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Dossier
Un secteur d’activité à la rentabilité perfectible

La méthanisation française est encore peu développée. La raison principale est son manque de compétitivité. D’après Guillaume Ponsin, fondateur de la société Méthaconseil, « en France, il faut compter neuf à dix ans environ pour qu’un méthaniseur soit rentable, alors que cinq à six ans suffisent en Allemagne ».

De lourdes contraintes administratives
Les démarches administratives sont lourdes et coûteuses dans l’Hexagone. Un méthaniseur produit du digestat, qui a certes une valeur agronomique, mais qui reste un déchet (cf. La valorisation du digestat). Ainsi, il est non commercialisable, à moins de « suivre une procédure d’homologation longue et complexe d’environ douze à dix-huit mois », déclare Emmanuel Ramfel, chargé de mision Énergie au sein de Coop de France. En Allemagne, « le digestat se commercialise tel quel, lorsqu’il n’y a pas de produit à hygiéniser dans la ration », affirme Guillaume Ponsin, réduisant les coûts financiers et administratifs, et augmentant les possibilités de plus values. Viennent ensuite les études de faisabilité, d’ingénierie... Ainsi, il faut entre un an et demi et deux ans d’études préalables en France, avant qu’un méthaniseur ne sorte de terre, contre six mois en Allemagne.

Des installations de taille petite à moyenne peu rentables
L’État français veut  s’orienter vers une filière comprenant de petites unités, de 150 à 300 kW électrique en moyenne, traitant 5.000 à 10.000 t de matières fermentescibles par an. Un des objectifs est de limiter les coûts de transport en étant à proximité des gisements, « dans un rayon de 5-10 km maximum », précise Caroline Marchais, déléguée générale du Club Biogaz. Cependant, ce modèle comporte un défaut de rentabilité à court terme. « Les Allemands disposent d’installations de 500 kW électrique en moyenne. Ces unités plus grandes sont plus rapidement rentables, car elles permettent de réaliser des économies d’échelle », note-t-elle.

Des prix moins compétitifs
Autre élément, l’élaboration des prix de revente de l’électricité, moins compétitifs que d’autres pays. Il existe un prix plancher minimum payé par EDF de 11 à 13 cents €/kWh, variant en fonction de la taille des unités (plus l’unité est petite, plus le tarif est élevé). Peuvent s’ajouter ensuite deux primes : la prime lisier et la prime efficacité énergétique (cf. graphique). Les prix outre-Rhin « se construisent globalement sous la même logique », confie Guillaume Ponsin. En France, la prime lisier s’élève au maximum à 2,6 cents €/kWh, et atteint ce montant lorsque l’exploitant méthanise 60 % d’effluents d’élevage sur le volume total de déchets. « En Allemagne, il suffit d’en méthaniser 30 % pour avoir le maximum du bonus », précise-t-il. Autre difficulté, un méthaniseur qui décide de traiter des déjections animales, alors que ce n’était pas le cas, ne pourra pas toucher la prime.
De son côté, le bonus énergétique peut atteindre 4 cents €/kWh. Il s’obtient si la chaleur produite par le méthaniseur remplace celle produite par une installation utilisant une énergie fossile, c’est-à-dire du fioul ou du gaz. L’État français considère que l’électricité est systématiquement une énergie renouvelable. Il est ainsi impossible d’obtenir la prime si le méthaniseur remplace un chauffage électrique. « Ces conditions sont inexistantes en Allemagne », assure Guillaume Ponsin. Enfin, le maximum du bonus est obtenu si 70 % de la chaleur est valorisée, c’est-à-dire si elle sert à chauffer une installation extérieure au méthaniseur (séchoir, moulin, autre bâtiment, etc.). « Ceci est très difficile dans la pratique, puisqu’une unité a besoin d’environ 30 % de la chaleur produite pour satisfaire ses propres besoins », témoigne Caroline Marchais. Les Allemands n’imposent pas de telles conditions. Une valorisation minimum suffit à l’obtention de la prime totale. Les prix français restent ainsi globalement inférieurs aux tarifs allemands, ces derniers pouvant atteindre 25 cents €/kWh, d’après Guillaume Ponsin.

Un marché monopolisé par EDF
Le marché de l’énergie hexagonal est fermé. Concernant le rachat de l’électricité et du gaz, seuls EDF et GDF sont clients, et donc en situation de monopole. Ils offrent certes des contrats à long terme, permettant une stabilité des revenus, mais laissent peu de possibilités de négociation pour les exploitants d’unités de méthanisation. « En Allemagne, le marché est beaucoup plus libéralisé », affirme Caroline Marchais.

Une politique française plus “lisier“
En France, le gouvernement rechigne à développer une filière qui consommerait des surfaces destinées à la production alimentaire, comme en Allemagne ou en Italie (cf. encadré). Ainsi, l’Ademe n’accorde des subventions aux exploitants de méthaniseurs que s’ils traitent moins de 25 % de cultures énergétiques en termes de volume. L’idéal français est de méthaniser les lisiers accompagnés d’autres déchets : des résidus de silos, des déchets verts des collectivités, voire des intercultures. « Le gisement français est, en théorie, suffisant pour ne pas avoir trop recours aux cultures énergétiques », assure Caroline Marchais.
L’inconvénient de ce système est qu’il faut réaliser des études de gisements plus poussées, avec moins de certitudes concernant l’alimentation des installations de méthanisation. La production de biogaz est également plus faible, en raison du rendement énergétique réduit du lisier, en comparaison du maïs par exemple (cf. graphique).

Des aides n’ayant pas l’effet escompté
« Il faut s’orienter vers des tarifs permettant l’équilibre, avec un moindre recours aux subventions », estime Antoine Jacob, président du Club Biogaz. « Cette politique de subvention est inégale, car le montant dépend du nombre de projets et du nombre d’études parfois inutiles à réaliser par le porteur de projet », ajoute Guillaume Ponsin. Les subventions peuvent donc avoir un effet pervers : perte de temps, mauvais dimensionnement de l’installation, abandon du projet en cours de route, suite à des tarifs peu attractifs, etc. De plus, même si l’État peut aider à hauteur de 20%-30% sur le coût total de l’investissement d’un méthaniseur, par l’intermédiaire de l’Ademe et du Feder (Fonds européens de développement régional), il n’en reste pas moins que les porteurs de projet doivent débourser entre 6.000 et 9.000 €/kW électrique pour construire un méthaniseur, d’après le ministère de l’Agriculture, soit aux alentours de 2 M€ pour une unité traitant 10.000 t.
Autre élément pervers, « les bureaux d’études et de conseil appuyant les producteurs de biogaz dans les pré-études nécessaires à l’implantation de méthaniseurs ont parfois tendance à utiliser les subventions à l’investissement pour gonfler leurs prix de facturation », confie le fondateur de Méthaconseil.
Ainsi, la marge de progrès est grande pour rentabiliser la filière méthanisation, entre amélioration de la technique, simplification des démarches administratives, revalorisation des prix, etc. Il incombe au gouvernement et aux acteurs du secteur de renforcer leurs liens, ce qui sera bénéfique à l’ensemble de la profession.

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