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Présidentielle 2012 : les réponses des candidats
« Il faut sortir l’agriculture des marchés à terme »

Quelles sont vos propositions pour rendre l’agriculture plus compétitive ?
Marine Le Pen : En rentrant dans ce Salon de l’agriculture (ndlr : contrairement aux autres candidats, Marine Le Pen n’a pas souhaité nous accorder d’interview particulière. Ces réponses ont été reccueillies lors de son passage au Sia, le 3 mars dernier), j’ai dit qu’il fallait ouvrir les cahiers de doléances. Car la réalité est que l’agriculture française est aujourd’hui confrontée à des problèmes récurrents. Alors, effectivement, de temps en temps, ça s’améliore un peu, mais pas au point de permettre à M. Le Maire de se réjouir de l’augmentation des revenus des agriculteurs. Toutes les filières ont des difficultés, toutes, sans exception. Et l’immense majorité de ces difficultés est liée aux injonctions de l’OMC auxquelles se soumettent l’UMP et le gouvernement, et qui consistent à la dérégulation totale de l’agriculture, la mise en concurrence déloyale, l’absence de protection de nos filières, et la soumission de celles-ci à des prix qui sont fixés par les marchés. C’est un véritable scandale puisqu’en réalité les marchés de matières premières sont des marchés, dont les prix sont fixés sur les excédents et sur la spéculation. Aujourd’hui, entre la grande distribution et la dérégulation imposée par l’Union européenne, les agriculteurs sont dans une situation extrêmement inquiétante. Alors, quand on a fait ce constat-là, on sait exactement ce qu’il faut faire. Il faut protéger les producteurs contre la grande distribution qui achète les produits à un prix dérisoire et les revend en faisant une marge complètement indigne. Si on veut préserver une agriculture en France, on devra trouver des réponses, et des réponses d’autorité.

Comment faire ? Faut-il fermer les frontières ?
M. L. P. : Non, on ne ferme pas les frontières. Le problème n’est pas là. D’abord, il faut arrêter de se plier au traité européen qui nous oblige à nous soumettre à la concurrence déloyale. Ensuite, il faut permettre aux organisations de producteurs et d’éleveurs de fixer les prix avec les interprofessions. Et ne pas autoriser le marché à fixer ces prix. Ceci permettra de donner aux agriculteurs un revenu correct. Parce qu’aujourd’hui, le revenu des agriculteurs est extrêmement bas, comme les retraites. Non seulement le gouvernement a supprimé aux agriculteurs des revenus corrects, mais il est en train de supprimer leur liberté. Le gouvernement, avec de l’aide de l’OMC et de l’Union européenne, pousse à l’hyperconcentration. C’est une absurdité. On prend comme modèle des kolkhozes ultra-libéraux ukrainiens, qui ont remplacé les kolkhozes communistes. Çe n’est pas cela que nous souhaitons. Nous voulons la défense des exploitations familiales, pas seulement parce qu’elles sont synonymes de qualité et de sécurité, mais aussi parce qu’elles sont synonymes de liberté. Or, moi, je veux rendre aux agriculteurs non seulement leurs revenus, mais également leur liberté. Notamment leur liberté dans le cadre de la fixation des prix, ce qui n’est plus possible compte tenu de la prison dans laquelle on les a enfermés. Les producteurs de fruits et de légumes ont des problèmes, les producteurs de viande ont des problèmes, l’élevage de montagne a des problèmes ... Y’a-t-il un seul secteur dans lequel les choses se portent bien ? S’il y en a qui se porte bien, c’est la grande distribution.

Comment empêcherez-vous les industriels d’importer des produits moins chers ?
M. L. P. : Je mettrai en place un protectionnisme économique, c’est-à-dire des protections intelligentes aux frontières pour renforcer la compétitivité des produits français  par rapport aux produits importés. Et j’attire quand même l’attention des consommateurs. Parce que les importations de produits à tout va, c’est aussi un danger sanitaire. Il faut maintenant le dire. On ne peut pas dans le même temps refuser les OGM et importer massivement du soja argentin ou brésilien pour nourrir nos bêtes. Ça n’a évidemment ni queue, ni tête. Et on ne sait pas en réalité dans quelles conditions sont élevés une grande partie des produits qui sont importés. Alors, il va falloir de la qualité, mais pour ça il faut la reconnaître en mettant à plat tout ce qui concerne les labels et arrêter de permettre à un certain nombre d’industriels d’utiliser des labels terroirs. La grande mode était de faire du green-washing, maintenant on fait du terroir-washing. Tout le monde fait du terroir, mais on s’aperçoit que ce ne sont pas du tout des produits du terroir, ce sont des produits bassement industriels. Donc rendons au terroir sa qualité. Il faut rendre le pouvoir à nos agriculteurs qui sont à la merci des grands groupes. Et pour ça, il va falloir en retirer un peu aux distributeurs.

