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L’emprise croissante des tractoristes

Avec l’agrandissement des gammes de produits chez les différents tractoristes, les fournisseurs spécialisés dans les matériels d’accompagnement voient leur représentation évoluer au sein des concessions.

Les grandes firmes de l’agroéquipement investissent pour disposer d’une large offre de produits, allant des tracteurs aux matériels de fenaison en passant, par exemple, par les moissonneuses-batteuses, les outils de travail du sol, les pulvérisateurs et les semoirs. Cette politique de gamme longue n’est pas sans conséquence pour les marques spécialistes, qui voient évoluer leur partenariat avec leurs concessionnaires historiques. La décision de changer de fournisseurs de matériels d’accompagnement n’est ainsi pas toujours à l’initiative des distributeurs. Elle peut en effet découler d’une exigence d’exclusivité du concédant, mais aussi être indirectement insufflées par d’attractives remises commerciales basées sur des objectifs de ventes.

Fendt prône une transition en douceur

Le tractoriste Fendt profite pleinement de la croissance externe du groupe Agco, notamment des rachats de Fella et Lely, pour proposer aujourd’hui un large catalogue de produits à ses concessionnaires : moissonneuses-batteuses, faneuses, andaineurs, faucheuses, presses à balles rondes, presses enrubanneuses, remorques autochargeuses, pulvérisateurs traînés et automoteurs. Pour attribuer sa carte de tracteurs, le constructeur est particulièrement exigeant. Il ne tolère la représentation d’une seconde marque sous le même toit que s’il s’agit de Valtra. Certains concessionnaires contournent cette règle en créant des sociétés sœurs pour travailler avec d’autres fournisseurs. Cette manœuvre les oblige toutefois à bien différencier les équipes techniques et commerciales, ainsi que les infrastructures. « Même si aujourd’hui nous revendiquons le statut de full liner, nous ne sommes pas dans une politique autoritaire. En effet, la commercialisation de l’intégralité de notre catalogue est largement incitée, mais nous n’imposons pas à nos concessionnaires de se séparer de leurs partenaires historiques dans des délais inconsidérés, notamment pour certains matériels non tractés encore non disponibles dans notre catalogue à date », précise Olivier Leroy, responsable marketing opérationnel chez Fendt. Pour les nouveaux distributeurs, la politique est en revanche plus stricte. Chez eux, Krone est, par exemple, considéré comme persona non grata, car son offre s’avère trop similaire. Pour certains outils comme les pulvérisateurs, Fendt reconnaît que la présence d’autres fournisseurs est logique, car son catalogue reste incomplet et ne compte notamment pas de modèles portés. Le principal levier est alors financier pour encourager les distributeurs à promouvoir les différents produits de la gamme longue. « Les conditions commerciales appliquées incitent clairement à vendre l’intégralité de la gamme Fendt. Le réseau joue d’ailleurs bien le jeu, car les volumes distribués se révèlent importants. Par conséquent, les marques concurrentes commencent à passer naturellement au second plan chez certains de nos concessionnaires, souligne Olivier Leroy. Par ailleurs, l’intégration de produits bénéficiant déjà d’une image solide, en phase avec Fendt, contribue clairement au bon accueil sur le terrain. La qualité de notre relation avec nos distributeurs, reconnue par ces derniers, est aussi un atout. » En effet, la firme allemande se place encore en 2018 à la deuxième place dans l’enquête ISC de satisfaction des concessionnaires menées par le Sedima.

Kubota se démarque par l’approche commerciale

Avec l’acquisition du groupe Kverneland en 2012, le Japonais Kubota commercialise sous ses couleurs des matériels de travail du sol, semis, fertilisation et pulvérisation, ainsi que des machines de fenaison et des presses. « Comme l’ensemble des tractoristes full liner, nous souhaitons que notre réseau soit bien identifié à notre marque », précise Gérard Danibert, directeur marketing et communication chez Kubota Europe. Cette représentation est facilement envisageable dans les régions de polyculture élevage, car le catalogue de produits couvre un grand nombre d’applications. En revanche, en secteur de grandes cultures, la donne est un peu différente, la gamme Kubota culminant à près de 180 ch. Le jeune full liner s’autorise de travailler avec des firmes aux produits complémentaires et vient, par exemple, de passer un accord avec le groupe Pellenc en région bordelaise. Pour se différencier, il insiste sur sa solution globale KFS (Kubota Farm Solution). « Notre offre rassemble le tracteur, l’outil, la technologie pour l’optimisation des applications (guidage GPS, coupure de sections…), la maintenance, les extensions de garantie et le financement, décrit le directeur marketing et communication. Nous souhaitons accompagner les clients dans la maîtrise de leurs coûts de mécanisation. Cette approche économique bouscule les habitudes et séduit les concessionnaires. Elle suscite en revanche l’interrogation de la part des tractoristes concurrents. »

