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Présidentielle 2012 : les réponses des candidats
« Les agriculteurs doivent se regrouper pour investir collectivement »

Comment conjuguer une agriculture productive et respectueuse de l’environnement ?
François Hollande : Le redressement de notre pays relève d’un enjeu avant tout productif. Cela vaut pour l’industrie, mais aussi pour l’agriculture qui est, par essence même, une production. Cette conception n’est pas contradictoire avec les exigences d’aménagement du territoire. C’est par un bon usage des sols, des techniques et le respect des règles environnementales que nous parviendrons à mieux produire et à plus produire. Car nous avons aussi à nourrir le monde, et il y a là également une responsabilité, à l’échelle planétaire. J’ajoute que la production exige des investissements lourds – or l’agriculture fait partie des secteurs les plus capitalistiques – et une qualification élevée. La formation professionnelle liée aux métiers d’agriculture doit occuper le premier rang de nos priorités. La production exige aussi une maîtrise du foncier et donc la fin des conflits incessants sur ce thème. En clair, l’agriculture est un secteur de production qui nous permet d’assurer un niveau d’emploi, de préserver une ruralité dynamique, mais aussi d’assurer notre indépendance alimentaire et d’exporter.

Il existe pourtant des problèmes de compétitivité. Comment les résoudre ?
F. H. : Nous aurons d’abord à harmoniser les règles sociales à l’échelle européenne. Il n’est pas acceptable que l’Allemagne ait levé toutes les contraintes sur le salaire minimum dans l’agriculture. D’où l’idée de salaires minima et d’une meilleure appréhension du travail saisonnier en Europe. Il existe également un problème de compétitivité en raison des charges qui pèsent sur notre agriculture. Nous avons dans ce domaine à réfléchir sur les modes de financement de la protection sociale qui ne devraient pas reposer sur le seul travail.

Est-ce à dire que vous n’êtes pas si défavorable à l’instauration de la TVA sociale ?
F. H. :
La protection sociale ne peut être financée par des contributions pesant sur le seul travail. De là à proposer une augmentation de la TVA... Je n’y suis pas favorable en raison des conséquences néfastes sur la consommation. Nous pouvons en revanche faire appel au capital et taxer davantage la pollution. Il n’y a pas de raison que ceux qui recourent aux techniques les plus propres ne soient pas encouragés.

Quelle agriculture envisagez-vous de privilégier, dans le sens d’une meilleure compétitivité ?
F. H. :
Cessons d’opposer les pratiques entre elles, et parvenons à donner à chacune les instruments de leur développement. La diversité de notre agriculture est notre force. Nous avons une agriculture compétitive, présente sur les marchés mondiaux, qui doit être accompagnée. Sans privilège particulier mais aussi sans boulet aux pieds. Nous avons également une agriculture de proximité qui rend de multiples services. Ce serait une grave erreur d’uniformiser l’agriculture. C’est parce que nous avons plusieurs modèles agricoles au sein même de notre pays que nous arrivons à répondre à toutes les demandes et à préserver la spécificité de nos territoires et la multiplicité de nos productions.

Les régions devraient selon vous jouer un rôle plus important dans la politique agricole et devenir en la matière des relais privilégiés pour l’Europe et pour le pays. Comment pensez-vous gérer les distorsions de concurrence ?
F. H. :
Le second pilier de la Pac doit être davantage régionalisé, pour tenir compte justement des territoires. Nous devons faire confiance aux régions qui ne chercheront pas à être concurrentes entre elles, mais qui essaieront en revanche de trouver la meilleure réponse à la réalité des exploitations. Cela concerne le foncier, l’eau, la modernisation des équipements... Il y a des évolutions à réaliser sur les mécanismes d’intervention, qui doivent être adaptés aux situations géographiques et écosystémiques. On ne peut pas avoir dans le Sud-Ouest les mêmes techniques que dans le Nord-Est. Et les régions ont la taille et la capacité pour gérer tous ces aspects.

Comment vous positionnez-vous par rapport aux OGM ?
F. H. :
Je ne suis pas favorable aux recherches en plein champ, qui peuvent avoir des conséquences sur d’autres cultures. Celles réalisées en sites confinés doivent en revanche être poursuivies. Il faut toujours penser que le progrès, la recherche sont au service de l’humanité, sous certaines conditions. La culture des OGM n’a pas sa place en France telle que proposée. La pression d’ailleurs a fait que ce gouvernement a encore récemment, à l’égard de Monsanto, pris la disposition qui convenait. J’ajoute aussi que nous aurons le souci de plaider pour une harmonisation à l’échelle de l’Europe sur ce sujet.

