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Prix du blé tendre 2022/2023 : "Tout dépendra de la mer Noire", selon Agritel

Agritel juge la situation du marché mondial du blé tendre comme globalement tendue. Une quantité record de réserves de blé tendre se trouvent en Russie et en Ukraine. La France a démarré ses exportations sur les chapeaux de roues, et devra ralentir la cadence.

© alfvanbeem-Pixabay

Le cabinet d'analyse et de conseil Agritel estime que les prix du blé tendre durant la campagne 2022/2023 dépendront encore plus que d'habitude de la situation géopolitique mondiale et donc, entre autres, du déroulement de la guerre en Ukraine. « Tout dépendra de la mer Noire. Si l'Ukraine et la Russie peuvent exporter à peu près normalement, les prix se détendront. Dans le cas contraire, ils pourraient remonter », soulève Nathan Cordier, chef analyste d'Agritel.

 

 

Le président directeur général Michel Portier renchérit, estimant que les "drivers" extérieurs aux fondamentaux propres du marché du blé tendre (offre - production, demande - consommation) « prennent encore plus de poids, accentuant la volatilité sur nos marchés, de plus en plus difficiles à lire. Lors de la session du 29 août sur Euronext, les cours reculaient le matin, et ont grimpé de 10 €/t en fin de journée, lors de l'annonce d'une contre-offensive ukrainienne dans le Donbass », pointe-t-il. Ajoutons à cela la situation macroéconomique mondiale (l'inflation et ses effets sur le pouvoir d'achat des populations et donc la demande potentielle en céréales), les devises ...

Des disponibilités mondiales de blé abondantes…en apparence

Sur le papier, les disponibilités mondiales de blé tendre sont colossales. Agritel les estime à 452,1 Mt pour 2022/2023, proche d’un record historique (seules les campagnes 2016/2017 et 2017/2018 faisaient mieux), dont 393,1 Mt de production, et 59 Mt de stocks disponibles de début de campagne 2022/2023. Mais cela masque une répartition très concentrée sur quelques pays, encore plus que d’habitude : l’essentielle se trouve en Russie, en Ukraine et au Kazaksthan. Ces trois pays pourraient concentrer 43% des stocks mondiaux de fin de la présente campagne, dont 25% au sein de la seule Russie !

La Russie pourrait en effet produire 95 Mt selon Agritel cette année, pulvérisant le record de 2020/2021. Les stocks de début de campagne 2022/23 sont évalués à 13 Mt, et les exportations pourraient atteindre les 42 Mt, d’après l’analyste. Concernant l’Ukraine, la production régresse certes, passant de 33 Mt à 19,6 Mt entre 2021/2022 et 2022/2023, mais les réserves de début de campagne sont très élevées, compte tenu du blocage des ports à cause de la guerre, à 4,9 Mt.

Attention toutefois : concernant les semis en Ukraine, Agritel s’attend pour le moment à une baisse de 20% à 30% des assolements, « la baisse des exportations nationales pesant sur la trésorerie des agriculteurs ukrainiens, les incitant à réduire leurs surfaces », témoigne Nathan Cordier. Et constituant donc un autre facteur potentiel de soutien aux prix.

La question est donc de savoir si les Russes et les Ukrainiens pourront libérer leurs importantes réserves en 2022/2023 : à quoi bon avoir d’importants stocks si ces derniers ne sont pas mobilisables ? C’est pourquoi la guerre en Ukraine et ses conséquences sur les exportations de l’Ukraine mais aussi de la Russie via la mer Noire seront à suivre de près. « L’Ukraine avait ses ports bloqués mais la Russie a timidement commencé sa campagne d’exportation 2022/2023. Rappelons que les armateurs rechignaient à envoyer des navires et que les banques refusaient d’accorder les lettres de crédit nécessaires aux pays importateurs achetant du blé russe », rappelle Nathan Cordier.

Situation tendue en Europe de l'Ouest et en Amérique du Nord

Car l’abondance n’est pas de mise dans l’hémisphère nord. La production de blé aux Etats-Unis, toutes variétés confondues, rebondit entre 2021 et 2022, passant de 44,7 Mt à 48,5 Mt, mais celle de blé HRW (Hard Red Winter) est la plus faible depuis 1963, à 15,9 Mt. En Europe, à l’image de la France, le sud du continent a connu d’importantes déconvenues, faisant que les stocks de fin de la présente campagne sont attendus à faible niveau, à 10,3 Mt. Au Canada, la production 2022 sera bien meilleure qu’en 2021, mais le dôme de chaleur a laissé des traces, faisant que les réserves du pays restent réduites.

Et la demande internationale est présente. La Russie et l’Ukraine ayant eu de grosses difficultés à exporter sur la période juillet-août, c’est en partie la France qui a pris le relai. Cette dernière a exceptionnellement exporté au Yémen et au Pakistan, clients traditionnels de la Russie. L’Hexagone a envoyé des volumes très élevés pour un début de campagne à l’Egypte, sachant que l’Algérie devrait redevenir notre premier client, que le Maroc à d’importants besoins, du fait de l’intense sécheresse vécue, et que la Chine a fait de grosses acquisitions (blé à faible taux de protéine surtout).

Ce qui fait dire à Nathan Cordier que « la France a déjà accompli 25% de son objectif d’exportation sur pays-tiers, alors que nous attendons 10,4 Mt sur l’ensemble de 2022/2023. Sachant que l’Europe a aussi des besoins : l’Hexagone devrait y expédier 7 Mt. La nutrition animale nationale, certes en difficulté, devrait consommer du blé, plus disponible que le maïs. Ainsi, les stocks hexagonaux de fin de campagne sont attendus à un bas niveau de 2,2 Mt. Fatalement, il faudra ralentir la cadence des exportations, et cela pourrait se faire par le prix ».

Flambée attendue des coûts de production du blé tendre français en 2023 !

Pour le moment, la hausse du coût des intrants, et de l’azote notamment, générant une hausse des coûts de production en France, est compensée par le haut niveau des prix du blé, permettant aux céréaliers français de s’y retrouver, juge Agritel. En 2021, le coût moyen de production était évalué à 161 €/t, puis à 201 €/t en 2022. « Attention, ces chiffres sont des estimations, les situations sont très diverses en France », tempère Nathan Cordier. Mais les craintes du cabinet d’analyse se portent surtout sur 2023 : le coût de production moyen pourrait grimper à 241 €/t, du fait de la flambée du gaz, faisant par ricochet flamber le coût de l’azote. « Espérons qu’il n’y ait pas d’effet ciseau pour les agriculteurs français : une reprise des expéditions mer Noire, pesant sur les cours du blé tendre, et hausse des coûts de production », craint Nathan Cordier.

 

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