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Marché à terme
La bourse de Chicago étend son activité aux marchés d’Europe de l’Est

Si le lancement d’un nouveau contrat blé mer Noire pourrait servir une plus grande transparence, sa réussite reste incertaine.

Le 18 avril 2012, le CME annonçait le lancement d’un contrat à terme blé tendre mer Noire qui prendra effet le 6 juin prochain. Cette opération traduit la volonté de la bourse de Chicago de se développer sur les marchés d’Europe de l’Est. Soumis aux règles et à la régulation du CBOT, le contrat sera libellé en dollar et traitera le volume référence de 136 tonnes (5.000 boisseaux). Les cotations concerneront plusieurs échéances de livraison à partir de juillet 2012, livraisons qui pourront avoir lieu dans six ports, répartis en Ukraine, Russie et Roumanie.

Un outil alléchant sur le papier
Ce nouveau contrat à terme blé mer Noire qui permettra pour la première fois aux opérateurs régionaux de pouvoir suivre les prix en temps réel, devrait les aider à la gestion des risques. Le but affiché du CME est qu’il devienne une référence mondiale dans la cotation du blé meunier. Le groupe table notamment sur l’intérêt que cela peut susciter pour les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, qui font partie des grands importateurs de céréales. Le GASC (Autorité générale de l’approvisionnement en produits de base d’Égypte) suivrait déjà de très près les marchés à terme. Si le projet ne date pas d’hier, son chemin n’en reste pas moins pavé d’obstacles.

Le problème de la régularité de l’offre
Le plus grand défi que le CME aura à relever pour assurer la légitimité de ses contrats, réside dans l’irrégularité de l’offre zone mer Noire. A certains moments, la production peut submerger le marché mondial et à d’autres le tendre en raison de restrictions à l’exportation et d’une irrégularité dans la qualité des grains. Les opérateurs se souviennent notamment de l’embargo russe sur les exportations de céréales lors de la campagne 2010/2011, après que le pays ait subi un important épisode de sécheresse. Ce genre de mesure est impensable aux États-Unis, et pourrait menacer la viabilité du nouveau contrat. Certains analystes considèrent cet environnement très instable. Au cours de la 9e conférence internationale “Black Sea Grain 2012” qui se tenait à Kiev les 18 et 19 avril, Elena Patimova, manager chez NyseLiffe, a d’ailleurs déclaré qu’une des conditions nécessaires au bon fonctionnement du marché de produits dérivés – soit la non-interférence de l’État sur les marchés physiques – n’était pas remplie en Ukraine, et rendait donc l’utilisation de contrats à terme impossible. Il ne faut pas oublier qu’en plus des prix physiques de la région, les contrats devront prendre en compte les pratiques de livraison locales, ainsi que les risques inhérents à la zone comme le climat.

Risque d’un intérêt limité des opérateurs
Si l’arrivée de ces contrats sera sans doute saluée par de nombreuses personnes ravies d’avoir accès à des prix en continu, il peut tout de même se poser la question du nombre d’investisseurs potentiels. Certains grands groupes qui opèrent sur les marchés locaux sont déjà familiarisés avec les marchés à terme et ont tendance à se couvrir sur Euronext. C’est ce que rappelle Jean-Loïc Bégué-Turon, responsable des marchés dérivés chez InVivo : « Compte tenu de notre portefeuille de clients, nous nous couvrons principalement sur Euronext mais également un peu sur Chicago. Nous nous sentons peu concernés aujourd’hui car notre première mission est de défendre l’origine blé française, mais nous voyons d’un bon œil toute création de contrat. » De façon générale, ce nouveau contrat ne représente pas une concurrence, car le groupe coopératif agricole s’occupe principalement de flux physiques. Agrogénération, qui détient notamment 51.000 ha en Ukraine, utilise assez peu les contrats Futures, et traitent beaucoup plus sur les marchés de gré à gré, à travers les options. Néanmoins, « si ce nouvel instrument permet de faire baisser la volatilité sur les marchés, cela aura un impact positif, car nous pourrons bénéficier d’un meilleur pricing de nos partenaires », confient Charles Beigbeder et Charles Vilgrain, fondateurs de la société. Sur le principe, c’est quelque chose qu’ils encouragent.

Une longue mise en place
En revanche, les grandes sociétés internationales de grains pourraient être moins enthousiastes car le manque de transparence peut parfois être tourné à leur avantage pour accroître leurs marges. « On attend de voir si le lancement sera réussi parce qu’il y a beaucoup de contrats à terme qui se créent, mais il faut qu’une transparence des prix soit voulue de la part des opérateurs », confirme Jean-Loïc Bégué-Turon. « Le contrat à terme blé meunier d’Euronext ne fonctionne réellement que depuis trois ans et il n’est pas encore assez liquide ». Et Charles Beigbeder de renchérir qu’« il faudra quelques années avant que le contrat blé mer Noire soit fluide ». Il faut s’interroger sur l’impact qu’aura le contrat sur les volumes échangés sur Euronext.
La zone mer Noire a le vent en poupe puisqu’un contrat à terme maïs mer Noire pourrait également être lancé prochainement, selon la lettre hebdomadaire de l’AGPM (Assemblée Générale des Producteurs de Maïs) du 23 avril.

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