Aller au contenu principal

Mer Noire
Le transport intérieur : un gros point noir 

La logistique nationale, souvent obsolète et coûteuse, bride encore fortement le potentiel d’exportation de grains en provenance de Russie et d’Ukraine.

La Russie pourrait potentiellement exporter 60 Mt de grains au niveau de ses ports, selon Swithun Still, dirigeant du cabinet de trading Solaris. Mais sa mauvaise logistique intérieure l’en empêche pour le moment. « Beaucoup de “line up” de bateaux, de camions bloqués, etc., avec des décalages de chargement de deux semaines. […] Le serpent de mer en Russie, c’est la construction d’un deuxième tunnel qui permettrait un meilleur accès au port de Novorossiisk », déplore le trader.

Beaucoup de camions en Russie

En Russie, le transport des grains se fait à 56 % par camion et à 44 % par train, d’après Maria Mozgovaya, trader chez Louis Dreyfus Company (LDC). Les coûts de transport par camion sont actuellement proches, et même plus compétitifs qu’en France : 0,0525-0,07 $/t/km en Russie (selon LDC) et 0,07-0,1 $/t/km dans l’Hexagone (d’après Lecureur). Mais les distances à parcourir en Russie sont autrement plus élevées qu’en France, faisant flamber le coût moyen du transport intérieur. À proximité des ports, ces coûts restent bas (cf. graphique 1). Mais ils peuvent aller au-delà des 70 $/t depuis la Sibérie ! « Il y a des variations saisonnières. Par exemple, les coûts de transports pour les grains provenant des zones à 1 600 km des ports s’élevaient à environ 25 $/t en février-mars, mais culminaient à 45-65 $/t en décembre », alerte Gautier Maupu, analyste d’Agritel.

 

Un déficit de wagons qui se creuse

« Les camions sont anciens, tout comme les trains. Une seule ligne ferroviaire arrive dans le port de Novorossiisk », qui y achemine les grains pour un coût moyen de 25 $/t, dans le cas où celui-ci parcourt moins de 600 km, précise Gautier Maupu. Plus on s’éloigne, plus ces coûts progressent (cf. graphique 1). De plus, la disponibilité des wagons recule d’année en année, rapporte Maria Mozgovaya. « En 2008, 33 000 wagons étaient disponibles pour transporter les grains. En 2010, on tombe à 28 000, puis 20 000 en 2015 ! » L’âge moyen des trains est de vingt-cinq ans actuellement, et ne cesse de croître, faute de renouvellement, précise cette dernière. Enfin, le gouvernement russe offre des soutiens financiers au transport ferroviaire, « mais les régions qui en ont le plus besoin touchent moins actuellement », regrette-t-elle.

Dernière difficulté : certains sites ne peuvent être desservis que par train ou que par camion. « Le port de Tuapsé ne peut recevoir des grains que par train, alors que celui de Taman ne peut accueillir que des camions », rapporte Maria Mozgovaya. Au total, selon les données de l’AGPB, le coût de transport moyen depuis l’intérieur du pays jusqu’aux bateaux (fobbing inclus) s’élève à environ 50 €/t actuellement, contre 25 €/t en France.

 

L’Ukraine guère mieux lotie

En Ukraine, 65 % des grains sont transportés par train, et le reste par camion (Agritel, Arvalis, UkrAgroConsult). Les périodes d’utilisation des deux modes de transport sont : octobre-mars pour le train, juillet-septembre pour le camion (idem pour la Russie). Les problèmes sont similaires à ceux des Russes (cf. graphique 2) : de longues distances (bien que plus réduites), une ancienneté des trains et des camions, et un déficit de wagons. Ces derniers étaient âgés de vingt-six ans en moyenne, et 27 % avaient plus de trente ans, rapportait en 2016 Romain Savatier, trader chez LDC, lors d’une conférence organisée par France Export Céréales.

Le nombre de wagons disponible recule, faute de renouvellement, d’après la même source. Conséquence, le coût du fret ferroviaire ne s’améliore guère. « Le coût ferroviaire, aujourd’hui, s’élève à environ 530 hryvnia/t (soit 16 €/t pour de petites distances). Il y a deux-trois ans, il s’élevait à 200 hryvnia/t », détaille Gautier Maupu. Concernant le transport par camion, « il se fait souvent dans de mauvaises conditions : ils sont surchargés, transportant parfois 40 t ou plus, alors que leurs capacités sont de 30 t, avec des températures qui atteignent parfois 40 °C », relève-t-il. L’AGPB estime le coût moyen d’acheminement des grains depuis les terres vers les bateaux d’exportation en Ukraine à 54 €/t.

 

Des projets de modernisation pas toujours accomplis

Des projets concrets se réalisent, susceptibles de changer la donne à plus long terme. Le géant ukrainien Nibulon et l’ERBD ont, par exemple, annoncé, le 15 février, le financement d’un projet de modernisation du transport des grains vers les ports du pays par voies fluviales, permettant de doubler les capacités de circulation fluviale des grains dans les deux ans, soit 4 Mt. Le projet s’élèverait à 200 M$, dont un prêt de 50 M$ par l’ERBD.

 

Les plus lus

À qui profitent vraiment les dons de blé russe?

Li Zhao Yu, Yann Lebeau, Roland Guiraguossian et Delphine Drignon, experts du département relations internationales…

Crues dans l'Yonne : quelques questionnements sur les rendements à venir

Les pics de crues atteints, tout va dépendre maintenant de la rapidité des eaux à baisser.

Pourquoi le Maroc devrait encore importer beaucoup de céréales en 2024/2025?

Yann Lebeau, responsable du bureau de Casablanca au sein du département relations internationales d’Intercéréales, a fait le…

Coopérative - Un nouveau directeur général chez Cerevia

Via cette nomination, Cerevia espère insuffler "une nouvelle dynamique" à son union de commercialisation.

 

Oléagineux - Comment Saipol va accroître ses capacités de trituration à Sète et Lezoux

L'usine de Sète de la société Saipol, filiale du groupe Avril, triture de la graine de colza, tandis que celle de Lezoux broie…

La filière oléoprotéagineuse française dévoile sa vision de l'agriculture avant les élections européennes

Un communiqué commun de la FOP (fédération française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux) et de Terres Univia (…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 352€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site La dépêche – le petit meunier
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez votre revue numérique la dépêche – le petit meunier
Recevez les évolutions des marchés de la journée dans la COTidienne