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A J+2 après le retrait de la Russie de l’initiative grain en mer Noire, les positions se précisent

Président ukrainien et président de l’association des grains ukrainien, Russes – très actifs à l’international, Union africaine et première analyse économique en revue.  

Nicolaï Gorbatchev, président de l'Association ukrainienne des grains (ici lors de sa réélection en 2021 comme président, 4è en partant de la gauche) s'est exprimé sur CNN Tonight sur les suites possibles de l'accord Initiative grain en mer Noire.
© UGA

Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux mardi 18 juillet, Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, a réaffirmé avec force l’envie et la volonté de son pays à poursuivre l’accord Initiative grain en mer Noire, ou « un accord similaire », « avec ou sans la Russie ». Il a rappelé qu’il pourrait s’agir d’un accord tripartite entre l’Ukraine, la Turquie et les Nations-Unies et que l’accord « demeure valide ». Le président ukrainien a aussi indiqué qu’il avait envoyé un courrier au président turc et au secrétaire général des Nations-Unies pour travailler sur une nouvelle forme d’accord car « l’Ukraine, la Turquie et les Nations-Unies ont la capacité d’assurer les opérations dans le corridor et l’inspection des bateaux ».

Lire aussi : Le port d'Odessa attaqué par les Russes

Réplique immédiate de la Russie, sur le registre de l’argumentation sécuritaire : l'expiration de l'accord céréalier entraîne « le retrait des garanties de sécurité » pour l'exportation des céréales ukrainiennes en mer Noire, a indiqué mardi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe, lors d'un échange téléphonique avec son homologue turc, Hakan Fidan. « Concrètement, cela signifie le retrait des garanties de sécurité de la navigation et le rétablissement d'une zone temporairement dangereuse au nord-ouest de la mer Noire » ainsi que la « dissolution du Centre conjoint de coordination à Istanbul » mis en place par les Nations-Unies et qui permettait de mesurer l’efficacité de l’accord (bateaux entrants et sortants, matières premières concernées, volumes, destination…). Et devant la presse,Dimitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a précisé que « si quelque chose doit être élaboré sans la Russie, ces risques doivent être pris en compte ». Des affirmations « illustrées » par des frappes nocturnes de la part des Russes sur certaines installations portuaires d’Odessa et de Mykolaïv (une frappe de « représailles » qui a permis de détruire selon le porte-parole russe « les installations où des actes terroristes contre la Russie étaient préparés en utilisant des drones navals »).

Lire aussi : Prix des céréales : quel impact suite au retrait de la RUssie de l'accord grain en mer Noire

De son côté, Nicolaï Gorbatchev, président de l’Association ukrainienne des grains (UGA), était l’invité de l’émission CNN Tonight le 17 juillet (https://www.youtube.com/watch?v=JBoHIUsJTAM). Selon lui, la possibilité de faire vivre l’accord évoqué par le président de son pays est réelle mais cela nécessitera l’implication de certains acteurs pour garantir la sécurité et le bon acheminement des matières premières convoyées. Et de citer notamment le rôle de la flotte de bateaux turque, de l’armée ukrainienne, de la communauté internationale ou encore des assureurs internationaux. « A court terme, on pourrait voir apparaître une certaine inflation alimentaire et la communauté internationale doit trouver les leviers pour poursuivre les exportations de grains ukrainiens. Mais si on ne trouve pas le moyen le moins cher pour exporter la production, l’Ukraine pourrait réduire sa production et cela renchérira le coût de la logistique à l’international. L’idéal serait de trouver une fenêtre pour redémarrer les exportations par voie maritime dans les deux à trois semaines à venir. En attendant, on peut renforcer les transports par le Danube et les voies alternatives » a expliqué Nicolaï Gorbatchev.  

L’Afrique inquiète et la Russie active sur la scène internationale

Par ailleurs, c’est du côté de l’Afrique que l’on commence à s’inquiéter particulièrement des effets court, moyen et long terme de la suspension, voire de l’arrêt, de l’accord. Même s’ils avancent des explications (fortes pluies, préservation des stocks) qui n’ont rien à voir avec la décision russe sur l’Initiative grain en mer Noire, plusieurs pays (Côte d’Ivoire, Guinée…) ont déjà commencé à limiter leurs exportations de matières premières agricoles.