De manière plus générale, quelles sont vos ambitions pour la future Pac ?
F. H. :
Dans le débat sur la Pac, je pose plusieurs principes. D’abord, garder un niveau
– le plus élevé possible – sur le plan budgétaire. Nous savons que nous nous heurterons aux pays qui veulent réduire le budget européen. À cet égard d’ailleurs, je n’ai pas compris pourquoi la France s’était placée sur la même position que l’Allemagne et la Grande-Bretagne sur la stabilité du budget européen. Deuxième principe : nous voulons pour cette future Pac une dimension économique de soutien des productions et des prix, et donc renforcer les mécanismes d’intervention. Et le troisième principe repose sur la dimension agro-environnementale que nous voulons donner à cette future Pac.

Comptez-vous soutenir le développement des biocarburants ?
F. H. :
Les biocarburants ont permis d’ouvrir aux productions agricoles de nouveaux marchés à l’image de ce qui se passe au Brésil et aux Etats-Unis. Cependant, il faut s’interroger sur le bon équilibre à trouver : est-ce que l’on produit plus pour alimenter le monde ou pour fabriquer de l’énergie ? Il convient ainsi d’encourager la méthanisation, la valorisation des sous-produits et les agrocarburants de seconde génération. Mais rappelons-le, l’objectif de l’agriculture, c’est principalement de nourrir la population. La part des biocarburants doit donc rester raisonnable.

La France a fait entrer l’agriculture dans le G20 l’an dernier. Que retirez-vous des propositions du G20 ?
F. H. :
C’est une bonne démarche. Elle doit être poursuivie. L’idée de la régulation concernant aussi les produits agricoles est également un élément de lutte contre la crise financière.
On constate sur ce point une grande volatilité sur les marchés des matières premières agricoles et la disparition en parallèle des outils de gestion.

Pensez-vous que cette volatilité doit être combattue ? Et si oui, comment ?
F. H. :
Les marchés agricoles sont devenus des marchés spéculatifs. Et quand je dis qu’il convient de maîtriser la finance, cela signifie qu’il est nécessaire de maîtriser tous les facteurs de déstabilisation des marchés. Je ne veux pas que le métier agricole soit dépendant du métier de trader, avec tous les risques que cela peut générer. Les agriculteurs n’ont pas le choix, ils sont bien obligés de se couvrir par rapport à des risques de perte de recette. Notre objectif doit être de maîtriser les fluctuations. Il existait des instruments qui n’auraient pas dû être remis en cause, comme les quotas laitiers. Je veux préserver les mécanismes de régulation de l’offre avec des mécanismes d’intervention sur les marchés. J’appelle cela le filet de sécurité. Mais son niveau est aujourd’hui trop faible.

Le gouvernement actuel a mis en place un procédé l’an dernier pour permettre de rouvrir les portes de la négociation dans le cas d’une très forte volatilité des prix. Que pensez-vous de cette méthode ?
F. H. :
Elle n’a pas donné de résultat, ni pour les consommateurs, ni pour les agriculteurs. Pour lutter contre la volatilité, nous estimons que la priorité c’est l’organisation des producteurs eux-mêmes. L’idée du contrat est positive et cela commence à être posé à l’échelle européenne. Le lait est un cas typique : le leader mondial des produits laitiers, Lactalis, négocie au cas par cas avec chaque producteur laitier. Les producteurs doivent s’organiser pour contractualiser, ils auront plus de poids. La mutualisation a toujours fait la force de la France dans le domaine agricole. La France est quand même le seul pays au monde où il y a autant de diversité de productions.

Ambitionnez-vous par ailleurs une politique propre à l’industrie agroalimentaire ?
F. H. :
Grâce aux institutions de l’agriculture, elle a été longtemps une grande force économique. Ce sont les coopératives agricoles, les unités de transformation nées du monde paysan, qui ont permis cette industrie agroalimentaire. L’enjeu c’est de mieux lier les agriculteurs aux industriels de la transformation. Il faut qu’il y ait davantage de filières et d’intérêts communs.

Les contrats sont-ils dans ce sens un enjeu important ?
F. H. :
Oui, à la condition que les agriculteurs puissent s’organiser pour les négocier. Les contrats sont des instruments importants pour la stabilité et la visibilité qu’ils apportent.

Est-ce à dire qu’il faille davantage contraindre la grande distribution ?
F. H. :
Il y a tout un débat sur le “produire français” qui ne peut être limité à l’industrie. Le premier “produire français”, c’est l’agriculture. Nous devons consommer ce que nous avons nous-mêmes produit. Je vais rencontrer en mars les principaux responsables de la grande distribution française. Je ne vais rien leur apprendre. Mais je vais leur dire que si je suis élu au mois de mai, je ferai en sorte qu’il y ait un contrat moral, qui devra être vérifié régulièrement, entre la grande distribution et les producteurs.

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