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Oléagineux / Alimentation animale
Quel avenir pour le soja non-OGM ?

Le décret français sur l’étiquetage des denrées alimentaires issues de filières qualifiées “sans OGM” pourrait participer à redynamiser la filière soja conventionnelle brésilienne.

Deuxième producteur et exportateur mondial de soja, le Brésil est surtout le principal fournisseur de soja non-OGM de l’Europe, et notamment de la France. Cependant, les craintes quant à sa capacité à conserver  ce rôle se sont faites grandissantes ces dernières années.

Un premier constat plutôt pessimiste
Commercialisés depuis 1996, les OGM n’ont été autorisés par le gouvernement brésilien qu’en 2004, mais sont présents sur le territoire depuis la fin des années 90. La suprématie des OGM s’est rapidement imposée. A 10 % en 1999, leur part dans les semis de soja est passée à 64 % en 2007, plus de 70 % en 2009 et atteindrait 75 % en 2011. L’engouement pour les variétés OGM est basé sur leurs moindres coûts de production et les meilleurs rendements qu’elles donnaient les premières années. La concurrence d’autres pays exportateurs, comme l’Argentine et les Etats-Unis, ont conforté le Brésil dans le choix de la voie OGM. Les campagnes marketing des grands groupes semenciers ont également joué leur rôle. Aujourd’hui, de nombreux producteurs se plaignent de la difficulté croissante pour accéder à des semences de soja conventionnelles.
Du côté français, alors que 65 % des consommateurs se disent inquiets face aux OGM (sondage Ifop-Ouest France du 3 décembre 2011), la filière non-OGM n’est pas parvenue à décoller. Cela est avant tout dû au manque de visibilité sur les denrées alimentaires issues d’animaux nourris avec ou sans OGM. Une situation critiquée par beaucoup. Aujourd’hui, les trois quarts des aliments du bétail français contiennent des tourteaux de soja OGM, selon Valérie Bris de Coop de France Nutrition animale. Pour rappel, l’Hexagone, structurellement déficitaire en protéines (à hauteur de 53 %), a importé près de 600.000 t de graines et 3,7 Mt de tourteaux de soja durant la campagne 2009/2010.

Des efforts de part et d’autre de l’Atlantique pour relancer la filière
La légitimité et l’avenir de filières soja non-OGM restent néanmoins d’actualité, en particulier au Brésil. L’association des producteurs de grains non génétiquement modifiés, Abrange, a ainsi vu le jour en août 2008. Sa vocation première est d’organiser la filière brésilienne pour avoir d’importants volumes disponibles pour les marchés importateurs. Les principaux clients étant l’Europe, le Japon et la Corée du Sud.
En 2010, Embrapa (Institut de recherche agronomique brésilien), Aprosoja (Association des producteurs de maïs et de soja de l’état du Mato Grosso) et Abrange ont lancé conjointement le programme “soja livre” (libre en portugais). Il vise à faciliter l’accès à de nouvelles variétés de soja conventionnelles à travers la recherche et la visite de fermes expérimentales. Il s’agit de « cultiver le droit de choisir », explique Ricardo Tatesuzi de Sousa, directeur exécutif d’Abrange. Le nombre d’adhérents est encore faible, mais l’intérêt des producteurs pour le sujet semble croître et le mouvement se propage en dehors de l’état pionnier du Mato Grosso. Et, alors que les OGM ont été prisés et vantés pour leur productivité, une des nouvelles variétés conventionnelles aurait atteint « un rendement de 4,3 t/ha contre une moyenne de 3 t pour les variétés OGM ! »
Et voilà qu’en France, les choses bougent enfin ! Le décret relatif à l’étiquetage des denrées alimentaires issues de filières qualifiées “sans OGM”, qui devrait entrer en vigueur à partir du 1er juillet 2012, pourra-t-il redonner un second souffle à la filière conventionnelle ? Ce texte concerne notamment les ingrédients d’origine végétale contenant moins de 0,1 % d’OGM, et les aliments d’origine animale avec des distinctions selon que les animaux aient été nourris avec des produits contenant moins de 0,1 ou moins de 0,9 % d’OGM. « Ce nouvel étiquetage sur la viande est très intéressant pour la filière soja non OGM brésilienne », s’enthousiasme
Ricardo Tatesuzi de Sousa.
L’étiquetage officiel va-t-il encourager les groupes agroalimentaires à revoir leurs filières d’approvisionnement ? En tout cas cela légitime auprès du consommateur le prix de vente plus élevé, lié à la prime payée au producteur et au surcoût de ségrégation tout au long de la filière. La prime varie en fonction des régions et des entreprises, mais les fabricants d’aliments du bétail paieraient 30 à 40 € de plus par tonne de soja non-OGM, d’après Valérie Bris. La gestion des lots non-OGM, tant au niveau du stockage que de la fabrication, engendre également des frais supplémentaires, au moins équivalents au surcoût de la matière première. Cet étiquetage pourra en tout cas mettre en porte-à-faux les marques qui prétendaient être sans OGM, comme l’espère Pascal Vaugarny de chez Fermiers de Loué. Selon ce dernier, la démarche pour pouvoir étiqueter leurs œufs et poulets “nourris sans OGM” depuis 2007 leur coûte 1 M€/an.

Des obstacles persistent pour la filière brésilienne
Les perspectives de redynamisation de la filière soja non-OGM semblent plutôt bonnes. Mais plusieurs obstacles demeurent pour le Brésil. Le problème majeur réside dans le manque d’infrastructures de stockage et de distribution dédiées aux variétés conventionnelles. Les investissements font cruellement défaut et cela ne constitue pas encore une priorité pour les poids lourds de l’agroalimentaire tels que ADM, Bunge, Cargill ou Dreyfus. L’orientation des producteurs de soja sera également grandement influencée par les débouchés qu’offriront chaque voie, principalement en Europe pour le conventionnel et en Chine pour le génétiquement modifié.

De futurs fournisseurs potentiels
Même si le Brésil reste le principal fournisseur de soja non-OGM, d’autres pays pourraient un jour prendre la relève. L’Inde, dont la production de soja est encore 100 % en conventionnel, pourrait par exemple le relayer. Mais de réels problèmes logistiques perdurent pour qu’elle puisse devenir un grand pays exportateur. De plus, le respect des normes sanitaires serait problématique.
L’Ukraine est aussi sur la liste des potentiels fournisseurs. Ce serait un choix intéressant pour l’UE du fait de sa proximité, permettant ainsi de s’affranchir d’une bonne partie des coûts d’acheminement.

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