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Politique agricole / Volatilité
Pour une régulation mondiale de l’agriculture

Dans un contexte d’incertitudes quant à l’offre et la demande mondiales en denrées agricoles, Passion Céréales lance un espace de réflexion au sujet des politiques agricoles dans le monde

LA RÉGULATION des marchés agricoles a fait consensus au sein des participants à la conférence “ Quelles politiques agricoles pour quels équilibres mondiaux ? ” organisée par Passion Céréales, le 16 février au palais d’Iéna à Paris. C’est un parterre d’économistes et de responsables institutionnels qui ont débattu du sujet dans l'espoir de trouver des solutions, pour le moment théoriques, aux problèmes de la volatilité des prix agricoles mondiaux et de l'accès aux denrées alimentaires.

Des marchés étroits, sensibles aux aléas climatiques
    Avec un peu plus de 10% des céréales produites échangées dans le monde, les marchés agricoles restent étroits et sensibles aux aléas. C’est d’ailleurs ce que souligne Francis Declerck, professeur au département finance de l’Essec, en expliquant « qu'en raison de phénomènes climatiques, tels qu'El Nino, les disponibilités mondiales en blé peuvent varier d'environ 10%. Ainsi, l’étroitesse des marchés céréaliers a tendance à faire surréagir les prix à la moindre baisse des disponibilités mondiales ». Pour palier à ce genre de situations, Francis Declerck souhaite que « les états reviennent à leurs fonctions régaliennes en constituant des réserves afin d'assurer la sécurité, d’abord alimentaire, des citoyens. Car si la constitution de stocks coûte cher aux états, combien coûte la dérégulation et la volatilité des prix ? »

Réguler pour plus de transparence
    Si les marchés agricoles sont sensibles aux variations de disponibilités, des effets leviers, liés à la spéculation, peuvent aussi participer à l'instabilité des cours. C'est ce que rappelle Marc Touati, directeur général délégué de Global Equities, en reliant la faillite de grandes banques, telle Lehman Brothers, a l'emballement des prix des denrées alimentaires entre 2007 et 2008. Selon lui, « la chute de confiance dans les marchés financiers a entraîné un report des fonds spéculatifs sur ceux des matières premières qui n'y étaient pas préparés ». Il prend ensuite l'exemple de l'actuelle explosion des cours du sucre en précisant que « si le mobile est la pénurie, l'emballement et les revers de situations sont aussi liés à une spéculation profitant du manque de transparence. Un retour aux fondamentaux est nécessaire ». Les exemples de hausses artificielles des cours ne manquent pas, et selon Jean-Hervé Lorenzi, professeur à Paris-Dauphine, « l'oubli de l'action publique depuis vingt ans a entraîné une dérégulation des marchés agricoles fragilisant ces derniers face à la spéculation. Au contraire, il faudrait favoriser la création d'une Pac mondiale, au sein du G20 par exemple, afin de réglementer les marchés, en particulier ceux de cet enjeu de paix social qu'est l'alimentation ».

Des marges de manœuvres limitées
    La régulation est nécessaire, mais pas suffisante, si l'on en croit Carmen Cahill, conseillère à la direction des échanges et de l’agriculture à l'OCDE, pour qui, « certaines actions étatiques, telles que les restrictions à l'export lorsque les prix agricoles étaient hauts, ont amplifié le phénomène de pénurie et participé à l'emballement des marchés mondiaux ». Elle poursuit en expliquant que « les agriculteurs ont besoin de signaux clairs au travers des prix pour répondre au marché. Pour cela, il faut améliorer et favoriser les relations contractuelles et multilatérales entre états afin de fixer les quantités et les prix ». D'autres, tel que Thierry de Montbrial, directeur général de l’Ifri, pensent que « le protectionnisme peut être justifié pour certains secteurs ». Selon lui, « si la Pac était supprimée, des pans entiers des régions agricoles disparaitraient en France ». Un danger dans un contexte de stocks sensibles aux aléas, et où peu de pays produisent pour exporter.

De nouvelles relations à construire
    « L’une des principales conséquences de la volatilité a été la prise en main, plus ou moins hasardeuse, de leur commercialisation par les producteurs agricoles » a constaté Fabien Bova, directeur général de FranceAgriMer. Ce dernier, en évoquant l’après-Pac, a ensuite prôné « la construction de nouvelles relations entre coopératives et producteurs, avec des contrats leur permettant de rester sensibles aux signaux du marché pour établir leurs assolements ». Cependant, il faut selon lui compléter ce dispositif « afin de prévenir les effets de la baisse des revenus chez les agriculteurs avec, notamment, des systèmes assuranciels donnant lieu à une mutualisation inter-filières ». Enfin, il se prononce en faveur « d’une régulation de l’offre et de la demande pour l’après-2013 par une augmentation des capacités de stockage et des conseils spécialisés aux agriculteurs, notamment en terme de mise en marché ».

Des solutions à trouver
    Si certains sont pour une régulation accrue, d’autres, comme Francis Declerck, se déclarent « favorable à la volatilité, car elle induit la spéculation, qui elle même apporte des liquidités aux marchés à terme. Ces derniers peuvent alors jouer leur rôle d’outils de couverture. Si trop de risque nuit, cela fait partie du métier ». Il explique ensuite que « la volatilité est le fait d’incertitudes sur le prix à l’équilibre entre l’offre, erratique en raison d’aléas climatiques ou autres, et la demande, qui est prévisible ». Il ajoute que « si un peu de volatilité permet de faire bouger les prix et d’ajuster l’offre à la demande, de trop fortes variations ont tendances à déconnecter les prix ». Pour contenir les phénomènes de spéculations, Francis Declerck propose une régulation des marchés en limitant les dépôts de garanties, et en favorisant la diffusion d’informations transparentes. Enfin, selon lui, « une nouvelle Pac est à construire, et des partenariats nouveaux entre agriculteurs, assureurs et pouvoirs publics sont à envisager ».

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