Une opportunité à saisir selon New Holland

Chez New Holland, le catalogue s’est récemment enrichi de matériels de travail du sol, de semis et de fenaison à la suite du rachat, en octobre 2016, de la division agriculture de l’industriel danois Kongskilde. « L’arrivée de ces outils d’accompagnement (OA), intégrés dans les contrats de distribution depuis janvier 2018, n’est pas vécue de la même façon par tous les acteurs de notre réseau, confie Michel Weber, directeur marketing et communication. Certains concessionnaires sont heureux de cette offre additionnelle, qui leur permet de se démarquer sur le terrain. D’autres restent attachés à leurs partenaires historiques et s’investissent encore peu dans la promotion de nos OA. Pour le moment, nous respectons leur choix, mais à nous de les convaincre en douceur de l’intérêt de commercialiser l’intégralité de la gamme New Holland. » Ainsi, pour promouvoir les outils d’origine Kongskilde, le tractoriste, aidé par l’équipe historique de la firme danoise, s’affaire à former les équipes commerciales et techniques de ses concessionnaires. Il accompagne également son réseau en organisant des caravanes de présentation à travers la France et en les incitant à acheter des matériels de démonstration. Le directeur marketing et communication reconnaît cependant qu’à terme, New Holland souhaitera devenir le fournisseur privilégié de son réseau. « Nous avons des usines à faire tourner », souligne-t-il. Alors, pour alimenter les unités de production, le constructeur va rapidement mettre en place des objectifs commerciaux sur les outils d’accompagnement, comme c’est déjà le cas pour les tracteurs, les moissonneuses-batteuses, ensileuses, machines à vendanger, ainsi que pour les presses à balles rondes et cubiques. Cette exigence incitera, par conséquent, les concessionnaires à promouvoir les produits New Holland.

David Laisney

 

 

Krone insiste sur le professionnalisme et la flexibilité 

 

 

La cohabitation dans la cour des concessionnaires de tractoristes possédant une gamme longue devient de plus en plus compliquée à gérer pour les constructeurs spécialisés dans les matériels d’accompagnement. La politique d’exclusivité souhaitée par les premiers appelle, en effet, à laisser de moins en moins de place aux seconds. « Nous adaptons en permanence l’étendue de notre offre de produits chez nos distributeurs partenaires de constructeurs full liner, afin de ne pas les mettre en difficulté face à leur concédant principal. Nous cherchons la complémentarité », souligne James Charron, directeur commercial de Krone France. La filiale française de la firme allemande travaille aussi avec des structures ne commercialisant que des matériels tractés. « Cette situation dispense de toute pression de la part des tractoristes. Elle s’avère particulièrement intéressante, car ces spécialistes ont une approche très professionnelle dédiée aux équipements », apprécie James Charron. Pour se démarquer dans un marché très concurrentiel, Krone se montre très actif sur les salons professionnels et a renforcé sa communication sur les réseaux sociaux. La marque investit également dans les hommes pour accompagner ses distributeurs et être à l’écoute du terrain. Le principal objectif est d’établir une relation de proximité avec le client final. « Lorsqu’un agriculteur, une Cuma ou un entrepreneur de travaux agricoles projette d’investir dans du matériel de récolte des fourrages, il doit penser à Krone », vise James Charron. Le constructeur doit aussi se montrer comme une opportunité pour les concessionnaires. « Nous ne souhaitons pas multiplier les points de vente, mais plutôt délimiter des zones de chalandise à nos partenaires. Cette politique nous permet d’assurer un service de qualité aux utilisateurs et de garantir un bon niveau de profitabilité à nos concessionnaires », insiste le directeur commercial.

