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« Les incertitudes géopolitiques et monétaires font de plus en plus bouger les marchés des matières premières agricoles », affirme Laurent Berthellier, directeur des marchés de Feed Alliance

A l’occasion de la session Matières premières organisée par l’Aftaa le 10 décembre à Nantes, Laurent Berthellier, directeur des marchés de Feed Alliance, est revenu sur les incertitudes, base du métier d’acheteur, mais qui s’accentuent tant en nombre qu’en complexité, et dans la violence de leur impact.

Laurent Berthellier, directeur des marchés de Feed Alliance, lors de la session Matières premières organisée par l’Aftaa, le 10 décembre à Nantes.
Laurent Berthellier, directeur des marchés de Feed Alliance, lors de la session Matières premières organisée par l’Aftaa, le 10 décembre à Nantes.
© Yanne Boloh

Les facteurs externes impactent davantage la constitution des prix

Agronomie et climat perdent de leur poids

Si les fondamentaux, l’agronomie et le climat, restent des éléments clés de l’analyse des marchés, leur poids relatif est passé probablement de 80 à 60 % dans la constitution des prix depuis une vingtaine d’année, alors que le poids des facteurs « externes » comme  la géopolitique et les politiques monétaires s’accroît, estime Laurent Berthellier, directeur des marchés de Feed Alliance. Il intervenait lors de la session organisée par l’Aftaa le 10 décembre à Nantes. 

Géopolitique et politique monétaire pèsent davantage

L’entreprise filiale du groupe Avril négocie 4,9 Mt de matières premières par an ce qui lui permet de massifier les flux. « Les incertitudes font bouger les marchés : le jour de l’annonce du report possible de la règlementation européenne sur la non déforestation a vu chuter les cours de soja qui sont repartis à la hausse quand les politiques ont reparlé d’une entrée en application en fin d’année », illustre l’intervenant. 

Lire aussi : Marché des oléagineux du 26 novembre 2025 - Validation du report d'un an de l’application du règlement contre la déforestation

Tous les marchés étant interconnectés, toute crise politique ou financière, guerre comprise, aura un impact dans un monde de plus en plus bipolaire Chine versus Etats-Unis. «  Le match se joue entre les Etats-Unis et la Chine, avec leurs zones d’influence : Russie, Serbie, Afrique, Bolivie, Venezuela et Nicaragua pour la Chine par exemple », confirme le directeur des marchés.

La guerre russo-ukrainienne n'a pas stoppé les exportations céréalières de ces deux pays

L’impact des évènements est parfois surprenante. « Normalement, tous les flux s’arrêtent en cas de guerre mais, depuis bientôt quatre ans, la Russie et l’Ukraine arrivent quand même à sortir leurs blés et cela malgré toutes les sanctions. Hormis la baisse du prix du pétrole et celui du blé qui fait qu’aucun producteur de céréales ne gagne vraiment sa vie actuellement, ce conflit n’a pas changé beaucoup la capacité de la production », constate Laurent Berthellier. 

Les matières premières agricole sont devenues des armes 

« Les matières premières agricole sont clairement devenues des armes et elles pourraient être encore plus chahutées si la bulle liée à l’Intelligence artificielle (IA) éclate sur le modèle de la bulle d’internet dans les années 2000, les fonds d’investissement s’y étaient réfugiés ce qui a de facto généré la crise de 2008 », explique l’expert qui craint que l’âge doré ne soit terminé. « Il n’y a pas beaucoup de croissance dans le monde, nous sommes dans une sorte de ventre mou. Ça tient, mais on ne sait pas quand ça va craquer, alors que l’Union européenne connaît une lente décrépitude », s'inquiète-t-il .

 

Les prix ne devraient pas remonter à court terme

Entre productions pléthoriques et revenus agricoles en berne

Dans le même temps, « on arrive à nourrir le monde, la production de céréales et de soja n’a jamais été aussi importante et les revenus des agriculteurs risquent de se dégrader encore, avec l’Amérique du Sud qui, après le soja, explose en céréales ou avec l’Australie et le Canada qui sont très présents, etc. On ne peut pas trop imaginer que les prix remontent pour l’instant. Même en colza, les prix sont à la cave », explique Laurent Berthellier. 

Lire aussi : Une moisson de blé annoncée exceptionnelle en Argentine

Quant au soja, si quelques bateaux ont bien été réalisés des Etats-Unis vers la Chine, cette dernière attend probablement la récolte brésilienne, dès janvier pour se retourner vers ses fournisseurs historiques en Amérique du sud, aux prix inférieurs. 

Seule la récolte de tournesol mer noire est décevante mais celle en Argentine est abondante.

Des coûts d'assurance qui explosent

Qui dit récoltes abondantes ne parle pas pour autant de l’ensemble des coûts. Par exemple, le coût des assurances agricoles explose : il progresse de 60 % dans le seul état du Texas, particulièrement sujet aux aléas climatiques type tornades.

 

L’acheteur et le tradeur doivent être multicartes

Entre analyse technique et analyse quantitative

« L’acheteur et le tradeur doivent être multicartes, connaître l’agronomie, la météo, la politique, les finances… autant d’univers qui regorgent d’incertitudes. Il faut avoir une réelle résistance aux stress et une bonne réactivité », sourit l’expert. Laurent Berthellier a vu, depuis les années 90, le métier évoluer des analyses de fondamentaux aux analyses techniques puis, désormais aux analyses quantitatives permises par les modélisations. 

Tirer profit de l'analyse des anomalies de marché

« Désormais, nous travaillons sur toutes les anomalies des marchés pour tirer profit de la volatilité elle-même en utilisant des produits dérivés comme les options, les OTC, etc. Car au final, il faut que nous arrivions à donner un avantage compétitif aux usines d’aliments qui utilisent concrètement les matières premières », conclut Laurent Berthellier.

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