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Potentiel de baisse de prix en blé, orge, colza et tournesol d’ici à la fin de la campagne, selon Stratégie Grains

Une forte volatilité des prix des grains (céréales et oléagineux) est attendue d’ici à la fin de l’année 2022, en raison notamment de la situation en Ukraine. 

© geralt (pixabay)

Les prix du blé tendre disposent d’un potentiel de baisse assez important d’ici à la fin de la campagne commerciale 2022/2023, tout comme le colza, l’orge, et le tournesol, selon le scénario pour le moment privilégié par l’analyste Stratégie Grains, a-t-il indiqué lors d’une conférence organisée dans le cadre de la Bourse européenne des grains le 6 octobre à Valence (Espagne). « Nous tablons actuellement sur un potentiel de baisse d’au moins 50 $/t pour les prix mondiaux du blé tendre. Pour l’orge fourragère, c’est encore plus, environ 60 $/t. Pour le colza et le tournesol, il s’élève à 80 $/t environ », déclare Hémeline Macret, directrice générale du cabinet d’analyse. Seuls les prix du maïs grimperaient de plus ou moins 15 $/t sur la période. Bien entendu, ce scénario peut être amené à changer en fonction des futurs évènements climatiques, macroéconomiques et géopolitiques. Cependant, malgré la baisse attendue des prix, ces derniers resteraient à un niveau relativement élevé. En moyenne, les prix 2022/2023 devraient tout de même être inférieurs à 2021/2022.

Production mondiale de blé en hausse de 10 Mt entre 2021/2022 et 2022/2023 

Un premier facteur de pression est l’offre abondante mondiale de céréales et d’oléagineux. En blé, la production est estimée par Stratégie Grains en hausse entre 2021/2022 et 2022/2023, passant de 745 Mt à 755 Mt. En plus de la Russie, l’Amérique du Nord (spécialement le Canada) connaît une production meilleure que l’an passé. Le cabinet d’analyse parie pour le moment sur des expéditions russes de 40 Mt pour la présente campagne commerciale. « Le début de campagne d’expédition de la Russie a été poussif, mais en ce moment, le blé russe est compétitif, et les chargements s’accélèrent », justifie Hélène Duflot, analyste du cabinet. 

En orge, la production planétaire 2022/2023 est évaluée à 149 Mt, contre 145 Mt l’an dernier. « Il y a une certaine révolution dans le marché de l’orge fourragère. Les deux gros importateurs que sont la Chine et l’Arabie saoudite sont moins gourmands. Concernant ce dernier, les aliments composés pour animaux ont substitué le vrac, générant des économies de volumes », relève Hélène Duflot. 

Du côté du colza, la production est chiffrée à 85 Mt, contre 74 Mt en 2021/2022, comprenant une récolte canadienne de canola en nette hausse, à 19,7 Mt cette année, contre 13,3 Mt l’an passé. Certes, l’offre en tournesol est attendue en repli d’un an sur l’autre, passant de 58 Mt à 53 Mt, « mais les stocks mondiaux sont importants », rappelle Hémeline Macret. De plus, les disponibilités en soja sont abondantes, attendues à 387 Mt cette campagne, contre 355 Mt en 2021/2022.  

Consommation mondiale de la nutrition animale en recul 

Un autre élément baissier vient de la détérioration de la demande, notamment de la nutrition animale, qui se confirme dans le monde, relate l’analyste. « Tous grains confondus, elle devrait s’effriter de 1 % entre 2021/2022 et 2022/2023, à 1 287 Mt », détaille Benoît Fayaud, analyste et membre du comité exécutif de Stratégie Grains. La mauvaise situation macroéconomique mondiale, caractérisée notamment par une forte inflation, diminue le pouvoir d’achat des populations, réduisant leurs capacités à consommer de la viande. Ajoutons à cela diverses crises sanitaires : grippes aviaires en Europe, peste porcine africaine en Chine… ayant conduit à des décapitalisations d’élevage, rappelle l’expert. « Nous n’avons pas intégré un scénario de crise financière mondiale. Mais si un tel évènement survenait, la pression sur les cours mondiaux serait d’autant plus importante », renchérit-il. 

La demande industrielle en blé, maïs, orge (meunerie, amidonnerie, malterie, éthanolerie…) est susceptible de croître d’environ 1% seulement entre 2021/2022 et 2022/2023, constituant paradoxalement un facteur de pression sur les cours, rapporte Stratégie Grains, la production augmentant plus vite que les besoins. 

Le ratio stocks/consommation est attendu en augmentation entre 2021/2022 et 2022/2023 pour le blé (32 %, contre 31 % l’an passé), l’orge (14 % vs 13 %), le colza (12 % vs 8 %), et le soja (34 % vs 31 %). Celui en tournesol est estimé en repli (13% vs 14%), mais constitue un niveau élevé par rapport aux années précédentes (moins de 8 % de 2018/2019 à 2020/2021). 