Ne craignez-vous pas que le consommateur paye très cher votre système si ce sont les producteurs agricoles qui fixent les prix sans que le marché n’intervienne ?
M. L. P. : Non pas du tout, parce que les producteurs ne sont pas fous. Ils ne sont pas cupides. Ils veulent juste vivre correctement. Mais ils ne peuvent pas produire à perte. Ça n’est pas possible. On ne peut pas continuer à obliger les agriculteurs à être les seuls qui vendent à perte. Et surtout lorsque l’on sait que cela fait trente ans que l’on accorde des subventions massives et que depuis trente ans le prix de la matière première baisse, et qu’en revanche la marge de la grande distribution augmente. On voit bien qu’on est là au bout du système. Alors il faut plus de transparence, plus de démocratie aussi dans le fonctionnement syndical. Et il faut remettre les organisations de producteurs à leur place. Leur redonner du pouvoir.

Pensez-vous que la France restera un grand pays exportateur ?
M. L. P. :
Oui, je le crois. Mais encore une fois, il ne faut pas non plus se féliciter aujourd’hui de la multiplication de nos exportations si c’est pour demain ouvrir nos frontières à des importations massives qui font que l’on se fera noyer sur notre marché intérieur. Il faut mettre en place des protections aux frontières concernant les importations, d’abord des contrôles sanitaires, et puis des quotas intelligents permettant de préserver encore une fois l’importance et les débouchés de notre filière nationale sur notre marché national. ça s’appelle du patriotisme économique.

êtes-vous toujours en faveur de la sortie de la Pac ?
M. L. P. :
Je suis pour la nationalisation de la Pac, c’est-à-dire que, plutôt que l’argent passe par Bruxelles pour être redistribué par des technocrates, eh bien qu’il soit directement distribué par le gouvernement français pour aider notre agriculture.

Dans votre programme, vous voulez limiter la spéculation financière sur les marchés agricoles. Comment faîtes-vous ?
M. L. P. :
Et bien justement je permets aux organisations de fixer les prix.

Donc il n’y a plus de marché libre... ?
M. L. P. :
Il n’y a pas de marché libre. Le marché, c’est sur les excédents. Alors évidemment on fixe le prix sur les excédents, c’est trop facile. Evidemment que le prix est très bas. C’est ça le problème. C’est inadmissible. On est en train d’arriver à une situation où les revenus des agriculteurs deviennent tellement bas qu’ils n’arrivent plus à en vivre. Il y a combien de fermes qui disparaissent par jour ?

Comment limiter la spéculation sur les marchés à terme ?
M. L. P. :
Et bien je crois qu’il faut sortir l’agriculture de ces marchés.

Comment ? En les interdisant ?
M. L. P. :
Exactement.

Vous avez eu un débat musclé avec les producteurs de viande. Vous avez le sentiment d’avoir perdu des points avec la polémique sur le halal ?
M. L. P. :
Non, absolument pas. Seulement, voilà, ils savent très bien qu’il y a un problème mais ils n’ont pas tellement envie que l’on mette le doigt dessus. Parce que mettre le doigt sur le problème, le rendre publique et en informer les Français, c’est obligatoirement accélérer l’obligation de trouver des solutions et, d’ailleurs, ils ont eux-même accélérer les obligations. Moi je ne suis pas en accord avec les solutions qu’ils proposent, j’en ai d’autres. Mais quoi qu’il en soit, les bouchers d’Île-de-France qui m’ont reçue, eux, sont parfaitement d’accord avec moi. Ils plaident pour la transparence pour les consommateurs. Et ceux-ci plaident pour la qualité, et la possibilité pour les éleveurs de pouvoir avoir des abattoirs et des bêtes qui ne soient pas tuées selon des rites religieux, d’abord parce que ces bêtes souffrent, et que les éleveurs, bien souvent amoureux de leur bête, n’ont pas envie qu’elles souffrent dans ces conditions. Deuxièmement, il reste un danger sanitaire. Troisièmement, la liberté, la transparence et le lien de confiance entre les bouchers et la population sont évidemment extrêmement importants pour la filière.

Prévoyez-vous de baisser le coût du travail qui est l’un des problèmes de l’agriculture ?
M. L. P. :
Nous avons notamment prévu une caisse de compensation de la dette paysanne, parce qu’il faut sortir aussi les paysans de cette prison... La dette, c’est le seul truc qu’on leur a laissé. Les revenus, ils ne les ont plus, la liberté non plus, mais la dette, ils l’ont toujours. Nous prévoyons aussi l’exonération sur cinq ans des entreprises agricoles de 33 % des charges. C’est une affaire de 5 milliards d’euros sur cinq ans. Eh bien j’assume cet effort pour l’agriculture.

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