Semences : la France pourrait perdre sa position de premier exportateur
Lors de sa conférence de presse annuelle, l’UFS (Union française des semenciers) a fait part de son inquiétude quant aux débouchés à l’exportation de la France sur le secteur des semences.
Lors de sa conférence de presse annuelle, l’UFS (Union française des semenciers) a fait part de son inquiétude quant aux débouchés à l’exportation de la France sur le secteur des semences.
« La France a été le premier exportateur mondial de semences en 2023-2024. Nous restons fiers de cette position, mais celle-ci n’en demeure pas moins sérieusement menacée », a déclaré Olivier Paul, président de l’UFS (Union française des semenciers) lors de la conférence de presse annuelle de l’organisation le 5 novembre dernier. Pour celui-ci, la suppression du débouché russe avec les mesures commerciales liées à la guerre en Ukraine a porté un coup dur aux exportations françaises de semences, et ce tandis que la Russie investit massivement dans la génétique végétale.
Les exportations françaises de semences progressent en valeur
Les premières espèces exportées par la France sont le maïs, les plantes potagères et les oléagineux. En 2023-2024, le chiffre d’affaires réalisé à l’exportation par la filière semences et plants a atteint 2,3 milliards d’euros. « Celui-ci a progressé de 50 % sur les dix dernières années », se félicite Rémi Bastien, vice-président de l’UFS.
2,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour la filière semences et plants en 2023-2024
La majeure partie a été réalisée sur l’Union européenne (72 % du chiffre d’affaires). « La hausse des exportations en valeur est liée à l’inflation », explique le vice-président de l’UFS.
Recul des exportations de 7 % vers la Russie
Des quotas d’importation de semences ferment le marché russe
La Russie a été la première destination hors Union européenne des semences françaises, mais les flux sont en net retrait de 7 % d’un an sur l’autre. « Les exportations françaises de semences vers la Russie sont passées de 195 millions d’euros en 2021-2022 à 160 millions d'euros en 2023-2024, et devraient encore baisser en 2024-2025 », détaille Rémi Bastien.
« La Russie n’est désormais plus accessible » Olivier Paul, président de l'UFS
Le pays a en effet instauré des quotas d’importation de semences après la mise en place des sanctions européennes, afin de favoriser la production locale de semences. « Sur l’année à venir, il y a un quota de seulement 300 t en maïs waxy et 500 t en tournesol oléique, au même niveau que l’an passé. Autant dire que la Russie n’est désormais plus accessible », s’inquiète Olivier Paul.
La semence, nouvel enjeu stratégique pour la Russie
La Russie a pour objectif d’atteindre les 75 % de semences russes à horizon 2030, un objectif fixé par Vladimir Poutine. « Des programmes massifs de subvention de la recherche avec des zones dédiées ont été mis en place, avec d’ores et déjà des résultats : la part de semences russes est de 76 % en maïs actuellement et de 69 % en oléagineux », explique le président de l’UFS. L’enjeu pour la Russie est ainsi l’autosuffisance en semences par le développement de sa propre génétique, dont la relative pauvreté est compensée par la hausse des surfaces.
La France fragilisée sur un marché des semences de plus en plus concurrentiel
La géopolitique réduit les débouchés en Afrique
Si l’on passe en revue les différents importateurs de semences françaises hors Union européenne, l’Afrique arrive en deuxième position derrière la Russie. « De nombreux pays souhaitent réduire leur dépendance aux importations de céréales et deviennent ainsi importateurs de semences », note Olivier Paul. Or la froideur des relations diplomatiques franco-algériennes se ressent aussi sur le secteur des semences.
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Les semences françaises sont refoulées. « J’ai répondu à un appel d’offres algérien pour Lidéa. Quand il a été mention de semences françaises, l’appel d’offres a été relancé et nous avons dû proposer d’autres origines européennes, qui ont cette fois été acceptées », raconte Olivier Paul.
Sur le continent africain, les luttes d’influence entre la Russie, la Chine et la France compliquent également la situation. « L’Afrique est un enjeu pour nous et pourrait devenir un levier de croissance dans les années à venir », espère tout de même le président de l’UFS.
L’Ukraine est devenue une concurrente de la France en Europe
L’UFS signale également que la balance commerciale des semences et plants entre la France et l’Ukraine est désormais proche de l’équilibre. L’Ukraine est ainsi devenue exportatrice de semences de maïs alors qu’elle était historiquement importatrice. À la différence de la Russie, la génétique n’est pas locale, les pays de l’Est ayant d’ailleurs constitué un important relai de croissance pour les entreprises françaises.
« Il n’y a rien à reprocher sur la qualité aux semences produites en Ukraine », signale Olivier Paul. Les prix des graines ukrainiennes sont également compétitifs, avec 30 à 50 % d’écart avec la production française. Seule lueur d’espoir, la mauvaise récolte ukrainienne en tournesol qui pourrait représenter une opportunité d’exportation pour la France sur l’année 2025-2026.
Les taxes à l’importation des États-Unis pèsent aussi sur les entreprises françaises de semences
La France est peu présente à l’exportation sur le débouché nord-américain, marché déjà mature. Cependant, de nombreux semenciers français produisent aux États-Unis des semences ensuite transformées dans l’Union européenne. Les États-Unis importent également des volumes en tournesol. « Pour l’instant, il y a une taxe à l'aller sur les produits à destination des États-Unis (15 % et 10 % supplémentaires) mais pas de taxe au retour », explique Olivier Paul.
Si l’on observe les différents débouchés possibles des semences françaises, force est de constater que l’avenir n’est pas rose pour la filière tricolore. Avec le débouché russe désormais fermé, les enjeux spécifiques de l’Afrique en termes d’espèces (sorgho, tournesol) et d’adaptation aux conditions pédoclimatiques, la montée en puissance de la concurrence ukrainienne, la maturité du marché en Amérique du Nord et les défis génétiques qui ferment le marché sud-américain, la France manque de perspectives. « Les leviers de croissance sont éteints, et on se dirige plutôt vers la décroissance », s’alarme Olivier Paul.