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SNCF
Grève des cheminots : des conséquences encore visibles

Si le mouvement social s’est déroulé du 3 avril au 28 juin, le fret ferroviaire dans la filière Grains a encore été perturbé en juillet pour ne s’améliorer qu’en août. L’impact économique se chiffre en dizaine de millions d’euros.

© Karine Floquet

« Au niveau national, tous secteurs économiques confondus, un peu plus de 50 % des trafics de fret ferroviaire prévus ont été réalisés, affirme Christian Rose, délégué général de l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret). Selon une estimation de coin de table, la grève des cheminots aurait coûté 4 Md de t-km à comparer aux 33 Md de t-km effectués en 2017. »  Selon Philippe Rota, responsable de la relation clientèle à SNCF Réseau, « si la réglementation sur le “service minimum voyageurs” ne s’applique pas au transport des marchandises, le travail en commun lancé par SNCF Réseau avec les céréaliers et les transporteurs ferroviaires a permis de limiter l’impact des grèves et de faire circuler 60 % des trains, sans atteindre 100 % car l’alternance de deux jours de grève et trois jours sans grève a fortement perturbé les plans de transports ». Jean-François Lépy, référent Logistique d’Intercéréales, est plus sévère : « Sur les quatre premières semaines de grève, le taux de réalisation du programme ferroviaire tourne autour de 40 %. Puis, avec la mise en place du guichet unique par SNCF Réseau fin avril, qui permettait d’affecter la veille d’un jour de grève les sillons disponibles, le taux de réalisation est passé à 50 % ». Un chiffre variable d’une région à une autre, d’une activité à une autre.

Les amidonniers, qui transportent par le rail 6 Mt de matières premières par an, ont enregistré 60 % à 70 % de trains non acheminés en moyenne sur la période de grève. Cependant, le trafic n’est pas revenu à la normale en juillet. « Si, d’avril à juin, Sénalia a perdu 50 % de ses trains programmés (douze à quinze circulent par semaine en temps normal), en juillet, ce sont plus de 60 % des trains qui n’ont pas circulé (soit vingt-deux trains sur cinquante-six) et, sur août, 38 % (soit trente-six trains sur cinquante-huit) », réagit Alain Charvillat, directeur Céréales Export du prestataire portuaire rouennais.

Un surcoût logistique significatif

« Selon une cote mal taillée, 60 % du trafic de la filière agri-agro non réalisé par train (soit 6 Mt de marchandises) ont été effectués par camion, avec un surcoût logistique de 30 % en moyenne, avec une fourchette allant de 10 à 50 % », selon Christian Rose, délégué général de l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret). D’après Intercéréales, le coût d’un trajet de 200-300 km s’élève, de fait, à 10-12 €/t par le train contre 20 €/t environ par le camion, en fonction du nombre de rotations de la benne. Et Patrick Garnon, chef du service Analyses économiques des filières à FranceAgriMer, de renchérir : « Sur Rouen, le transport de 300 000 t de grains par camion, à défaut de train, aurait engendré un surcoût de 15 €/t ». Pour l’Usipa, en début de grève, les surcoûts logistiques s’élevaient à 15 €/t pour atteindre 20 €/t en fin de mouvement, en raison d’une pénurie accentuée de camions et de chauffeurs.

Un renchérissement des céréales

Pendant la grève, le prix des céréales a augmenté. À titre d’exemple, sur la base d’une prime Céréales en rendu Pontivy-Guingamp de +6 à +9 €/t sur la période du 1er avril au 30 juin (prime qui a pu fluctuer selon la tension sur le fret et la disponibilité en céréales), l’achat pendant la grève des 300 000 t de céréales non encore contractualisées par les Fab bretons a conduit à un surcoût de +1,8 M€ à +2,7 M€, d’après un calcul de Nutrinoë.

Quant aux aliments pour animaux, les Fab bretons, qui ont, au début, rogné leurs résultats, ont fini par augmenter leurs prix sur mai-juin. Et ce, sans retour à la normale après la grève, en raison de la hausse des cours céréaliers dans un contexte de moindre production mondiale, indique Hervé Vasseur, président de Nutrinoë.

Des pertes de volumes

« Au niveau macroéconomique, la grève des cheminots n’a pas eu d’impact, déclare FranceAgriMer. En termes d’embarquements portuaires, on n’enregistre pas de rupture nette (mais une simple baisse des chargements à destination de l’Union européenne de 50000 t à 60000 t). Dans les bilans céréaliers révisés chaque mois par FranceAgriMer, on n’observe rien de significatif. » Cependant, selon Jean Colas, référent des marchés Céréales à Fret SNCF, la grève a pénalisé le transport de grains sur le portuaire, avec 100 000 t à 200 000 t de céréales qui n’ont pas pu sortir des silos des organismes stockeurs. Sénalia enregistre, ainsi, un manque à gagner de 60 000 t à 100 000 t de marchandises, en lien avec les deux à trois bateaux qui n’ont pas pu être chargés faute de disponibilités dans ses installations rouennaises.

Un coût financier considérable

Selon Anne-Laure Paumier, directrice adjointe de Coop de France Métiers du grain, une première évaluation à fin mai a montré que le coût direct induit par la grève s’élèverait à 36 M€ sur la période avril-juin. Cette estimation comprend le surcoût de fret qui a concerné une grande partie des opérateurs de la filière pour l’ensemble des modes de transport, ainsi que les surcoûts spécifiques pour les collecteurs, engendrés par le report modal et le surstockage en fin de campagne (stocks de report conséquents, location de nouvelles capacités de stockage et/ou manutentions supplémentaires). Pour Intercéréales, qui effectue une analyse détaillée pour le compte de la filière des grains, la note serait plus salée. « Globalement, la grève des cheminots a coûté plusieurs dizaines de millions d’euros à la filière des grains (entre 50 et 80 M€, difficile à dire), dont 50 % du montant est lié à la non-exécution du programme de transport ferroviaire et 50 % au surcoût du transport routier, au surcoût du stock de report et autres pertes d’exploitation. »

Au-delà de cet impact financier, la grève a induit une perte de confiance dans le fret ferroviaire. « L’Italie et le nord de l’UE se sont, ainsi, en partie approvisionné ailleurs en cette période de grève, s’inquiète Coop de France Métiers du grain. Il sera difficile de récupérer toutes nos parts de marché. » Concernant les autres coûts indirects, on notera la problématique relationnelle avec les clients et avec les prestataires de services (les impacts d’une grève intermittente non précisée dans les contrats, le risque de report ou d’annulation de contrats avec les transporteurs) mais également avec le voisinage (nuisance sonore et problème de poussières en horaire décalé). « De plus, il y a un risque que les entreprises internationales qui possèdent des sites de production hors de nos frontières effectuent des arbitrages en défaveur de la France en termes d’investissements industriel ou de R&D », souligne l’Usipa.

Karine Floquet

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