Lire aussi : Quelles réactions suite à la suspension de l'accord grain en mer Noire de la part de Russie

Pour sa part, l'Union africaine (UA) a déclaré mardi, via Twitter et à travers la voix du président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamatmardi : « Je regrette la suspension de l'Initiative céréalière de la mer Noire, que l'Union africaine avait soutenue très tôt. J'exhorte les parties prenantes à résoudre les problèmes pour permettre la reprise du passage continu et sécurisé des céréales et engrais d'Ukraine et de Russie vers les régions qui en ont besoin, notamment l'Afrique ».

Le continent redoute une nouvelle flambée des prix et de nouvelles difficultés à s’approvisionner en céréales, en cas d’arrêt de l’accord alors même que ce dernier, s’il avait limité les hausses, ne les avait pas complètement jugulées non plus d’après certains observateurs des économies africaines. Les mêmes relancent à nouveau le débat sur la dépendance de l’Afrique aux importations de matières premières céréalières et oléagineuses.

Une inquiétude qui n’a pas échappé à Moscou : Dimitri Peskov a assuré que Moscou se tenait « sans aucun doute » prêt à exporter ses céréales gratuitement aux pays africains qui en ont le plus besoin, ajoutant que cette proposition sera notamment discutée avec les partenaires africains du Kremlin lors du prochain sommet Russie-Afrique prévu fin juillet à Saint-Pétersbourg.

La Russie a aussi fait savoir qu’elle pourrait aussi lever certaines taxes à l’exportation sur des produits (par amendement de sa loi sur le commerce extérieur) comme les céréales, les graines oléagineuses et les huiles végétales à destination des « pays amis » ou « demeurés neutre lors de l’invasion de l’Ukraine », typiquement l’Egypte ou encore l’Inde, selon FastMarkets Agricensus, qui rappelle au passage que les quatre destinations les plus importantes de la Russie pour ses produits agricoles en 2022/2023 étaient la Turquie, l’Egypte, l’Iran et l’Arabie Saoudite.

Analyse macroéconomique

Selon une note spéciale consacrée à la suspension de l’accord Initiative grain en mer Noire publiée le 18 juillet, le cabinet spécialisé en analyse prévisions économiques et en économétrie indépendant Oxford Economics, « la décision de la Russie de se retirer de l'Initiative céréalière de la mer Noire pourrait réduire les exportations céréalières de l'Ukraine de 2 millions de tonnes supplémentaires par rapport aux niveaux de juin. Combiné aux effets antérieurs des retards d'inspection de la Russie et des interdictions des économies des pays d’Europe centrale et orientale d'importer des céréales d'Ukraine, nous estimons que les exportations totales de céréales de l'Ukraine diminueront de moitié entre juillet et août par rapport aux niveaux record observés en mars. La réaction du marché a été modérée … Cela est probablement dû au fait que les marchés avaient déjà intégré les effets des retards d'inspection russes … et les attentes selon lesquelles la sortie de la Russie serait temporaire. Nous pensons que la Russie pourrait revenir sur sa décision. La Russie pourrait essayer d'obtenir de nouvelles concessions de l'Occident avant de réintégrer l'accord. La Turquie et la Chine, partenaires géopolitiques et commerciaux cruciaux de la Russie sous les sanctions occidentales, ont été les principaux bénéficiaires de l'accord et feront probablement pression sur la Russie pour qu'elle revienne à l'accord ».

Enfin, le président français s’est à nouveau exprimé sur cette problématique des exportations céréalières mer Noire et de la position du président russe : « Il a décidé de faire de la nourriture une arme (...) Je pense que c'est une énorme erreur », a déclaré Emmanuel Macron, en anglais, à l'issue d'un sommet à Bruxelles entre les dirigeants des pays de l'Union européenne et d'Amérique latine. L’AFP rapporte également que le président français a précisé que « les routes terrestres que nous Européens avons su sécuriser depuis le début de la crise, qui d'ores et déjà représentaient 60% du transit et de la sortie de céréales, sont importantes et nous allons continuer notre effort ».

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