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Mer Noire
La Russie et l’Ukraine : des diamants bruts à polir !

Port d'Odessa en Ukraine.
© Nicole Ouvrard

Si la France rivalise encore avec l’Ukraine et la Russie sur les marchés mondiaux des grains, c’est par sa capacité à charger à bas coût sa marchandise sur ses bateaux depuis ses ports, à seulement 7 $/t environ actuellement. Ces coûts d’élévation (ou fobbing) atteignent 11-15 $/t en Ukraine et à 20-22 $/t en Russie dans les ports de la mer Noire, selon les données collectées auprès de divers analystes. Mais ces coûts ont régressé depuis une dizaine d’années, du fait d’une modernisation des ports et d’un accroissement des capacités d’exportation dans ces pays, ce qui n’est pas pour rassurer les exportateurs français (cf. graphique 1).

« Les coûts d’élévation étaient de 20 $/t en Ukraine sur la mer Noire il y a quelques années. Puis, ils sont descendus à 17 $/t, 15 $/t, 11 $/t... », constate Maria Mozgovaya, trader chez Louis Dreyfus Company (LDC). Le constat est similaire sur la mer d’Azov (où la Russie et l’Ukraine disposent de terminaux portuaires), s’élevant à seulement 11-13 $/t, contre 15-20 $/t il y a quelques années. « Bunge, Olam, Cargill ont acheté des silos portuaires. […] Il y a plus de cellules et les bateaux sont de petite taille sur la mer d’Azov, augmentant le taux de fret », complète Swithun Still, dirigeant du cabinet de trading Solaris. Sans oublier LDC, qui a construit un terminal dans le port d’Azov. Cette mer d’Azov reste néanmoins capricieuse, sujette aux gelées. De fortes fluctuations des coûts de fobbing en cours de saison sont rapportées. « On paye plus en début de saison lors de la récolte, et moins en fin de campagne, parfois moitié prix (soit 5-7 $/t) », précise l’expert de Solaris.

Plus de concurrence entre les ports ukrainiens

La concurrence entre les ports s’est accrue ces dernières années en Ukraine, justifiant le repli du coût d’élévation. On décompte ceux d’Ilyichevsk (cf. graphique 2), capable d’exporter 8 Mt/an de grains environ, d’Odessa (9 Mt/an), de Mykolaïv (12-13 Mt/an) et de Yuzhny (9,6 Mt/an). Nombreux sont les opérateurs nationaux et étrangers dans ces sites : Cargill, Louis Dreyfus Company, Glencore, Soufflet, Nibulon, Noble… « Il y a un surplus de capacité des silos portuaires en Ukraine », signale Swithun Still, qui n’existait pas avant.


L’ERBD en soutien de la logistique ukrainienne

Des investissements étrangers et nationaux massifs sont survenus ces dix dernières années dans les ports ukrainiens, avec l’aide notamment de l’ERBD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement), dont l’Union européenne et la France sont actionnaires. À titre d’exemple, on citera l’annonce d’un prêt de 50 M$ en février 2018 au groupe Nibulon, pour moderniser les infrastructures portuaires de Mykolaïv.

MV Cargo et Cargill travaillent sur la construction d’un nouveau terminal portuaire dans le site de Yuzhny, d’une capacité de 5 Mt/an, pour un montant de 150 M$, qui devrait être opérationnel durant le printemps 2018, incluant là aussi une participation de l’ERBD.


L’ogre Novorossiisk

En Russie, si la réduction des coûts de fobbing sur les ports de la mer Noire est palpable, ils restent supérieurs à ceux observés en Ukraine (cf. graphique 1). « Il y a moins de ports et d’opérateurs en Russie, donc moins de concurrence, alors que la demande est importante », commente Swithun Still. Le site portuaire de Novorossiisk (14 Mt de grains exportés par an) aspire l’essentiel des marchandises partant à l’export, ne laissant que des miettes aux autres basés aux alentours, tels que ceux de Taman (4,5 Mt/an) et de Tuapsé (2 Mt/an). Deux opérateurs, Summa et Transneft, se partagent deux des trois terminaux portuaires du site de Novorossiisk : les terminaux NKHP (le plus ancien), et NGT. Le plus récent, KSK, appartient au groupe russe Delo (à hauteur de 75%) et au groupe Cargill (25%).

Modernisation et construction de terminaux portuaires en Russie

Mais les Russes font des progrès notables (cf. graphique 3), et la tendance actuelle est plutôt à la hausse des capacités d’exportation de grains et à la baisse des coûts du fobbing. « En 2008, la Russie pouvait potentiellement exporter 45 Mt de grains au maximum. En 2018, on aurait pu atteindre les 60 Mt, sans les soucis de logistique intérieurs », explique Swithun Still. « De nombreux projets de modernisation sur les ports russes ont émergé ces trois dernières années. Les investissements sont faits presque intégralement par le secteur privé, et 70 % environ de compagnies russes », ajoute Dmitry Rylko, dirigeant du cabinet Ikar. Citons la construction en cours d’un deuxième silo à Taman, à côté de celui de Glencore, qui devrait entrer en service dans les trois à cinq ans, d’après Swithun Still. « Louis Dreyfus Company a une participation dans ce projet », précise Maria Mozgovaya.

Le terminal NKHP devrait encore prendre de l’importance. L’objectif du gouvernement russe est de pouvoir exporter 10 Mt depuis ce site en 2018, contre 6 Mt actuellement. « Mi-2018 est une date optimiste, le projet se terminerait plutôt mi-2019 », tempère la trader de Louis Dreyfus Company, pour qui, « lorsque tous ces projets seront terminés, la concurrence entre les ports progressera encore, tout comme leurs capacités d’exportation, et les coûts de fobbing pourraient encore baisser ». Cette dernière projette les exportations russes de blé tendre et de maïs à respectivement 47 Mt et 7,4 Mt en 2026, contre 37 Mt et 5,8 Mt en 2018.
 

 

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