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Recherche: la conservation des espèces, une nécessité scientifique

Disposer de tout le matériel génétique existant doit permettre de répondre à tout sujet de recherche et d’anticiper de nouveaux besoins. 

Avec des milliers de variétés répertoriées à travers le monde, la pomme de terre est un magnifique exemple de biodiversité. Bien plus qu’une œuvre muséographique, la conservation des espèces en ce domaine relève de la nécessité scientifique.

Grande diversité variétale

On apprend dans l’ouvrage collectif “La pomme de terre”, édité par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) en 1996, que les premiers textes irlandais traitant du sujet signalaient en 1730 l’existence de cinq variétés de pommes de terre. C’était juste avant l’explosion variétale du XIXe siècle : de 110 variétés répertoriées en 1810, on est passé à plus de 2.000 en 1920. «Difficile de s’avancer aujourd’hui sur un nombre, reconnaît Eric Bonnel, directeur de la recherche chez Germicopa. En 2004, le catalogue communautaire contenait 1.031 inscriptions, mais au niveau mondial, on n’a pas de références très exactes… Il faut savoir que chaque année, 50 à 60 variétés issues de l’activité semencière viennent enrichir l’existant. Contrairement aux idées reçues, les semenciers sont donc plutôt des créateurs de diversité.»

Cette diversité s’exprime de plusieurs manières. Elle se constate sur la plante, sa façon de se développer, sa forme, sa couleur, sa fleur, le nombre de tubercules qu’elle produit… et aussi sur le tubercule lui-même : sa forme, son taux de sucre, sa couleur, ses réactions à la cuisson, sa sensibilité aux maladies. «Il n’y a pas deux variétés identiques, s’enthousiasme Eric Bonnel. Et nous avons la chance, dans la pomme de terre, de pouvoir constater cette diversité visuellement dans le champ, alors que les différences sont moins évidentes à remarquer dans les céréales par exemple.» La collection mondiale est le résultat de l’évolution des variétés à travers le temps. Au cours de son histoire et au gré des croisements, la pomme de terre de consommation a ainsi vécu de nombreuses évolutions : «La pomme de terre de nos aïeux servait autant de nourriture aux humains qu’aux animaux. Elle était plus grosse et plus difforme que celle que nous consommons aujourd’ hui, elle était très collante au palais et avait un rendement plus faible», raconte le professionnel. Le catalogue se nourrit aussi des différences culturelles et alimentaires des différentes régions du globe : «Les pays anglo-saxons aiment les pommes de terre rondes à chair blanche. En Europe, on préfère plutôt les longues à chair jaune !»

Il est enfin également le reflet des différents débouchés de la pomme de terre : des variétés correspondent à la consommation en primeur, à la conservation, à l’utilisation par l’industrie féculière, etc...

Un patrimoine à conserver

A travers le monde, plusieurs centres de recherche collectent, étudient, décrivent et conservent les ressources génétiques existantes. Les sélectionneurs viennent s’y approvisionner pour leurs travaux : le Centre international de la pomme de terre de Lima au Pérou, le centre de Wageningen aux Pays-Bas, celui de Surgeon Bay aux États-Unis, l’Institut Vavilov en Russie. En France, c’est l’Inra qui détient la plus grande collection dans sa station de Ploudaniel (Finistère) : «Nous conservons 30 espèces apparentées à la pomme de terre, 1.000 variétés de base et du matériel végétal issu de nos différents programmes de recherches : au total un peu plus de 6.000 individus», explique Daniel Ellissèche, le responsable du site.

La conservation se fait de plusieurs façons. D’abord très traditionnellement aux champs, par plantation d’une année sur l’autre, pour le “matériel génétique” le mieux adapté aux conditions climatiques européennes. Les espèces apparentées étant protégées en serres pendant l’hiver, en raison de leurs besoins de “jours courts”, peuvent produire des tubercules. «Certains de nos tubercules sont conservés en conteneur, poursuit Daniel Ellissèche. Nous gardons aussi des doubles de sécurité sous forme de cultures in-vitro. Enfin, nous avons récemment adapté un mode de conservation dans l’azote liquide que nous allons réserver aux ressources les plus précieuses, celles que nous souhaiterions voir préserver pour les générations futures en cas de catastrophe.» A noter que dans d’autres centres, la conservation se fait aussi sous forme de graines.

Maintenir cette collection n’a surtout pas qu’un but muséographique. «Évidemment, l’homme n’a aujourd’hui pas besoin de tout cela, reconnaît Éric Bonnel, on n’utilise pas le millième de la diversité génétique existante. Mais on ne sait jamais…» Disposer de tout le matériel génétique existant doit permettre de pouvoir répondre à tout sujet de recherche et d’anticiper de nouveaux besoins : «Nous entendons beaucoup parler de changements climatiques pour les années à venir. Nous devons les prévoir. Ils signifieront que nos pommes de terre seront confrontées à des maladies qu’elles ne connaissent pas aujourd’hui…», complète Daniel Ellissèche.

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