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Bioéthanol
Le marché européen du bioéthanol doit se protéger des importations

Entre des objectifs européens ambitieux, de nouvelles usines dans l’UE et des géants comme le Brésil et les États-Unis, le marché s’annonce animé

Avec une production mondiale largement dominée par le continent américain, la production européenne de bioéthanol aura besoin de grosses capacités de production, de terres agricoles, du développement d’autres outils à moyen et long terme mais aussi de fermes soutiens politiques pour résister à l’appétit de ses concurrents que sont les Etats-Unis et surtout le Brésil qui mène la danse sur le marché mondial du bioéthanol. Car si des investissements importants ont déjà été réalisés avec la construction de plusieurs sites dans l’UE pour répondre aux engagements bruxellois d’incorporation d’énergie renouvelable dans les carburants, rien n’empê­chera les distributeurs ou les pétroliers d’intégrer à leur essence de l’éthanol importé si ce dernier s’avère plus compétitif que les productions hexagonales, favorisées par des incitations fiscales, ou, plus largement, européennes, protégées par un régime douanier particulier.

Un marché européen naissant et déjà touché par les importations

Avec un objectif européen de 10 % d’incorporation de carburant vert dans le total des carburants consommés d’ici à 2020, ramené à 2015 en France, soit un besoin d’environ 15 Mhl à l’échelle hexagonale, la filière bioéthanol française s’attaque à un marché plein d’avenir.

En 2008, elle a produit entre 9 et 10 Mhl de bioéthanol de première génération, se plaçant au quatrième rang des producteurs mondiaux derrière les Etats-Unis (340 Mhl), le Brésil (245 Mhl) et la Chine (19 Mhl). Au niveau européen, la France domine nettement la production, l’Allemagne la suivant avec 5,68 Mhl. Pour respecter les directives bruxelloises à l’horizon 2015, une forte progression des volumes européens sera nécessaire, sans quoi, le recours aux importations massives sera inéluctable au risque de gâcher les lourds investissements qu’ont réalisé les producteurs de bioéthanol français. « Le marché européen se situera entre 200 et 250 Mhl d’ici à 2020. La filière bioéthanol française doit être en mesure de répondre à cette demande sans se laisser dépasser par d’autres », estime Alain Jeanroy, directeur de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).

Malgré sa position de leader au sein de l’Union européenne, la France peut toutefois s’inquiéter du géant brésilien dont le marché de l’éthanol est mature depuis plusieurs années, ce pays ayant fait de la production de bioéthanol une priorité nationale dès les années 70. Et malgré la mise en place par Bruxelles d’un régime douanier spécifique, des importations parviennent déjà à pénétrer le marché de l’Union européenne et menacent de se poursuivre au moyen d’autorisation particulières à l’attention d’Etats membres n’ayant pas développé suffisamment d’outils de production pour s’approvisionner.

Le marché de l’UE prêt à accueillir les productions américaines sous conditions

Certains ports de l’Hexagone ne cachent d’ailleurs pas leur ambition de faire entrer du bioéthanol brésilien, à l’image du port de Marseille qui a récemment traversé l’Atlantique pour rencontrer les éthanoliers brésiliens. « Aujourd’hui, c’est le port de Rotterdam qui est la référence pour l’importation d’éthanol dans l’UE, notre objectif est avant tout logistique et portuaire, pour que, le jour où nous serons confrontés à ces besoins, nous soyons en mesure d’y répondre », explique Jérôme Giraud, responsable du service commercial du port de Marseille-Fos (voir interview en page 3). En 2008, ce sont 129 183 t d’éthanol qui ont transité par le port de Marseille-Fos (dont 74 904 t pour la France), à comparer aux 193 362 t acheminées en 2007 (dont 80 232 t destinées à l’Hexagone).

Une situation que la filière bioéthanol française accepte et dont elle reconnaît même la nécessité dans une certaine mesure. Pour Alain Jeanroy, « on ne peut pas empêcher le port de Marseille de faire du commerce ». De son côté, Jean-François Loiseau, coordinateur céréales de la filière bioéthanol française, reconnaît que « l’UE a besoin d’importations mais à condition qu’elles soient justes », c’est-à-dire qu’elles n’interviennent qu’en complément sans mettre à mal les outils de production européens.

Une protection du marché encore fragile

Actuellement, le prix de l’éthanol français est directement lié à celui de l’éthanol brésilien coté à São Polo, auquel il faut ajouter les coûts de transport jusqu’à Rotterdam (ou un autre port si ce dernier le permet), puis jusqu’au client. A cela s’ajoute un dispositif douanier européen s’appliquant à l’éthanol (code 22-07) qui taxe les importations dans l’UE à hauteur de 19,2 euros/litre. Un système censé préserver les États membres de l’UE d’importations d’origine étrangère, et plus particulièrement brésilienne. Une parade serait toutefois possible pour importer de l’éthanol à moindre frais au moyen d’un régime douanier spécifique, comme s’en est inquiété Alain d’Anselme, président du Syndicat national des producteurs d’alcools agricoles. « Nous contrerons les tentatives visant à soumettre les mélanges essence-éthanol à un régime douanier “produits chimiques”, c’est-à-dire en code 38-24 avec un droit à 2 euros/hl », a-t-il martelé, lors de l’AG du SNPAA le 14 avril dernier. Il suffirait donc de mélanger de l’éthanol à de l’essence pour contourner le régime de protection imaginé par l’UE.

Par ailleurs, certains pays de l’UE ayant peu investi dans des outils de production sont également demandeurs de quotas d’importation à droit réduit ou nul (procédure de traitement sous douane). C’est le cas de plusieurs pays du nord de l’UE, en particulier les pays baltes.

Ainsi, la protection du marché européen n’est pas totale, et si l’on tient compte de la dévaluation du réal brésilien, elle pourrait devenir insuffisante en l’état. « Le prix de l’éthanol européen s’est affiché entre 55 et 60 euros/hl en 2008. Mais avec la baisse du fret et la dévaluation du réal, la fourchette se situe désormais entre 50 et 60 hl. Les droits de douane pourraient donc être insuffisants pour sauvegarder l’éthanol en Europe. Cest pourquoi nous pensons à demander une clause de sauvegarde », explique Alain Jeanroy. Enfin, au niveau français, une politique d’incitation fiscale a été mise en place pour favoriser l’incorporation du bioéthanol national. Selon la loi de finance 2009, l’éthanol bénéficie d’une exonération fiscale de 21 euros/hl, un chiffre « en recul de 22 % par rapport à 2008 et de 36 % par rapport à 2007 », regrette la filière bioéthanol. Dernier élément, la taxe sur les activités polluantes encourage les distributeurs à incorporer des biocarburants dans les carburants classiques.

La pérénité de la filière européenne, et donc française, est, ainsi, intimement liée au choix politique de l’Union européenne. « A un moment donné, la raison doit l’emporter sur la passion. Il s’agit de préserver et de créer des milliers d’emplois pour produire des énergies renouvelables. Il faut donc faire preuve de volonté politique », affirme Jean-François Loiseau.

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