Ratio mondial stocks/consommation en repli en maïs

En revanche, le marché mondial du maïs se tend. La production mondiale est espérée en baisse entre 2021/2022 et 2022/2023, passant de 1 171 Mt à 1 119 Mt, signale Stratégie Grains. Les récoltes ont en effet été fortement affectées par le déficit hydrique dans l’UE, mais aussi aux Etats-Unis. Le marché mondial a besoin du maïs ukrainien, qui a connu une importante baisse de sa moisson, du fait de la guerre. Le pays dispose certes de stocks abondants, mais moins mobilisable que d’habitude, bien que les corridors humanitaires permettent d’atténuer la situation. Et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Le cabinet d’analyse table sur un ratio stocks/consommation de 24 % pour 2022/2023, contre 25 % l’an dernier. 

Des éléments haussiers peuvent toutefois perturber le scénario baissier pour la majorité des grains, reconnaît Stratégie Grains. En effet, l’offre mondiale de blé est abondante, mais une bonne partie du disponible exportable est en Russie, confirmant l’analyse du Conseil international des céréales (CIC). 

Si la Russie est tout à fait capable d’exporter 40 Mt, des éléments techniques peuvent mettre à mal ces projections. « Les affréteurs ont encore peur de travailler avec les Russes. Et bon nombre de chauffeurs de camion ont été mobilisés pour aller combattre en Ukraine, ce qui est susceptible de perturber la logistique intérieure et portuaire », prévient Hélène Duflot. Ainsi, des exportations inférieures à 40 Mt depuis la Russie pourraient atténuer la baisse des prix mondiaux. 

Dans un scénario très pessimiste, « si les corridors humanitaires se ferment, et si la Russie ne parvient pas à exporter ce qui est prévu, les prix du blé tendre disposeraient d’un potentiel de hausse », alerte Benoît Fayaud. Ce constat est valable pour l’orge, les cours de ce dernier étant corrélés au blé tendre, mais aussi pour le maïs. 

La production de soja au Brésil attendue comme abondante mais…

Du côté des oléagineux, les marges de trituration sont bonnes dans le monde, permettant une demande dynamique en graines. Concernant cette dernière, Stratégie Grains table sur un chiffre de 450 Mt en 2022/2023 pour le colza/canola, le soja et le tournesol, en progression d’environ 4 % par rapport à 2021/2022. Néanmoins, la situation de rentabilité de chaque produit est différente. « Les marges sont bonnes en colza, moins en tournesol et en soja », précise Hémeline Macret. Actuellement, bien que la demande de biodiesel soit amenée à croître dans divers pays (Etats-Unis notamment) dans les années à venir, la bonne production mondiale d’oléagineux permet d’alléger les bilans. Mais si la récolte brésilienne est attendue comme très élevée, aux alentours des 150 Mt pour 2022/2023, « les prévisions concernant l’Amérique latine peuvent changer. Tout dépendra du climat dans les prochains mois », tempère-t-elle. Le phénomène La Niña et ses effets sur la production d’huile de palme en Asie du Sud-Est seront également à scruter.

En France, Hémeline Macret constate la bonne rentabilité actuelle de l’activité de trituration de colza malgré la flambée des prix de la graine. Celle en tournesol n’est pas si mauvaise, « mais les situations sont variables. Si les usines peuvent fonctionner à l’aide de biomasse, les coûts de production ne sont pas trop élevés. En revanche, les marges de celles tournant totalement au gaz sont fortement affectées par la flambée des prix », détaille Hémeline Macret. Elle confirme par ailleurs les mauvaises marges de trituration actuelles de soja. Des analystes privés nous signalent que les sites en question sont souvent petits et donc plus fragiles en cas d’augmentation des coûts de l’énergie. 

Forte volatilité  des prix à court terme

Pour résumer, Stratégie Grains s’attend donc à une baisse des prix de la plupart des grains (céréales et oléagineux) d’ici à juin 2023, sauf en maïs. Ces prévisions peuvent changer en fonction du contexte climatique, macroéconomique et géopolitique. A court terme, soit d’ici à la fin 2022, « nous prévoyons une forte volatilité des cours, notamment en raison du fait que l’accord sur les corridors humanitaires depuis les ports ukrainiens se terminant courant novembre. Ajoutons à cela la contre-offensive ukrainienne. Que se passera-t-il ? Nous prévoyons pour l’instant que l’Ukraine pourra tout de même exporter bien qu’il n’y ait pas de nouvel accord, ayant prouvé que c’était techniquement possible. De plus, si les Russes attaquaient les bateaux ukrainiens, leur image pourrait se dégrader encore plus, notamment auprès d’alliés que sont la Chine et l’Inde. Mais on ne peut pas non plus exclure un scénario dans lequel les corridors se ferment à nouveau », conclut Benoît Fayaud.

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