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Face à l’antibiorésistance, les pratiques en élevage laitier évoluent

À chaque fois qu’on ne respecte pas la dose ou la durée d’utilisation d’un antibiotique, on favorise l’apparition de bactéries résistantes. Le respect des protocoles de soins, et la prévention sont essentiels.

« L’antibiorésistance est l’acquisition par une bactérie normalement sensible à un antibiotique de gènes de résistance à cet antibiotique, a expliqué Grégoire Brillet, vétérinaire en Mayenne aux étudiants de l’Agricampus de Laval (1). Elle résulte d’un transfert de gènes d’une bactérie à une autre. Quand on administre un antibiotique, celui-ci exerce une pression de sélection. Seules les bactéries résistantes persistent et se multiplient. »

Privilégier la voie locale

À chaque fois qu’on ne respecte pas la dose ou la durée d’utilisation d’un antibiotique, on favorise l’apparition de bactéries résistantes à cet antibiotique. Et quand une bactérie est résistante à un antibiotique, elle l’est souvent à plusieurs. « Il y a un risque de bactéries multirésistantes contre lesquelles aucun antibiotique n’est efficace. » La voie d’administration est importante. Les voies orale et systémique sont les plus à risque car elles sélectionnent des bactéries résistantes dans la flore non pathogène, du tube digestif notamment, qui peuvent ensuite transférer des gènes de résistance aux bactéries pathogènes. « Il faut favoriser l’administration locale », insiste le vétérinaire.

L’antibiorésistance peut diffuser entre animaux, entre homme et animal et dans l’environnement, par contact direct, par l’environnement, l’alimentation. « Les antibiotiques dits « critiques », utilisés en dernier recours chez l’homme contre les bactéries multirésistantes, doivent être préservés. Ils sont prescrits le moins possible, pour des cas précis et graves, d’où l’importance du diagnostic et de la prescription. »

Le risque de transmission à l’homme, notamment à l’éleveur, de bactéries résistantes aux antibiotiques est non négligeable. « Il y a en Europe 25 000 morts par an liées à l’antibiorésistance », rappelle Grégoire Brillet. L’antibiorésistance compromet aussi l’efficacité des antibiotiques en élevage et présente un risque médiatique pour les productions animales.

Ceci a conduit en 2011, un plan national de lutte contre l’antibiorésistance en médecine vétérinaire, Ecoantibio, avec l’objectif de réduire de 25 % l’usage des antibiotiques en cinq ans. Un nouveau plan a été engagé en 2017 pour cinq ans. « Nous sommes actuellement à -37 % d’utilisation des antibiotiques et les pratiques commencent vraiment à évoluer », constate le vétérinaire.

Un diagnostic avant tout traitement

La prévention est la base pour réduire l’usage des antibiotiques, avec la nécessité d’un diagnostic avant tout traitement, l’importance du bien-être animal, de la biosécurité, de la prise de colostrum, de la vaccination, de l’ambiance… Le respect du protocole de soins, l’enregistrement dans le registre d’élevage et de bonnes pratiques d’administration sont également essentielles.

« Contre les mammites, il est important d’identifier les bactéries présentes pour choisir le bon antibiotique, de privilégier la voie locale et d’éviter surtout la voie générale. » Il faut aussi ne pas donner le lait traité aux animaux d’élevage et de compagnie et savoir ne pas traiter certaines infections, notamment au-delà de la 2e infection dans le même quartier. L’utilisation en période sèche d’obturateurs de trayon sans administration d’antibiotiques pour les vaches saines et le traitement uniquement des vaches atteintes est également un levier important. Et contre la transmission de Straphylococcus aureus, le port de gants est efficace.

Contre les boiteries, dont la plupart ne sont pas dues à des bactéries, la propreté (pédiluve…), le parage régulier et l’observation en levant le pied sont en général plus efficaces que les traitements. Et contre les affections respiratoires des veaux, assurer une bonne prise colostrale, qui va limiter les diarrhées néonatales qui augmentent le risque de troubles respiratoires, vacciner avant la mise en lot et avoir une bonne maîtrise de l’ambiance réduisent fortement les problèmes.

À savoir

Le choix d’une famille d’antibiotiques se base sur un diagnostic clinique, le délai d’attente, le coût et le mode d’administration. Leur utilisation nécessite une ordonnance du vétérinaire et doit être enregistrée dans le registre d’élevage. Les antibiotiques sont nécessaires pour maîtriser la plupart des infections bactériennes mais sont sans effet sur les virus. Ils détruisent les bactéries ou arrêtent leur multiplication.

Avis : Clémence Borro, éleveuse à Derval en Loire-Atlantique

Face à l’antibiorésistance, les pratiques en élevage laitier évoluent

« Nous misons sur la prévention et la formation »

« Avec mon conjoint, nous élevons 55 vaches pour 530 000 litres de lait. Quand nous avons acquis l’exploitation il y a quatre ans, il ne restait plus que 15 vaches. Nous avons donc dû en acheter, ce qui nous a amenés à travailler avec le GDS pour éviter les problèmes sanitaires liés à la reconstitution du troupeau. Et comme les bâtiments étaient vides, nous en avons profité pour faire un bilan sanitaire. Le GDS a analysé la nurserie, les niches, la stabulation des vaches laitières, le bâtiment vêlages. Nous avons aussi fait analyser l’eau, l’herbe, le sol. Et depuis le début, nous misons sur l’anticipation et la prévention. Je me suis formée à l’acupuncture et la pratique sur les vaches et les veaux pour stimuler leur immunité. Je fais appel à un ostéopathe et à une praticienne du shiatsu. J’utilise des huiles essentielles dans les bâtiments et un peu d’homéopathie.

À la fromagerie Vaubernier : un service dédié ouvert 24h/24 7j/7

«Le risque de résidus d'antibiotiques dans le lait est le point critique n°1», souligne Jean-François Pinot.

Pour la fromagerie Vaubernier, qui collecte 195 producteurs et fabrique 100 000 fromages par jour (Bon Mayennais), le risque de résidus d’antibiotiques dans le lait est un risque majeur. « Nous nous engageons sur un produit sain, ce qui implique qu’aucun antibiotique n’entre dans la fromagerie, explique Jean-François Pinot, responsable approvisionnement. De plus, les résidus d’antibiotiques ont un effet sur le caillage. »

La fromagerie applique le protocole interprofessionnel impliquant notamment un test individuel de chaque tank collecté. « Avec l’augmentation de taille des troupeaux, les risques d’erreurs augmentent. Pourtant, le contrôle systématique des tanks ne s’est pas traduit par plus de tests positifs en 2020 qu’en 2019. » Parce que le risque est permanent, la société a créé un service dédié aux tests de résidus d’antibiotiques ouvert 24h/24 et 7 j/7. La fromagerie communique aussi beaucoup sur les bonnes pratiques et le bien-être animal. Et elle fera appliquer la Charte de bonnes pratiques d’élevage sur tous les élevages collectés d’ici fin 2021.

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