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Le tournesol français a le vent en poupe !

Des raisons conjoncturelles et structurelles justifient le regain d’attrait des agriculteurs hexagonaux pour la culture de tournesol. Les prix ont explosé, et la plante s’avère robuste. 

© Isabelle Marandel, La Dépêche Le Petit Meunier

Selon diverses sources publiques et privées, les assolements 2022 de tournesol pourraient atteindre 0,8 Mha, soit un plus haut depuis 1999 (cf. graphique). Les dirigeants du groupe Avril déclaraient, en avril 2022, viser 0,9-1 Mha en 2023. Les raisons de cet engouement pour le tournesol reposent à la fois sur des raisons conjoncturelles et structurelles. 

Du côté conjoncturel, les prix de la graine de tournesol sont rémunérateurs, spécialement en qualité oléique, incitant les agriculteurs français à semer plus. Ajoutons à cela la flambée des prix des intrants, renforçant l’intérêt pour une culture peu exigeante à ce niveau. La guerre en Ukraine et l’impossibilité pour le plus important exportateur mondial d’huile de tournesol d’expédier ses marchandises ont renforcé un contexte déjà tendu sur le marché mondial des oléagineux (dôme de chaleur au Canada, entraînant une récolte catastrophique de canola, baisse de production d’huile de palme en Asie du Sud-Est liée à la moindre disponibilité de main-d’œuvre dans un contexte de pandémie de Covid-19…). 

 

Un tiers de l’export ukrainien d’huile de tournesol destiné à l’UE avant la guerre 

Rappelons que le marché de la graine de tournesol s’avère très étroit : 60 Mt, dont 30 Mt provenant d’Ukraine (16 Mt) et de Russie (14 Mt). Pour l’huile, le marché est encore plus concentré : près de 80 % provient des deux pays, dont 50 % d’Ukraine et 30 % de Russie. Enfin, l’Ukraine exporte près d’un tiers de son huile de tournesol vers la Chine, un tiers vers l’Inde et un tiers vers l’UE, soutient Antoine de Gasquet, dirigeant du cabinet de courtage Baillon-Intercor. Ainsi, l’UE subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine. La reprise économique mondiale et la fin des confinements suite à la pandémie de Covid-19 ont déclenché un regain de demande en huile de tournesol, notamment oléique, avec le retour des consommateurs au restaurant, rapportent par ailleurs divers experts privés. 

L’intérêt pour l’huile de tournesol, stimulant la production de graines en France, a aussi des raisons plus structurelles. Alors que les opérateurs jugeaient le marché saturé en termes de demande avant la guerre en Ukraine, la situation semble différente aujourd’hui. « Il faudra des années pour que l’Ukraine redevienne un gros exportateur, même si la guerre se terminait demain. Et malgré le fait que la consommation française soit plutôt stagnante, la demande mondiale augmente avec la croissance démographique », explique Hubert Bocquelet, délégué général de la Fédération nationale des industries des corps gras (FNCG). 

 

Le tournesol a meilleure presse que l’huile de palme 

Il relève aussi que « les industries agroalimentaires utilisent de plus en plus d’huile de tournesol dans leurs recettes, remplaçant celle de palme, qui n’a pas forcément bonne presse auprès du grand public, pour des questions de déforestation. Ajoutons à cela la demande de la restauration hors domicile, très friande d’huile oléique, plus résistante à la friture »

Cette qualité de l’huile oléique justifie le paiement d’une prime aux agriculteurs par rapport à la qualité linoléique, et explique sa progression en proportion dans l’Hexagone lors des vingt-cinq dernières années (cf. graphique). 

En plus du débouché alimentaire, le marché énergétique – mobilisant 50 000 à 60 000 t par an d’huile française en moyenne selon la FNCG – est en croissance, sans oublier celui de la nutrition animale. La demande européenne se manifeste pour de la graine de tournesol durable, émanant notamment de la Suède et de l’Allemagne, précise le directeur général de Saipol Christophe Beaunoir. Bien que la France produise 550 000 t par an d’huile brute et exporte selon les opportunités de marché, elle en importe aussi 130 000 t par an en moyenne, majoritairement d’Ukraine, destinée aux marques distributeurs (MDD), rappelle Jean-Philippe Puig, directeur général du groupe Avril. Raison pour laquelle le groupe mise sur une hausse de la production nationale de graines et prévoit d’augmenter ses capacités de trituration – 1 Mt d’ici à deux à trois ans, contre 0,7 Mt aujourd’hui – afin de renforcer l’indépendance française dans ce domaine.

Aux justifications économiques s’ajoutent celles agronomiques et écologiques. Le changement climatique pourrait être une opportunité pour le tournesol sur le long terme, selon Françoise Labalette, responsable du pôle amont de Terres Univia. Le bassin de production originelle de la plante se trouve être l’Arizona (sud-ouest des États-Unis), région connue pour son climat rude, à savoir chaud et sec, justifiant sa robustesse, rappelle-t-elle. 

Depuis quelques années, les altises font des ravages sur les colzas hexagonaux. « Sur le gros quart nord-est de la France, le tournesol a supplanté le colza dans certains secteurs », remémore Françoise Labalette. Et le tournesol a donc fini par s’implanter durablement dans la région. 

Enfin, Céline Motard, responsable adjointe de l’évaluation variétale en charge du soja et du tournesol de Terres Inovia, souligne que les rendements en graine et en huile des variétés oléiques s’améliorent, grâce aux progrès génétiques, qui ont permis la tolérance à de nombreuses maladies. « Il y a quelques années, les variétés oléiques n’avaient pas très bonne réputation auprès des agriculteurs, les rendements en graine et en huile étant plus bas par rapport à la qualité linoléique. Aujourd’hui, on est quasiment au même niveau. »  

 

Attention à un potentiel retournement de marché 

Néanmoins, un ajustement des marchés de l’huile et de la graine de tournesol n’est pas à exclure. « L’équilibre en huiles est évidemment remis en cause par la guerre en Ukraine. Toutefois, l’huile de tournesol constitue un petit marché au niveau mondial puisqu’elle est principalement consommée dans l’UE, en Amérique du Sud et en Inde, le reste du monde consommant surtout des huiles de soja et de palme. Les Européens perçoivent actuellement ce déséquilibre car ils sont en première ligne, mais les choses devraient retrouver un équilibre sous l’impulsion des prix relatifs », prévient Christophe Beaunoir. Et si les cours se retournaient drastiquement, l’intérêt des agriculteurs français pour la culture pourrait retomber, craint Françoise Labalette, sachant que la plante donne des rendements relativement faibles.                     

 

Agriculteurs et organismes stockeurs ont vendu très tôt en 2020 et 2021, quid de 2022 ? 

Selon des sources privées, les vendeurs français de graines de tournesol se sont positionnés encore plus tôt que d’habitude lors des deux dernières campagnes commerciales, soit 2020-2021 et 2021-2022. Par exemple, en avril 2022, près de 95 % des graines étaient déjà vendues, rapporte un trader. Ceci en raison de prix rémunérateurs. Cela permet aux triturateurs de mieux prévoir leur campagne de production et de commercialisation d’huile, de tourteaux…, ajoute-t-il. Mais il s’inquiète pour 2022-2023 : « Les vendeurs sont en retard entre le printemps 2021 et 2022. Certains regrettent de ne pas avoir obtenu le plus haut du marché l’an dernier, et espèrent l’obtenir cette année ». 

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