Biotechnologies
Le G20 agricole et le projet Breedwheat relancent la recherche variétale en blé
« JE REVE D’UN BLE captant l’azote de l’air, d’un maïs résistant au stress hydrique ou encore de cultures dédiées aux biocraburants au meilleur rendement énergétique », confiait Patrick Durand, coprésident de la Commission environnement de la Société des agriculteurs de France lors d’un colloque sur les biotechnologies végétales organisé par la Saf le 20 septembre à Paris. Ces variétés relevant pour l’instant de la science fiction pourraient voir le jour grâce aux biotechnologies végétales et en particulier grâce à la connaissance du génome des plantes. Si celui du maïs a déjà été intégralement séquencé en novembre 2009, celui du blé, première céréale consommée dans le monde, suscite bien des convoitises. Le manque d’intérêt passé d’une grande partie de la recherche privée et l’ampleur du travail nécessaire pour dresser la carte génétique de la graminée ont considérablement limité les progrès variétaux par rapport au maïs et au soja. Leurs surfaces ont d’ailleurs fortement progressé dans le monde au détriment du blé, traduisant en partie les progrès permis par la biotechnologie et notamment les OGM, pour l’instant absent en blé. Une situation amenée à évoluer au regard des décisions prises par le G20 agricole et la recherche publique française, soutenus par les entreprises privées.
Le séquençage du blé pourrait être une réalité d’ici 3 ans, selon Catherine Feuillet
Parmi les 5 mesures prises lors de la signature de l’accord du G20 agricole figure la recherche agricole et notamment le séquençage du blé, dont les efforts de recherche sont en très nette perte de vitesse au profit d’autres espèces jugées plus rentables. Les rendements en blé stagnent dans le monde depuis le milieu des années 90, mais pas uniquement à cause du retrait de la recherche. « Le progrès génétique a été continu mais les incidents climatiques de plus en plus violents et fréquents expliquent la stagnation observée. Il faut intégrer le réchauffement du climat dans nos recherches », explique Catherine Feuillet, directrice de recherche à l’Inra Clermont- Ferrand. « Mais il manque une pièce essentielle : la séquence du génome du blé qui comporte environ 90.000 gênes », ajoute t-elle. Un travail considérable pour les chercheurs puisque, à titre de comparaison, « la taille du génome du maïs correspond à la distance Paris-Strasbourg quand celui du blé représente Paris-Melbourne ! » Pour la chercheuse française le séquençage du génome du blé « pourrait être achevé d’ici trois ans si tous les moyens sont là ».
L’idée générale de ce projet international est de faire progresser plus rapidement la recherche variétale sur le blé en mettant en commun toutes les forces scientifiques des pays participants. « La communauté scientifique internationale n’a aucun problème avec l’idée de travailler ensemble, car nous connaissons tous l’ampleur du travail », assure Catherine Feuillet. Concernant l’accès aux ressources scientifiques, « la séquence brute du blé sera disponible pour tous, mais certains marqueurs seront codés et ne seront accessibles que par certaines sociétés privées, notamment celles qui participent déjà activement aux recherches », précise Catherine Feuillet.
Breedwheat, un projet global pour doper la recherche française sur le blé
Le 29 septembre dernier, c’est le programme Breedwheat, une initiative française de l’Inra, qui a été lancé, avec Catherine Feuillet à ses commandes. Il s’agit du premier projet d’investissement d’avenir de la catégorie “Biotechnologie Bioressources”. Breedwheat, auquel participe également le secteur privé*, entend « lever des verrous scientifiques et technologiques qui ont jusqu’à présent empêché le développement d’outils performants pour la sélection moléculaire ainsi que l’exploitation efficace des ressources génétiques en amélioration » selon l’Inra. Avec un budget de 34 M€ sur neuf ans dont 9 M€ attribués par l’Agence nationale de la recherche, Breedwheat a pour ambition « de renforcer la compétitivité de la filière de sélection et de production du blé en France ». Les recherches concerneront en priorité l’amélioration du rendement, la tolérance aux stress (insectes, maladies, sécheresse...) et la qualité du blé. Le pôle de compétitivité, Céréales Vallée en Auvergne, a en charge la diffusion des résultats et la formation du projet Breedwheat.
* 26 partenaires dont 15 unités de recherche (Inra, universités...) et 11 industriels, à savoir : Arvalis-Institut du végétal, RAGT, Bioplante, Biogemma, Limagrain Europe, Syngenta, Agri Obtention SA, Momont, Caussade Semences, Bayer SAS-Bayer CropScience et Secobra Recherches.