Les clés de la réussite de l'internationalisation
Le colloque AgroFinance 2016 a porté sur l'impératif du développement international. Les porteurs d'affaires ID Invest, Ardian France, Tikehau, Agro Invest et autre private equity étaient là pour se rapprocher des entreprises agroalimentaires exportatrices.

Y aller ou pas ? La question ne se pose plus pour les IAA qui trouvent à l'export des relais de croissance. « Exporter, pour nous, c'est vital », a indiqué Jean Vandemoortele, spécialiste belge des corps gras, lors des rencontres AgroFinance, le 22 novembre à Paris. Sa société est devenue n°2 du marché européen dans les produits surgelés de BVP en sortant de ses frontières. Présent dans l'assistance, Lionel Musnier, directeur Fusions/Acquisitions chez NutriXo, s'est reconnu dans ce schéma. La société qui fabrique des produits boulangers surgelés va chercher en zone Asie deux à trois fois le chiffre d'affaires qu'elle réalise en France.
Procéder étape par étape
Se développer à l'international suppose de mobiliser des moyens, de disposer d'équipes ad hoc, d'avoir des partenaires, a rappelé Laurent Bennet, du pôle Agriculture, agroalimentaire et marchés spécialisés du Crédit agricole. Laurent Weber, PDG de Solina, ingrédientiste rennais, confirme que l'international, c'est « chronophage et gourmand en investissements financiers ». Abondant en ce sens, Jean Vandemoortele a exposé sa méthode “step by step ”. Pour développer un volant d'affaires, ses équipes locales vont étudier le marché en profondeur, en jaugeant la concurrence. Selon les cas, l'investisseur belge crée ensuite une usine en greenfield (en partant de zéro) ou rachète son concurrent. En Pologne, il a acquis une petite entreprise afin de comprendre le marché, avant d'investir 50 M€ dans une unité démarrée il y a deux mois.
Sadapter aux us et coutumes locales
Exporter, c'est s'adapter au contexte, ont convenu les participants. Le directeur financier de Barilla, Giangaddo Prati, cite l'exemple du Brésil, où les pâtes de la marque ne dépassent pas 3 % de parts de marché. Elles sont fabriquées en Italie, avec des blés de la péninsule, et n'attirent que les clients aisés. Conclusion : l'approche marketing doit évoluer pour élargir la clientèle. « Il faut coller à ce que le consommateur attend. Si le citoyen américain est habitué à avoir plus d'eau que de tomate et de viande dans sa sauce, c'est ce qu'il faut lui don-ner », confirme-t-il. Un pays, ce sont également des risques politiques et réglementaires. Aux États-Unis, sa cible prioritaire, Giangaddo Prati s'inquiète d'une rupture avec le Mexique, où sa société possède une usine. Elle fabrique des produits de BVP destinés aux marchés nord-américains. En effet, Barilla, c'est pour moitié de la boulangerie. Concernant le Brexit : « Après la dévaluation de la livre, les marges vont rétrécir sur cette destination », prévoit le pastier.
Au Royaume-Uni, après la dévaluation, les marges des exportateurs vont rétrécir. Giangaddo Prati, Barilla
Pour entrer sur un marché, Barilla s'associe, en BVP, à des marques nationales là où elles sont fortes. « La boulangerie, c'est local », explique Giangaddo Prati. « En Italie, les gens mangent des biscuits au petit-déjeuner avec du lait, mais en Allemagne, ce sera différent. Il faut rester dans la proximité de son client. » Par ailleurs, Barilla exclut d'alimenter des marques de distributeurs avec ses pâtes, dont le renom n'est plus à faire. « Nous préférons investir notre argent dans nos marques, pas dans celles des autres », résume le directeur financier transalpin. A contrario, le producteur de fromage Didier Lincet, de la société du même nom, a dû se plier aux emballages Tesco pour livrer l'enseigne de grande distribution britannique.
En ressources humaines, le pastier italien précise : « À l'export, il nous faut quelqu'un qui connaisse bien le pays. Avoir différentes cultures dans l'entreprise nous enrichit. » Laurent Weber, PDG de Solina, privilégie pour sa PME des cadres issus de grandes entreprises « contents de pouvoir à nouveau faire tourner les roues du camion ». Les directeurs pays, basés loin du siège, rentrent au capital, ce qui les fidélise et leur donne l'esprit d'entreprise. La démarche capitalistique du private equity (capital-investissement) ne remplace pas la conquête de marchés. Dominique Gaillard, président du directoire d'Ardian, explique que pour faire un profit sur une acquisition par emprunt, il a besoin que l'entreprise portée ait engagé en aval son expansion internationale.
Philippe Jaegy, vice-président d'Efeso consulting, a narré quelques success stories d'entreprises tournées vers l'export. Le “piggy back” consiste à se faire porter par un plus gros partenaire, comme les biscuitiers turcs, alliés à des enseignes qui s'implantent en Afrique du Nord. La compétition peut s'atténuer par la coopération de rivaux : Mars et United Biscuits collaborent ainsi en logistique, pour multiplier les réapprovisionnements. Adepte de la délocalisation agile, Bel exporte en Afrique des usines qui tiennent dans 12 conteneurs. En boulangerie industrielle, le géant mexicain Bimbo a replacé en Chine une expérience de distribution par triporteurs, testée à domicile. Agilité frugale, un modèle indien de vente personnalisée de yaourts en zone rurale par 821 femmes fait vivre 400 micro-producteurs. Des idées à creuser pour reconfigurer un business model.