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Guerre en Ukraine - « L’Ukraine n'est pas en mesure de redevenir un champion de l’export de grains avant au moins deux ou trois ans  »

Divers analystes/opérateurs donnent leur point de vue quant aux perspectives d’exportations et de semis ukrainiens pour la campagne 2022/2023. Stratégie Grains table sur une baisse de 30% de la sole ukrainienne de maïs entre 2021 et 2022, voire plus.

« Même si la guerre s’achève rapidement, l’Ukraine ne sera pas en mesure de redevenir un champion de l’export avant au moins 2 ou 3 ans » , s’est exprimé Jean-François Lépy, intervenant en tant que vice-président du Synacomex (Syndicat National du Commerce Extérieur des céréales, graines, oléo-protéagineux, légumes Secs et produits dérivés), lors de la 13e matinée export le 23 mars, organisée par Intercéréales. Les ports ukrainiens sur la mer Noire sont à l’arrêt, et les semis de printemps sont fortement perturbés, sachant que l’apport de fertilisants est complexe sur les cultures d’hiver, pénalisant les volumes pour la prochaine campagne commerciale 2022/2023 indiquent divers experts, justifiant les propos de M. Lépy.

Si les ports ukrainiens mettent trop longtemps à se remettre en route, cela peu désinciter les agriculteurs locaux à semer, spécialement le maïs, culture essentiellement destinée à l'exportation, soutiennent les experts interrogés. 

 

 

Jean-François Lépy rappelle que l’Ukraine a mis en place un ban sur les expéditions de blé jusqu’à la fin de la campagne 2021/2022. En théorie, le pays est capable d’exporter 70 Mt à 80 Mt de grains lors d’une campagne commerciale, soit 7 Mt par mois. Le train représente 65% du transport intérieur des grains.

Des ports et des infrastructures minés en Ukraine

Les opérateurs et analystes précisent que les ports ukrainiens de la mer Noire ont subi parfois des dégâts (notamment le terminal portuaire de Bunge sur le port de Mykolaiev), et sont minés. « Le chenal du Dniepr est aussi miné. Ainsi, la remise en route des installations va être assez compliquée », complète Jean-François Lépy. Ajoutons à cela les difficultés pour les semis : manque d’intrants (fertilisants, produits phytosanitaires, semences…) et surtout de carburant, pénalisant la disponibilité des volumes lors de la prochaine campagne. L’Ukraine est très dépendante du carburant extérieur pour faire fonctionner ses machines agricoles. La FAO rappelle que le pays importe 70% de ses besoins en essence et en diesel depuis la Russie et la Biélorussie.

Oleh Zahorodnii, responsable du département agronomie de l’entreprise ukrainienne Agro Expert dans la région de Vinnystia, fournisseur d’intrants, confirme les difficultés d’approvisionnements. « Je dispose également d’une ferme dans la région de Chernihiv, touchée par les combats… Des tanks et de l’artillerie sont installés dans mes parcelles », ajoute-t-il. Les semis ont tout de même débuté : « nous avons commencé depuis le 27 mars à semer du blé de printemps, des orges de printemps, des betteraves… dans le sud de l’Ukraine, les emblavements de tournesol ont commencé mais il fait encore trop froid chez nous (région de Vinnystia). Les semis de maïs devraient commencer le 15 avril », explique l’agronome ukrainien.

Un premier train chargé de grains sorti d’Ukraine le 27 mars, selon APK Inform

Certes, quelques céréales pourront sortir par train en 2021/2022. L’analyste APK Inform a indiqué le 27 mars qu’un premier train chargé en grains était parti d’Ukraine. « Mais les volumes sont faibles comparés avec les ports », tempère Jean-François Lépy. Il ajoute que « le port d’Izmaïl est le seul encore ouvert, et peut transporter des marchandises sur le Danube, notamment vers le port roumain de Constanta ».

Des bateaux ukrainiens de maïs ont réussi à partir pendant la guerre

Jean François Lépy déclare que des navires sont bloqués dans les ports ukrainiens, mais que certains ont pu partir, pour la Chine. Ce que confirme Li Zhao Yu, responsable du bureau de Pékin au sein d'Intercéréales : « des bateaux ukrainiens sont partis vers la Chine lors de la semaine 11, mais ils n'ont pas eu le temps d'effectuer les démarches de dédouanement. Une association internationale travaille avec l'ambassade ukrainienne pour régler ce problème. »

Stratégie Grains est en accord avec les prévisions de M. Lépy, à savoir un lent retour de l’Ukraine à son niveau d’avant-guerre dans le commerce international des grains. « Nous tablons sur une baisse de 30% des surfaces de maïs (entre 2021 et 2022), qui pourrait être encore plus intense. Des pertes de potentiel de rendement sont attendues en blé tendre: un recul de 20% par rapport au rendement moyen est envisagé. Les flux vers l’export pourraient reprendre lentement à partir de cet été, jusqu’à 50% pour la fin 2022, et 75% fin 2023 », a indiqué le 23 mars l’analyste Benoît Fayaud.

Serguey Feofilov, dirigeant du cabinet d’analyse Ukragroconsult, explique le 29 mars sur Twitter s’attendre à une production nationale de 20 à 24 Mt de maïs en 2022 (42 Mt l’an dernier selon l’USDA), sur une surface de 4 Mha.

Dans une note élaborée à la mi-mars, Visio-Crop, fondé par Luc Lorin, explique « que les analystes les plus optimistes tablent sur un recul de la production ukrainiennes de céréales de 20% entre 2021/2022 et 2022/2023, les plus pessimistes de 50% (...) La fertilisation ne se déroule pas correctement ».

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