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Une rémunération de la protéine difficile

Les organismes stockeurs soulignent que, s'il est indispensable de récompenser les efforts des producteurs, la protéine constitue surtout un droit d'accès au marché, sans être toujours bien rémunérée.

« Il faut persévérer », tel est le message de Christian Pèes, président de Coop de France Métiers du grain (CdF MG) adressé aux coopératives et producteurs de blé, en référence au plan Protéines. La principale mesure incitative de ce programme – après l'obligation de mentionner le taux de protéines dans les contrats appliqués à l'aval de la filière dès juillet 2014 – a été la généralisation de grilles de bonifications/réfactions, en fonction du taux de protéines dans les blés, chez les collecteurs.

Forte concurrence sur la protéine cette année

La situation actuelle est toutefois difficile. « La définition du prix de la protéine dépend du contexte de la campagne. Quand il y en a partout comme cette année, le point de protéine est peu valorisé par le marché », explique Christian Pèes. « Les coopératives accordent des bonus si les taux sont bons, mais du côté des clients, à savoir meuniers, amidonniers…, nationaux ou internationaux, un taux élevé est un critère minimum, à l'image de la sécurité sanitaire des aliments. En résumé, c'est un droit d'accès au marché », prévient-il.

Ce que confirme Philippe Florentin, directeur général de Noriap. « Nous accordons des bonifications aux producteurs si les taux sont supérieurs à 11 %, bien que nos clients en aval ne le fassent pas. Nous devons respecter les cahiers des charges. » Ce dernier précise qu'il est nécessaire d'accorder une prime aux producteurs, car augmenter le taux de protéines a un coût. Tout en reconnaissant qu'un système de sanction est nécessaire, afin que les producteurs ne relâchent pas leurs efforts. Reste que certaines règles nationales demeurent des freins pour les producteurs.

Le plan Protéines a permis une prise de conscience de l'importance de la protéine.

« Il faut pouvoir utiliser l'azote quand la plante en a besoin. Or ces apports ne peuvent être administrés au meilleur moment à cause de la législation », regrette Jean-François Loiseau, président d'Axéréal.

Philippe Florentin indique que la coopérative Noriap pratique le système de bonus-malus depuis les années 2000. Toutefois, « à un moment donné, nous avons dû supprimer la partie malus devant la pression concurrentielle et la remettre en place avec le plan Protéines, avec deux pentes de réfaction : une forte en dessous de 10,5 % de protéines, et une faible entre 10,5 % et 11 % de protéines », explique le directeur. Chez Terrena, qui applique ce système depuis une dizaine d'années, « la grille a permis, cette campagne, de nous maintenir à des taux compris entre 11,2 et 11,5 % », selon Philippe Moulier, le directeur commercial. « C'est la première année que nous appliquons cette grille de bonifications/réfactions », témoigne de son côté Michèle Weagele, responsable commerciale chez Cac68. Elle estime aujourd'hui que, malgré des résistances, les producteurs ont com-pris le message et qu'ils acceptent cette politique. Mais d'avertir que même si la protéine permet de ne pas perdre de clients, il faut assurer un bon rendement, qui reste la principale source de revenus des agriculteurs.

Dans l'ensemble, les collecteurs et les producteurs ont donc pris conscience du problème.

« Le plan Protéines a entraîné une vraie prise de conscience avec un effet de synergie entre les messages techniques et la généralisation de la rémunération à la qualité », constate Vincent Magdelaine, directeur de CdF MG. « Le plan Protéines a permis de mettre tout le monde sur le même pied d'égalité », note Philippe Florentin.

Urgence d'atteindre les objectifs avant 2025

Une prise de conscience suffisante pour atteindre les objectifs du plan Protéines en 2025 ? « Il faudra réussir à progresser avant car, dans le cas contraire, on entrera dans un cercle vicieux, où la qualité ne sera plus la priorité. Dans ce scénario, le marché français sera inondé de marchandises peinant à trouver des débouchés », prévient Philippe Florentin. Les acteurs interrogés estiment indispensable d'accompagner l'incitation économique avec le conseil agronomique, incluant les outils d'aides à la décision pour la fertilisation et la recherche, la génétique. « La recherche sur les blés hybrides, si elle aboutit, pourrait modifier les rapports de force géostratégiques du blé au profit des pays qui, comme les États-Unis, ont aujourd'hui une production extensive », estime Christian Pèes.

La variété et la fertilisation azotée : les deux principaux leviers agronomiques

À fertilisation azotée équivalente, Arvalis-Institut du végétal estime que, selon la variété, le taux de protéines peut progresser de 1 à 1,2 %. Concernant les apports azotés, Nicolas Urruty, doctorant à l'Inra, estime qu'entre trois et quatre apports le rendement progresse ainsi que le taux de protéines. « Sur nos essais, en moyenne, les parcelles de blé qui reçoivent trois ou quatre apports présentent respectivement des taux protéiques de 12,7 % et 13,3 %. Néanmoins, il est difficile de distinguer si c'est lié au fractionnement des apports ou à la dose totale apportée. Dans nos parcelles, on distingue davantage les gains de protéines apportés par le passage de deux à trois apports (on passe de 11,5 à 12,7 %) plutôt que de trois à quatre apports. » Pour l'ingénieur d'Arvalis-Institut du végétal, au-delà de quatre apports, à même dose, aucune augmentation du taux protéique n'a été remarquée. Autre facteur, le climat, responsable de 1,5 à 2 % du taux protéique des blés, selon Arvalis-Institut du végétal. « Pour améliorer le taux protéique, il faut de l'eau et des températures », rappelle François Laurent, chef du service Agronomie, Économie et Environnement chez Arvalis-Institut du végétal. Cependant, tout dépend du stade de développement de la plante. Avant la floraison, les pluies sont favorables à l'absorption d'azote, notamment à l'épiaison, alors qu'un temps sec et des températures échaudantes permettent de concentrer l'azote dans le grain après celle-ci. Ces conditions climatiques pénalisent néanmoins le rendement. Le bon équilibre rendement/protéines occupe toujours les esprits.

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