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Changement climatique - Hausse du rendement de blé en France en 2050, puis la chute inéluctable ?

Chaque hausse de 1 °C ferait diminuer le rendement mondial de blé de 6 %. Toutefois, celle de la concentration en CO2 dans l’atmosphère pourrait compenser les pertes. 

Les rendements de blé augmenteraient (points bleus) dans la plupart des pays exportateurs à l'horizon 2050.
© Asseng et al. , Global Change Biology, Inrae

Et si, malgré le changement climatique, les rendements français de blé tendre augmentaient d’ici à 2050 ? C’est le scénario envisagé par une série d’études scientifiques, réalisées en 2019 avec l’Inrae et présentées lors des JTIC organisées à Tours les 23 et 24 novembre 2021. Mais, une baisse s’avérerait inéluctable à partir de 2050.

Les études précisent que le rendement moyen en France grimperait de 0 à 5 %. Certes, si l’on se concentre sur le seul effet de la température sur les rendements, chaque hausse de la première de 1 °C déclencherait une baisse des seconds de 6 %. Mais dans le cas du changement climatique, le réchauffement serait accompagné d’une hausse de la concentration en CO2 atmosphérique. « Pour toute augmentation inférieure à 2 °C du mercure, la hausse de la concentration en CO2 fera progresser les rendements, car favorable à la photosynthèse. Ainsi, l’Europe bénéficierait du changement climatique d’ici à 2050 », explique Pierre Martre, directeur de l’unité mixte de recherche de l’Inrae à Montpellier et coauteur des études. Mais les incidents climatiques extrêmes s’accentueraient. « Des scénarios de type 2016 se répéteraient plus fréquemment. […] Gelées, fortes pluies, températures élevées, sécheresses… », précise-t-il. 

Hausse de 3,2 °C à 5,4 °C entre 1850-1900 et 2100 ! 

L’expert rappelle que la tendance suivie en termes de trajectoire de réchauffement climatique à l’échelle mondiale est le scénario RCP 8.5, soit le pire scénario. Cette hausse d’énergie captée engendrera celle des températures planétaires de 3,2 °C à 5,4 °C entre l’ère préindustrielle (1850-1900) et 2100. Les accords de Paris donnaient pour objectif de suivre le meilleur scénario, soit le RCP 2.6, prévoyant une hausse des températures de 1,5 °C à 2 °C sur la période. 

Selon ce scénario RCP 8.5, les rendements progresseront dans plusieurs pays exportateurs de blé à l’horizon 2050, l’augmentation de la température moyenne étant attendue sous les 2 °C. Mais cette hausse de la productivité sera hétérogène, du fait de l’accroissement des phénomènes climatiques extrêmes, sachant que certains pays observeront un recul général (cf. carte). Ainsi, « le monde connaîtra, malgré une augmentation globale des rendements, une volatilité accrue des volumes, déclenchant une intensification de l’instabilité des prix ». Après 2050, les rendements pourraient régresser. 

Afin d’étudier les effets du changement climatique au niveau hexagonal, le scientifique de l’Inrae explique que « Météo France a repris les modèles climatiques à l’échelle mondiale, se basant sur le scénario RCP 8.5. Le maillage territorial du modèle planétaire est d’environ 300 km sur 300 km. Météo France a augmenté la résolution, créant une grille de 8 km par 8 km »

Et selon ces données, la température hexagonale entre les périodes 1976-2005 et 2021-2050 progresserait de 1,3 °C en moyenne, soit sous les 2 °C, engendrant une augmentation moyenne du rendement de blé. « Mais attention, cette hausse masque une hétérogénéité. Le mercure grimperait faiblement dans le Nord-Ouest mais plus intensément dans le Sud-Est », précise Pierre Martre. 

Mais la situation se détériore par la suite. Sur les périodes 2051-2070 puis 2071-2100, la température moyenne française grimperait de 2,2 °C puis… de 3,9 °C ! « Cette hausse réduirait les rendements de céréales, surpassant les effets compensatoires de celle de la concentration atmosphérique de CO2. » Le nombre maximum de jours secs consécutifs augmenterait entre 1976-2005 et 2071-2100 de 30 % à 50 %, soit de 5 à 10 jours. 

Intensification des pluies de 10 % à 40 % en France d’ici 2100 

Les projections de précipitations en France d’ici à 2100 « sont incertaines », déclare Pierre Martre. Mais  d’importants changements risquent de survenir. Les pluies s’intensifieraient durant l’hiver, de 10 % à 40 %, surtout dans le Nord-Ouest, perturbant les semis. Ensuite, « les températures moyennes hivernales augmenteraient encore, favorisant l’essor de maladies, notamment de pucerons, vecteur de transmission de viroses », s’inquiète Pierre Martre. Et les jours de vague de froid et de gel deviendraient un événement rare. « En 2100, il pourrait n’y avoir qu’un jour froid par an. » 

Multiplication des vagues de canicule 

En été, les quantités d’eau tombées reculeraient de 10 à 20 % en moyenne, avec un repli très marqué dans le sud.  

Les vagues de canicule se verraient multipliées par 5 à 10 entre 1976-2005 et 2071-2100. Sur la même période, le nombre de nuits tropicales (températures nocturnes supérieures à 20 °C) s’envolerait de 30 à 50 jours, hors zone méditerranéenne, et de 1 à 2 mois en zone méditerranéenne. 

Pierre Martre rappelle que les rendements de blé, en France, stagnent depuis les années 90, avec de plus en plus de volatilité depuis 2010. Le besoin d’eau est le principal responsable du manque à gagner de volumes. « En France, le déficit hydrique nous prive de 16,4 Mt/an de blé environ. En Europe, ce sont 111 Mt par an. » D’autres facteurs interviennent, comme le manque de fertilisants azotés et les fortes températures. Une confirmation du scénario RCP 8.5 en 2100 pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur la production mondiale de blé.  

Une des solutions avancées par l’expert de l’Inrae – afin d’adapter la production de blé au changement climatique – est la génétique. Selon lui, des variétés cultivées dans des pays chauds (Mexique, Turquie, Égypte) permettrait de produire davantage dans un contexte de températures élevées, source d’inspiration pour les autres pays. « Des variétés disposent du matériel génétique pour se développer moins vite, jusqu’à la floraison, afin d’allonger la période de photosynthèse et donc augmenter la production de biomasse. Puis, elles vont remplir leurs grains plus rapidement, afin d’éviter les vagues de chaleur en fin de cycle », relève Pierre Martre.

 

1 milliard de tonnes de grains russes en 2080 ? 

Le changement climatique ne ferait pas que des malheureux. La Russie, par exemple, en bénéficierait largement. Dans le Déméter 2021 « Produire et se nourrir : le défi quotidien d’un monde déboussolé », Jean-Jacques Hervé, coauteur de l’ouvrage et expert de la zone mer Noire, indique s’attendre à une production russe de grains de 1 milliard de tonnes en 2080, en raison de gains importants de surfaces cultivables en Sibérie, environ 200 Mha. « Le changement climatique permettrait le doublement de la superficie cultivable de la Russie, actuellement de 220 Mha .[…] L’élévation des températures moyennes devrait conduire à un élargissement de la frange sud de la Sibérie, exploitée en Russie, de l’Oural à Krasnoïarsk, et au Kazakhstan, dans le croissant céréalier du nord du pays où a été créée la capitale Astana. […] Le sud de la Sibérie, de l’Oural au Pacifique, devrait connaître une hausse sensible des températures. »

 

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