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Gouvernance mondiale
« Il n’y a aucune organisation mondiale compétente pour l’Agriculture »

Le Mouvement pour une Organisation Mondiale de l’Agriculture nous répond

La Dépêche - Le Petit Meunier : Au début du mois de juillet, le Momagri a présenté 10 propositions pour une politique agricole et alimentaire internationale, parmi lesquels l’utilisation du modèle Momagri, où en est cet outil et a-t-il déjà fait ses preuves ?

Jacques Carles, délégué général de Momagri : Ce modèle est un instrument de simulation unique au monde. Sa partie centrale est terminée, ce qui nous permet déjà de faire des simulations d’évolution des prix. Le 9 avril, à Bruxelles, nous avons montré que l’évolution allait continuer à être très chaotique, et d’autant plus s’il y avait une libéralisation des marchés agricoles sans garde fou. Par exemple, on voit que si on libéralisait complètement les marchés agricoles, les prix feraient le yoyo tous les ans dans des proportions très vastes avec des pics très importants. Donc la vision selon laquelle les prix vont rester élevés durablement, et qui fonde d’ailleurs les hypothèses du bilan de santé de la Pac, est complètement fausse. C’est vrai qu’on le dit depuis longtemps, mais grâce à ce modèle, nous évaluons le futur de manière plus rationnelle. Cet outil a permis de faire des prévisions qui se vérifient aujourd’hui, mais que peu avait prédit à l’époque, comme en avril avec les céréales ou les produits laitiers qui étaient fermement orientés. Et surtout, on explique pourquoi on arrive à ces résultats, notamment grâce à l’intégration des anticipations des agriculteurs et surtout une approche de la spéculation que personne n’avait jusqu’ici. La théorie économique classique reprise par les politiques est que la spéculation tend finalement à corriger les marchés. Nous avons démontré que la spéculation financière aggravait la volatilité. Nous avons envoyé notre économiste au Chicago mercantile exchange pour savoir quelle était la part des contrats à terme sans bouclages physiques. Ces derniers, purement spéculatifs, représentent 95 à 98%. Ce qui veut dire que la spéculation est rentrée en masse dans les marchés agricoles. Les matières premières agricoles, depuis 2004/2005 de manière continue, voient leur prix évoluer avec une tendance spéculative de plus en plus forte. Personne ne considérait que c’était perturbateur…jusqu’à la crise alimentaire. Et, là dessus aussi, dès l’année dernière, il y avait, sur notre site, des articles où nous tirions la sonnette d’alarme, car quand les prix font trop le yoyo, les émeutes de la faim ne sont pas loin.

LD-LM : Dans vos propositions, il est question de prix d’équilibre, qui les définirait et dans quel objectif ?

J. C. : Le prix d'équilibre serait défini par la future organisation mondiale de l'Agriculture, dont on propose la création. Cette instance se réunirait régulièrement, à partir de moyens provenant de la banque mondiale, de la FAO, de l’OMC ou d’ailleurs car il n’y a aucune organisation internationale compétente pour l’agriculture. Où est le prix mondial ? Notre économiste à coutûme de dire qu’il n’y en a pas, qu’il varie tous les jours et, que ce n’est pas avec les 5 à 10 % de la production mondiale échangée que l’on va établir ce prix , d’autant que certaines bourses sont soumises tous les jours à la spéculation. Il faut donc une référence qui corresponde à une rémunération équitable des producteurs et soit acceptable pour le consommateur. Il ne s’agit pas non plus d’en faire une obligation mais bien d’établir une référence,et de manière différenciée par zones économiques. Quand on se situe en Afrique ou en Europe, les enjeux sont différents tant au niveau de la consommation que de la production. Donc il y aurait plusieurs prix d’équilibre. Et autour de ces prix, il y aurait des zones de fluctuations libres dans lesquelles on demanderait aux états membres de n’appliquer aucune aides à la production. Il pourrait y avoir des mesures d’aides environnementales, en terme de sécurité ou de constitution de stocks par exemple. Tout ce qui serait soutien interne en dehors de ces aides là serait complètement banni. Ainsi d’ailleurs que toute aide à l’exportation ou tout prélèvement dans cette zone de fluctuation libre des prix. Lorsque les prix sortiraient de cette zone de variation, l’Oma serait alertée, et convoquerait les états pour définir les mesures d’intervention à prendre pour que les prix reviennent dans la zones de fluctuation libre.

LD-LM : Comment est acceuillie la création de l’Oma par l’OMC, et plus particulièrement par Pascal Lamy ?

J. C. : Il nous voit un peu comme des empêcheurs de tourner en rond. Pascal Lamy a un mandat officiel pour l’OMC alors que nous sommes une organisation privée qui commence à être écoutée un peu partout. Nous avons des contacts avec son cabinet. Nous savons que l'OMC n'a aucun outil de mesure si ce n'est ceux des pays membres de l'OMC. Elle cherche à trouver des solutions négociées alors même qu'elle n'a pas de base d'évaluation propre. Au final, l’OMC fait confiance à des instituts comme l'Ifpri, qui considère que l'ultra-libéralisme est la meilleure des choses. La vision est donc très idéologique. Et de voir que ce sont de jeunes économistes de l'Ifpri qui dictent à l'OMC les chiffres sur lesquelles sont basées les négociations est effarant. Les émeutes de la faim vont totalement dans notre sens, même si Pascal Lamy dit qu'une libéralisation du commerce agricole résoudrait le problème, mais il ne le prouve pas. Alors que nous démontrons l'inverse. La crise alimentaire a été une lumière rouge qui s'est allumée. Mais avant que les discours convenus changent, il faut encore du temps.

LD-LM : Quel est l’avenir du Momagri ?

J. C. : D’abord, il faut finaliser le modèle. Début 2009, nous allons organiser un workshop qui fera venir des économistes qui comptent dans l'agriculture, dans les domaines financiers et des risques, afin de valider le modèle de référence. Ensuite, nous allons travailler avec la Commission européenne sur les futures perspectives budgétaires. Nous avons rencontré la Commissaire au budget qui est extrêmement intéressée par notre approche et qui s’est dite prête à collaborer avec nous. Elle nous a demandé de travailler dans le cadre du projet de livre blanc sur les perspectives budgétaires de l'Europe à l'horizon de quinze ans à venir. Plus généralement, on entre en scène comme un acteur doté d'un outil utile, qui va influencer les courants de réflexion sur l'avenir des organisations internationales en matières agricoles, de développement et d'environnement.

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