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Interview de Jean Maertens
« Les producteurs belges se détournent des céréales aux prix trop bas »

Le président de la Bourse de commerce de Bruxelles, organisatrice de la Bourse européenne 2017, nous présente la filière Grain belge et les difficultés rencontrées par ses acteurs.

La Dépêche - Le Petit Meunier : Pouvez-vous nous dresser un rapide portrait de la filière Grains belge et qualifier la récolte céréalière nationale ?

Jean Maertens : Après la récolte désastreuse de 2016, à la fois quantitative et qualitative, nous pouvons parler d’une récolte normale en 2017. Malgré la sécheresse continue, nous réalisons de bons rendements avec une qualité exceptionnelle. D’une manière générale, le négoce des céréales enregistre une augmentation du volume collecté de 25 à 30 % par rapport à l’année précédente. Les productions de blé et d’orge sont respectivement de 28 % et 19 % supérieures à la récolte de 2016. Nous estimons la production céréalière belge totale à environ 3 Mt. Malgré un retrait de surface de 7 %, la production a augmenté de 31 % par rapport à l’année dernière et est d’environ + 3 % supérieures à la moyenne quinquennale. La qualité est plus que satisfaisante. Le PS et le niveau en protéines sont notamment élevés. L’excellente période de floraison a permis d’empêcher le développement de la fusariose, rendant la contamination en mycotoxines extrêmement faible. La succession de récoltes mondiales record, principalement dans les pays de la mer Noire, exerce une pression sur les prix. Étant donné le niveau des prix bas, nous constatons de plus en plus que nos céréaliers se désintéressent de la culture des céréales. Soit, ils se dirigent davantage vers des cultures à plus grande valeur ajoutée comme les pommes de terre (la Belgique est un des plus grands exportateurs de produits transformés issus de la pomme de terre), légumes et autres productions. Soit ils donnent leurs terres en location, avec des conséquences directes pour nos collecteurs au niveau de la sous-utilisation de leurs infrastructures de stockage et sur l’emploi. Les débouchés de céréales en Belgique se situent principalement en alimentation animale (environ 4 Mt), amidonnerie (0,4 Mt), bioéthanol (0,9 Mt) et meunerie (1,5 Mt). Nous sommes de grands importateurs et un pays de transit des céréales surtout d’origine française et allemande, et, de plus en plus, des pays de l’Est. Le Port de Gand est un des plus grands ports importateurs de céréales, avec une capacité de stockage de 1,4 Mt.

LD-LPM : Après avoir réduit les droits de douane pour le biodiesel argentin, l’UE a décidé d’ouvrir davantage le marché européen aux céréales ukrainiennes. Que pensez-vous de cette orientation ?

J. M.  : L’Europe a accepté d’octroyer davantage de quotas d’importation à l’Ukraine (+ 65 000 t pour le blé, + 625 000 T pour le maïs). L’impact des importations ukrainiennes est moindre pour le blé par rapport au maïs. L’augmentation du quota d’importation constitue plutôt une opportunité pour la transformation. En effet, les quantités hors quota sont soumises à une taxe, qui constitue un coût supplémentaire. Ceci est donc particulièrement intéressant pour le secteur du bioéthanol souffrant de la concurrence du biodiesel argentin, qui bénéficie d’une réduction des droits de douane. À ce niveau, nous plaidons pour que les mesures de protection pour les biocarburants en Europe restent d’application, tant pour la réalisation des objectifs en matière d’impacts sur l’environnement que pour le maintien de ce débouché important pour nos collecteurs. Par contre, au niveau des négociants, l’apport de céréales ukrainiennes sur le marché européen, et belge en particulier, à des prix plus bas, concurrence directement les productions nationales et met sous pression la rentabilité, déjà très faible, des exploitations agricoles. Pour le négoce des céréales (également distributeur de produits phytos et d’engrais minéraux), cette situation affaiblit la solvabilité des céréaliers.

LD-LPM : Comment le secteur du commerce des grains belge se prépare-t-il à l’application de la directive Mifid 2 ?

J. M.  : Cette nouvelle directive concerne davantage les plus grands traders. Étant donné la taille des entreprises belges, nous sommes moins concernés par cette réglementation. Néanmoins, vu l’importance des marchés financiers et des marchés à terme comme couverture de risques pour notre secteur, nous insistons pour une grande transparence sur les marchés financiers sans trop de contraintes pour les intervenants.

LD-LPM : Quel message souhaitez-vous passer aux participants à cette Bourse de commerce européenne 2017 ?

J. M.  : En tant que président de la Bourse de commerce de Bruxelles, organisatrice du rendez-vous cette année, je ne peux souhaiter qu’un franc succès aux participants. En effet, dans un monde confronté à de nombreux défis, rien n’est plus essentiel à la survie que les contacts "face to face" et les précieuses informations que nous obtenons lors d’une bourse comme la Bourse de commerce européenne, le rendez-vous international le plus important du secteur des céréales. Que ce soit d’un point de vue strictement commercial (bourse) ou plutôt convivial (dîner Cruisin’Cuisine), la bourse européenne est un lieu sans pareil pour examiner les indicateurs du marché de l’offre et de la demande en partageant les idées avec les collègues. Cela reflète le dynamisme d’une filière toujours à la pointe d’un savoir-faire exceptionnel, une filière qui s’adapte à un monde en pleine transformation. Les inscriptions en hausse, surtout de personnes issues des pays de l’Est, confirment cette hypothèse que la présence des traders constitue un indicateur de l’orientation des flux céréaliers au niveau mondial.

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