrive permet de réduire la consommation jusqu’à 25, voire 30 %, sur route comme au champ ", illustre Yannick Seeleuthner.
En parallèle, les performances des transmissions ont été revues à la hausse pour répondre à la progression des vitesses de traitement qui peuvent atteindre les 25 km/h. Cela nécessite des transmissions très coupleuses pour atteindre rapidement la vitesse de croisière en bout de champ. Certains appareils sont également dotés de freins immergés ou de freins à tambour à commande pneumatique avec répartiteur de freinage, pour décélérer rapidement. Plusieurs constructeurs homologuent même leurs appareils pour pouvoir tracter des citernes de ravitaillement dotées de freinage pneumatique (jusqu’à 12 à 16 t de PTAC).
Deux familles de transmissions
Le marché des automoteurs de pulvérisation se partage en deux grandes familles, selon le type de transmissions. Le Maestria et le Xénon de Matrot, ainsi que F40 d’Artec adoptent une transmission hydromécanique, à savoir une à deux pompe(s) hydrostatique(s) animant deux ponts mécaniques à différentiel autobloquant via une boîte de transfert. L'un des principaux arguments est la motricité sur les quatre roues permise par la partie mécanique de la transmission et le rendement plus important, du fait des moindres pertes par frottement et échauffement de l’hydraulique. En revanche, ces transmissions hydromécaniques sont lourdes, bruyantes et n’autorisent ni la voie variable, ni la hauteur variable.
Dans la seconde catégorie, on retrouve tous les automoteurs équipés d’une transmission hydrostatique utilisant un moteur hydraulique pour chaque roue. Ces transmissions ont gagné en rendement et en performance ces dernières années. La gestion de l’anti-patinage s’effectue généralement en freinant la roue qui tourne trop vite, dérivant ainsi le flux d’huile vers les autres roues. Sur les moteurs à étages, le passage des vitesses s’effectue pour la plupart de façon automatique en fonction des sollicitations. John Deere a combiné ses moteurs hydrauliques à un train épicycloïdal sur chaque roue, arguant une transmission plus coupleuse. Challenger se distingue avec une pompe hydrostatique à débit variable et des moteurs de roue à volume variable sans étage, privilégiant la souplesse et la simplicité.
La suspension gère la stabilité
Autre point important pour le confort du chauffeur et la stabilité de l’automoteur, la suspension. Matrot et Artec proposent une version pneumatique sur chaque essieu. Berthoud, Caruelle, Séguip et Tecnoma ont opté pour une suspension pneumatique par essieu à deux, trois ou quatre points selon la capacité de la cuve. Evrard se distingue par une suspension pneumatique d’essieu à l’arrière et par une suspension indépendante pneumatique sur chaque roue à l’avant. Amazone et Agrifac ont un châssis semblable conçu sur la base de deux balanciers (un de chaque côté), couplés à quatre suspensions, oléopneumatiques pour le premier, pneumatiques pour le second. Par nature, cette construction sur balancier permet d’effacer de moitié l’effet d’un relief sur une roue. Artec, sur le RS20, John Deere et Challenger disposent quant à eux d’une suspension oléopneumatique indépendante sur chaque roue : selon eux, cette construction permet de gommer complètement l’effet d’un relief sur une roue.
Disposant d’une régulation en fonction de la vitesse d’avancement, les suspensions oléopneumatiques et pneumatiques disposent d’une correction d’assiette qui permet de toujours garder la même course, quel que soit le niveau de remplissage de la cuve.
Voie et garde au sol variables
Pour intervenir dans une multitude de cultures, les automoteurs, exception faite des modèles à transmission hydromécanique, proposent souvent une voie variable. Berthoud, Caruelle, Séguip, Tecnoma, ainsi qu’Evrard peuvent proposer un réglage mécanique de la voie. Mais les agriculteurs choisissent bien souvent l’option du réglage hydraulique, pour des questions de confort. La plupart des constructeurs offrent bien souvent plusieurs choix de plages de voie, à décider à l’achat en fonction des interrangs de ses cultures. Oscillant pour la plupart entre 60 et 75 centimètres (de 45 à 100 cm pour les extrêmes), ces plages de voie varient selon les marques et les modèles. Cela permet notamment de passer d’un gabarit routier compact à une voie plus large au champ, synonyme de stabilité.
Du fait de l’interdiction de la pulvérisation par hélicoptère et pour intervenir tardivement sur des cultures hautes, des automoteurs à hauteur variable sont apparus sur le marché. Comparativement à des modèles à garde au sol haute mais fixe, ils se révèlent plus stables en position basse sur la route. Selon les marques, la plage de gardes au sol varie de 40 à 70 cm, la palme revenant au Condor Clearance Plus avec une garde au sol maximale de 2 mètres, suivi du Panterra H d’Amazone et son 1,70 m. Prochainement, le F40H d’Artec devrait atteindre en option 1,90 m et les automoteurs Berthoud, Caruelle, Séguip et Tecnoma, 1,85 m.
Vers une gestion automatique de la direction
Pour tasser au minimum et pour intervenir sur un labour, les constructeurs rivalisent de solutions pour que les roues arrière ne passent pas dans les trains des roues avant. Si la conduite en crabe s’est démocratisée, certains proposent des solutions plus originales comme la voie différente entre l’avant et l’arrière ou carrément, des trains de roue décalés. Chez certains constructeurs, la gestion du passage du mode deux roues directrices (sur la longueur) au mode quatre roues motrices (en bout de champ) peut être intégré dans les séquences de bout de champ, tandis que Challenger l’automatise, la transition s’effectuant lorsque l’angle de braquage dépasse 4°. Artec inverse quant à lui l’essieu directeur lorsque l’on change de sens d’avancement.
Des comportements adaptés au dévers
Pour compenser les glissements en dévers, certains automoteurs permettent en mode crabe un pilotage séparé de la direction à l’avant et à l’arrière à l’aide du volant et d’un joystick. Le système Stabilis de Matrot redresse et met à niveau le châssis pour remonter le centre de gravité. Il sert également à améliorer le confort sur route en couchant légèrement le châssis vers l’intérieur des virages. Agrifac propose une version MountainPlus de son Condor qui s’appuie sur la garde au sol variable pour redresser le châssis : cette conception présente l’avantage de remettre à la verticale les roues et donc de ne pas coucher les cultures jouxtant les passages de roue.
Les pneus IF et VF séduisent
Au fur et à mesure que l’offre s’étoffe, notamment vers les grands diamètres, les pneumatiques IF et VF attirent de plus en plus les acquéreurs d’automoteur en autorisant des pressions plus faibles pour une même charge. Ils offrent plus de confort et une surface au sol accrue jusqu’à 16 % par rapport à un pneu standard de même dimension, limitant la compaction. Par conséquent, certains agriculteurs, qui achetaient deux montes de pneumatiques (460-520 mm pour l’hiver et 300-340 mm pour la belle saison), n’en achètent plus qu’une de taille intermédiaire (380-420 mm). D'autres font le chemin inverse, du fait la possibilité de monter des pneus de plus en plus larges sur ces appareils, n’hésitant pas à mettre des pneus de 710 mm lors les interventions hivernales et tasser au minimum. Enfin, les agriculteurs ayant des parcellaires dispersés s’équipent de pneus IF étroits à profil agroroutiers, dotés de pavés centraux conçus pour réduire le bruit sur route et limiter l’usure.
Petit bémol cependant : certains équipementiers ont doté leurs pneus VF de crampons plus resserrés, impactant leurs propriétés de débourrement.