Le secteur des transports main dans la main avec le monde agricole pour saluer le rejet de la hausse des taxes sur les biocarburants
Après plusieurs semaines d’incertitude quant à la fiscalité des biocarburants, les députés ont finalement rejeté la remise en cause des exonérations fiscales pour le B100 et l’E85.
Après plusieurs semaines d’incertitude quant à la fiscalité des biocarburants, les députés ont finalement rejeté la remise en cause des exonérations fiscales pour le B100 et l’E85.
Rejet de l’alourdissement des taxes sur les biocarburants
Cet été, la direction générale des Entreprises avait publié un rapport soulignant les avantages de l’électrique sur les biocarburants pour la décarbonation du fret routier. Celui-ci avait suscité l’inquiétude des transporteurs et des producteurs d’oléagineux, comme nous l’avions rapporté au mois d’août. Lors de la présentation du projet de loi finances (PLF), la filière avait découvert le proposition de supprimer les avantages fiscaux accordés aux utilisateurs de biocarburant, que ce soit pour le fret routier avec le B100 ou les véhicules individuels avec l’E85, via une hausse de la fiscalité de 380 % sur l’E85 et 400 % pour le B100. Le 21 octobre, les députés de la commission des Finances ont rejeté ces mesures, puis celles-ci ont été refusées le 3 novembre dernier en séance plénière par l’Assemblée nationale. Le gouvernement, quant à lui, poussait plutôt pour le « maintien de la fiscalité sur l’E85 et le lissage sur deux ans de l'augmentation de la fiscalité sur le B100 », ont rapporté nos confrères d’Agra. Les réactions positives se sont succédé avec un communiqué conjoint de la FNSEA, la FOP (fédération des producteurs d’oléagineux), Terres Univia, Esterifrance, l’AGPB, l’AGPM, la CGB et Bioéthanol France. Du côté de l’E85, la Collective du Bioéthanol avait également appelé à la mobilisation contre la mesure. « Les députés étaient attachés à préserver le pouvoir d’achat des Français sur l’E85 et ne voulaient pas risquer une crise sociale et politique en se mettant les transporteurs à dos dans un contexte politique et syndical explosif », interprète Jacques Goisque, directeur de la FF3C (Fédération française des combustibles, carburants et chauffage).
Le B100, un biocarburant en croissance
La fiscalité particulière du B100 s’était révélée incitative pour les investissements
Si le volume de B100 distribué en France reste relativement faible (3 à 4 % du volume des carburants consommés selon la FF3C), les poids lourds roulant exclusivement au B100 représentent 6 % des ventes sur le début de l’année 2025, contre 1,5 % pour les poids lourds électriques, rappelle Élisabeth Moretti, directrice déléguée du pôle Développement durable, logistique urbaine et intermodalité pour l’Union TLF (Union des entreprises de transport et de logistique de France) . « Les entreprises ont investi dans le B100, et cela demande une certaine pérennisation et stabilité du contexte réglementaire », a déclaré Clément Verdié, secrétaire de l’Otre (Organisation des transporteurs routiers européens) lors de la soirée annuelle de l’organisation. Pour Philippe Falaize, gérant chez le distributeur Fioul 83, dans un secteur où chaque centime compte, la suppression de l’avantage fiscal accordé au B100 aurait causé un surcoût de « 45 à 50 centimes par litre, entraînant l’arrêt immédiat du recours à ce carburant ». Quelque 80 % de ses clients risquaient d’abandonner ce biocarburant, ajoute-t-il.
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Le Crit’Air 1, un autre avantage du B100 qui sera voué à disparaître
Les véhicules utilisant des biocarburants comme le B100 peuvent bénéficier de la vignette Crit’Air 1, contrairement au diesel classé Crit’Air 2. « La classification Crit’Air 1 pour les véhicules utilisant du B100 leur permet de circuler dans les ZFE (zones à faible émissions) et lors de la mise en place de la circulation différenciée pendant les épisodes de pollution. Elle a rendu le B100 très attractif, mais avec la disparition prochaine des ZFE, c’est désormais moins le cas », explique Jacques Goisque, directeur général du syndicat FF3C.
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L’électrique, une solution balbutiante pour la décarbonation du fret routier
La filière des transports tient à souligner le manque de maturité de l’électrique pour les camions. En cause, le manque d’infrastructures de recharge. « Pour remplacer la moitié du parc actuel par des camions électriques, il faudrait 60 000 bornes de recharge sur le territoire. Il y en a 300 aujourd’hui, et 300 autres en constructions », révèle le gérant de Fioul 83. De plus, la massification de l’électrique requerrait des investissements sur les aires de repos, dont le dimensionnement et la puissance du réseau électrique ne sont pas adaptées. Un constat également réalisé par Élisabeth Moretti : « La transition vers l’électrique ne peut pas se faire dans de bonnes conditions, à cause du trop faible maillage des bornes de recharge », explique-t-elle.
Les professionnels du transport espèrent un allègement de la fiscalité sur les autres biocarburants comme le HVO
La FF3C et l’Union TLF ont exprimé leur soutien à la mise en place d’une fiscalité plus avantageuse sur le HVO100, un biocarburant fabriqué à partir d’huiles usagées et de graisses animales et végétales. Pour l’instant, la fiscalité est la même sur le HVO et le gasoil classique (B7), « alors que le HVO n’est pas issu de produits fossiles », avance Jacques Goisque. « Un amendement a été déposé en ce sens. Le HVO est plus développé dans d’autres pays de l’Union européenne, où il bénéficie d’une fiscalité adaptée. Les raffineurs sont prêts à fabriquer du HVO en quantité suffisante », ajoute-t-il. Selon lui, le principal frein à la démocratisation du HVO est le prix à la pompe, supérieur de 15 à 20 centimes par litre à celui du B7, tandis que le B100 est proposé autour des 1,30 € le litre. « Le HVO est miscible avec le gasoil et n’est pas corrosif comme le B100, qui nécessite une homologation particulière du moteur pour les camions. Il permet une réduction des émissions de CO2 de 90 %, contre 50 à 60 % pour le B100 », explique Jacques Goisque.
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En revanche, le HVO pâtit d’un réseau de distribution encore peu développé (il n’a été autorisé à la pompe qu’en octobre 2024) et l’importation des huiles de cuisson usagées nécessaires à sa fabrication fait polémique auprès des producteurs français d’oléagineux. Le B100, quant à lui, est fabriqué à partir de matières premières d’origine française (à 90 %, selon le dirigeant de Fioul 83) ou européenne. « Le B100 représente aussi un moyen d’utiliser le colza pour continuer à faire marcher l’agriculture française », avance Philippe Falaize. « La fabrication du B100 génère aussi des coproduits pour l’alimentation des bovins, ce qui participe à la souveraineté de l’agriculture française », ajoute-t-il.
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