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Analyse
Coronavirus : Baisse de l'activité chinoise en nutrition animale de 25 %

La logistique intérieure en Chine est très perturbée, suite à l’épidémie de coronavirus. Mais ses effets portent davantage sur la macroéconomie que le secteur agricole du pays actuellement.

Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste de l'Idele
© Idele-Institut de l'élevage

Entre le 31 décembre 2019, date à laquelle la Chine a officiellement signalé l'épidémie de coronavirus auprès de l’Organisation mondiale de la santé, et le 18 février 2020, les prix du soja sur Chicago sont passés de 9,43 $/boisseau ($/bu) à 8,9225 $/bu, ceux du palme sur Kuala Lumpur de 3 041 ringgit/t (MYR/t) à 2 730 MYR/t, et ceux du colza sur Euronext de 411,5 €/t à 402,75 €/t. L'une des raisons invoqués (parmi d'autres: hausse des récoltes de soja au Brésil, baisse de l'intérêt indien en huile malaisienne...) par les analystes de cette tendance baissière: les opérateurs s'inquiètent quant à l'état de la demande chinoise en grains et en viandes. « Selon les données du gouvernement chinois, seules 66% des usines de fabrication d'aliments pour animaux à la mi-février sont en activité, contre 90% l'an dernier à période comparable, soit environ 6 700 sites sur 9 400 », alerte Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste de l'Idele (Institut de l'élevage), pénalisant donc la demande en matières premières (tourteaux, maïs etc.) locale. Ce chiffre constitue une moyenne, certaines provinces voyant le taux d'activité à 80%, et d'autres à 40%, précise l'expert.

100 millions de poulets abattus par manque d'alimentation animale

Si l'activité des fabricants d'aliments pour animaux (Fab) chinois tourne au ralenti, c'est avant tout en raison des soucis logistiques intérieurs. Jean-Marc Chaumet rappelle que la circulation des camions est très perturbée, freinant la livraison des grains aux usines et des aliments aux élevages. « Des villages ont mis en place des barrages, contre l'avis du gouvernement de laisser circuler les aliments pour humains et pour animaux », signale Jean-Marc Chaumet. Ce dernier cite la détresse des éleveurs de la province d’Hubei, produisant essentiellement de la volaille et des œufs, qui ont lancé un appel au secours fin janvier-début février, manquant cruellement d’aliments pour animaux. Ajoutons à cela le fait que les ouvriers sont parfois dans l'impossibilité de rejoindre les usines, les individus évitant de se regrouper afin de limiter les contaminations. Autre conséquence inquiétante: « des chercheurs chinois affirment que 100 millions de poulets ont dû être abattus par manque d’alimentation animale, soit 1% de la production annuelle nationale », affirme l'économiste.

Attention aux conséquences sur les cultures chinoises 2020/2021

Les effets du coronavirus pourraient également affecter sur l’activité des producteurs chinois de céréales et d’oléagineux. « Une circulaire du gouvernement a été publié début février, exhortant les agriculteurs chinois à aller dans les champs, en prenant un maximum de précautions, notamment le port d’un masque, éviter les regroupements de personnes trop importants… », indique Jean-Marc Chaumet. Il s'agira donc de savoir si ces derniers braveront leur peur du coronavirus et sèmeront normalement le maïs, le soja cette année, et si les travaux sur les cultures d'hiver (blé tendre, colza) seront menés à bien, signale l'économiste. Dans le cas contraire, les rendements/surfaces/volumes nationaux pourraient être revus à la baisse entre les campagnes commerciales 2019/2020 et 2020/2021.

La Chine déstocke 3 Mt de maïs pour les Fab

Mais ces derniers jours, la situation dans le pays s'améliorerait. Afin de faciliter l'approvisionnement des usines, le gouvernement chinois a mis aux enchères entre le 7 et le 11 février 3 Mt de maïs stockés dans les silos publics depuis 2016, précise Jean-Marc Chaumet. De plus, « les restrictions de circulation s'arrêterait petit à petit actuellement (…) Le gouvernement national a chargé Cofco et une vingtaine d’autres compagnies d’alimenter les villes/villages/usines dans le besoin », ajoute-t-il. Pour l’expert, la réelle question est de savoir si l'épidémie va durer. « Si demain tout rentre dans la normale, l'économie agricole nationale ne sera guère affectée », malgré les soucis des Fab et éleveurs locaux. L'économiste rappelle que si les secteurs de la restauration hors domicile et de l'hôtellerie sont touchés, les achats de détail ne le sont guère. « Les achats dans les supermarchés se poursuivent, tout comme ceux sur internet de la part des consommateurs finaux. Ainsi, la demande intérieure en viandes et par ricochet d’aliments pour animaux se maintient pour l’instant », détaille-t-il. Ce dernier tient tout de même à présenter les effets du coronavirus sur le secteur touristique: « Hilton a temporairement fermé 60% de ses 225 hôtels en Chine et Wyndham Hotels & Resorts 70% de ses 1,500 hôtels dans le pays ». En revanche, si l’épidémie venait à durer, « par exemple jusqu'à la mi-mars, les conséquences sur les prix agricoles et les flux de marchandises locaux voire mondiaux s'amplifieraient », craint Jean-Marc Chaumet.

Pour le moment, « les opérateurs sont dans l'attente de savoir si malgré l'épidémie de coronavirus, la Chine parviendra à respecter sa promesse d'achats massifs de produits agricoles états-uniens », renchérit Thierry Pouch, économiste de l’APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture). Pour le moment, Pékin n'a fait aucune déclaration dans le sens d'une réduction de ses achats. Pour Thierry Pouch, les effets du coronavirus sur le secteur agricole ne sont guère visibles pour le moment, mais le sont davantage au niveau macroéconomique. Ce dernier évoque le retrait des cours du pétrole sur New-York en spot, passant de 61,06 $/baril à 52,05 $/baril en un mois et demi, et du Baltic Dry Index (BDI), passant de 976 points à 450 points. « L'impact des grèves en France a pu jouer sur la baisse du BDI », tempère-t-il. Ajoutons à cela « la baisse attendue du PIB chinois de 2% liée au coronavirus, passant de 6% à 4% au premier trimestre 2020, selon l'Oxford Economics », prévient Thierry Pouch.

Bonne nouvelle pour les éleveurs français et européens

Le malheur des uns fait le bonheur des autres. La baisse des prix du soja et du pétrole liée au coronavirus bénéficie aux éleveurs européens et hexagonaux, signale Thierry Pouch. Néanmoins, « le plan protéine ne sera pas prêt de voir le jour avec des prix mondiaux du soja, notamment brésilien, aussi bas. Actuellement, mieux veut importer du soja brésilien à bas prix que produire à coût élevé du soja en Europe », déplore l’économiste.

 

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