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Marchés
Possible correction à la baisse des prix du blé tendre à court terme, selon Stratégie Grains

Le webinaire Réussir Grandes Cultures du 28 septembre a permis de faire un point sur la hausse des cours du blé tendre et des autres céréales, ces derniers mois, et sur les perspectives à venir.

© Candiix-Pixabay

« Nous prévoyions une hausse des prix du blé tendre, mais elle est survenue plus tôt que prévue : lors du printemps 2020 pour les prix hexagonaux, soit fin mai-début juin, et fin juillet à début août pour les origines mer Noire. Et ce, alors que nous nous attendions à une hausse après que le marché ait accueilli les récoltes argentine et australienne (qui arrivent entre octobre et janvier). Surtout, nous ne pensions pas, dans notre scénario de départ, que les prix monteraient si haut », s’est exprimée Andrée Defois, présidente du cabinet d’analyse Stratégie Grains, lors du webinaire organisé par Réussir Grandes Cultures le 28 septembre. Ainsi, cette dernière s’attend à un possible petit mouvement de correction à la baisse durant la fin 2020, lors de l’arrivée des récoltes argentine et australienne. Les cours oscillent ces dernières semaines entre 190 €/t et 195 €/t (soit 220-230 $/t) sur Euronext en spot et à peu près au même niveau en Fob Rouen.

Les exportateurs russes changent de stratégie cette année

Plusieurs éléments ont justifié la hausse des prix du blé tendre dans le monde, ces dernières semaines/mois. La petite récolte française a bien entendu joué (pour la hausse des cours hexagonaux, en base Fob Rouen dès la fin du printemps/début de l’été), mais c’est, aussi et surtout, dans un premier temps, les mauvaises moissons dans le sud de la Russie, principale région exportatrice. « La récolte va être bonne cette année en Russie, à 82 Mt environ (84 Mt prévues récemment, selon certains analystes), mais le sud du pays, zone la plus proche des ports, a été très touché par la sécheresse. Les bonnes récoltes dans les autres régions (Centre, Volga…) sont plus éloignées des ports, et une hausse des prix est nécessaire pour faire arriver la marchandise depuis ces zones jusqu’aux installations d’exportations russes », explique Andrée Defois. La spécialiste pointe une particularité en ce début de campagne 2020/2021: les exportateurs russes achètent en direct aux agriculteurs avant de répondre à la demande extérieure, alors qu’ils procédaient à l'inverse, antérieurement.

Les agriculteurs russes ont, eux aussi, changé leur stratégie de commercialisation, mais depuis un certain temps déjà : « les agriculteurs, spécialement dans le sud de la Russie, se sont enrichis ces dernières années, et ont construit des capacités de stockage. Ils peuvent stocker et se permettre d’attendre, surtout quand le rouble perd de la valeur face au dollar, ce qui est le cas. La Russie était un marché de dégagement, il y a une dizaine d’années. Désormais, ils sont capables de retenir la marchandise et de l'écouler sur un temps plus long, lors des campagnes commerciales », ajoute Alexandre Marie, trader de Vivescia.

La Chine, moteur de la demande planétaire

Vient ensuite la bonne tenue de la demande internationale. Si l’Egypte a fait d’importantes acquisitions de blé tendre, la Chine a également constitué un moteur des importations planétaires, surtout d’origines françaises. « La Chine a permis de bien tenir le marché français. Nous avons déjà vendu 1 Mt, et nous pourrions y expédier 2 Mt, sur les 6 à 7 Mt de blé tendre français exportables sur pays tiers cette campagne », précise Alexandre Marie. Andrée Defois acquiesce, et insiste sur le fait que le cheptel porcin chinois se reconstitue à vitesse grand V, et s’industrialise de plus en plus. De quoi augmenter potentiellement l’utilisation de céréales dans les aliments pour animaux, source d’un possible maintien d’une importante demande chinoise lors de la présente campagne, selon Andrée Defois.

Autre élément qui a fait monter les prix, ces dernières semaines : les positions des fonds d'investissement. Selon les experts Andrée Defois et Alexandre Marie, ces derniers se sont massivement positionnés à l’achat sur les matières premières agricoles ces derniers temps, afin de se couvrir contre l’inflation notamment, survenant lors de la baisse de la valeur du dollar par rapport aux autres monnaies. Mais attention : « les fonds peuvent tout liquider à tout moment », prévient Alexandre Marie, source de potentielle pression sur les cours.

Si une petite baisse des prix est attendue lors de cette fin d’année 2020 avec l’arrivée des récoltes des pays exportateurs de l’hémisphère sud, le bilan mondial n’est pas lourd, et une hausse des cours en fin de campagne 2020-2021 n’est pas à exclure, selon Stratégie Grains. « Les stocks chez les grands exportateurs mondiaux ne sont pas hauts », prévient Andrée Defois. L’USDA les estime à 37,09 Mt pour 2020/2021, certes en hausse par rapport à 2019/2020 (33,66 Mt), mais en repli par rapport à 2018/2019 (38,46 Mt) et surtout 2017/2018 (43,93 Mt). Tout dépendra bien entendu des conditions météorologiques dans le monde et de l’intérêt chinois notamment.

Peu d’inquiétudes sur l’ouverture du marché algérien au blé russe à court terme

Le fait que le blé russe puisse pénétrer le marché algérien n’inquiète pas Andrée Defois et Alexandre Marie, du moins à court terme. « La Russie ne va pas du jour au lendemain fournir l’intégralité des besoins algériens, supplantant totalement les origines françaises », rassure l’experte de Stratégie Grains. Cette dernière rappelle que le cahier des charges algérien pourrait accepter des blés russes avec un taux de 0,5 % de grains punaisés, mais pour des lots à 12,5 % de protéine. Ceux à 11,5 % de protéines resteraient à un taux de tolérance de dégâts d’insectes à 0,1 %. De son côté, Alexandre Marie indique qu' « au vu de la petite récolte française, nous prévoyons de n’envoyer que 1,5 Mt sur l’Algérie. Ainsi, il y a de la place pour les blés russes sans que cela nous affecte. L’Argentine pourrait même retrouver des parts de marché sur le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest ». En revanche, l'intensification de la concurrence russe pourrait pénaliser les exportations françaises à l'avenir. « Si la Russie va davantage sur l'Algérie, cela peut laisser davantage de place à l'Hexagone sur d'autres destinations. Encore que, la production russe croît d'année en année », prévient Andrée Defois. Méfiance donc.

Lire aussi : "L’Algérie ouverte au blé russe dès le prochain appel d’offres ?"

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