D. L.

 

 

Les concessionnaires épris de liberté

 

                                        Pierre Prim, président du Sedima

Les contrats de distribution imposés par les tractoristes full liner ne laissent peu ou pas de place aux fournisseurs concurrents. L’allongement des gammes de produits chez les tractoristes a aujourd’hui un impact important sur les marques sommées de quitter la cour des concessionnaires. « Il y a une vingtaine d’années, lorsqu’un fabricant d’outils de travail du sol rachetait une usine de charrues, par exemple, l’opération avait peu de retentissements dans les concessions et sur l’équilibre des marques. La part de business restait limitée en ne concernant qu’une seule catégorie de matériels diffusée sur un petit secteur géographique. Désormais, lorsqu’un tractoriste renforce son statut de full liner en étoffant son catalogue avec diverses familles de matériels, l’incidence est tout autre. En effet, comme les zones de chalandise des distributeurs s’étendent parfois sur de multiples bases, voire sur plusieurs départements, le chiffre d’affaires généré par catégorie d’outils s’avère alors conséquent. La perte d’activité pour certains fournisseurs évincés peut d’ailleurs être considérable », reconnaît Pierre Prim, président du Sedima (Syndicat national des entreprises de service et distribution du machinisme agricole, d’espaces verts, et des métiers spécialisés). Pour préserver le volume d’affaires avec les marques devenues indésirables aux yeux de son concédant, le concessionnaire peut ouvrir une structure indépendante, afin de proposer aux clients les matériels de ses partenaires historiques. « L’agriculteur n’achètera pas chez son distributeur habituel, s’il est convaincu que l’équipement proposé ne correspond pas à ses exigences et aux contraintes du terroir », souligne le président du Sedima.

Des clauses limitantes

La création d’une entreprise sœur n’est pas si simple en raison de la clause de non-concurrence liant le distributeur à son tractoriste, laquelle interdit de commercialiser des produits concurrents. Cette disposition est à relier avec la clause dite d’intuitu personae, qui fait reposer la validité du contrat sur la ou les personnes physiques propriétaires ou associées de la concession. Ainsi, si l’une d’entre elles fonde en son nom une société proposant des produits concurrents, le concédant principal est en droit de lui retirer la carte. « Les tractoristes full liner apportent une certaine sécurité aux distributeurs en s’engageant sur des durées de contrat et en définissant des zones commerciales précises. Et grâce à ces deux clauses, ils sont sûrs que leurs concessionnaires s’engagent à ne défendre que leurs produits. C’est le revers de la médaille », indique Pierre Prim. De surcroît, avec la clause d’intuitu personae, le tractoriste a le droit de vie et de mort sur le distributeur. En cas de succession, il peut rompre le partenariat si le repreneur ne lui convient pas. « Les constructeurs doivent comprendre que cette emprise leur est préjudiciable. Si les distributeurs se montrent professionnels en respectant leurs engagements envers leurs concédants, ils devraient pouvoir être libres de leurs choix, insiste Pierre Prim. Sans cette clause entravante, ils gagneraient en sérénité et investiraient davantage. Leur niveau de service progresserait encore. Clients et constructeurs en profiteraient directement. »

D. L.

 

 

« Au final, les clients décident »

Pour Christian Fischer, directeur commercial France de Kuhn « La volonté des constructeurs d’élargir leurs offres n’est pas nouvelle. Kuhn et de nombreux autres acteurs du machinisme développent depuis longtemps leurs offres en commercialisant de nouveaux produits soit via des développements internes, soit via des croissances externes. Dans le même temps, le contexte de la distribution bouge régulièrement. Il y a des mouvements entre les revendeurs qui se rapprochent ou s’allient. Ceci étant, les clients restent les décideurs et ce sont leurs choix qui impactent aussi et souvent l’équilibre entre les marques. Les orientations prises par les uns et les autres ne se traduisent pas toujours par des faits, tels qu’ils sont imaginés à l’origine. Les agriculteurs ou entrepreneurs de travaux agricoles optent pour des matériels que s’ils sont conformes à leurs exigences et, la plupart du temps aussi, commercialisés par leur distributeur, qui leur garantit la proximité, le service et l’écoute nécessaires et recherchés. Ils acquièrent des biens de production et demeurent plus que jamais, sensibles aux performances, ainsi qu’au retour sur investissement. Certains fabricants sont bien implantés dans un domaine, grâce aux caractéristiques de leurs outils. D’autres qui pourtant produisent également des matériels comparables ne connaissent pas toujours le même succès, car le terrain en décide autrement. »

D. L.

 

 

 

 

 

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