Focus sur les mutations des marchés des grains
Retour en grâce des stocks nationaux
Lors d'une conférence au Salon international de l'agriculture le 27 février, Michel Ferret, ex-responsable du service Marchés et études de filières de FranceAgri-Mer (FAM), a dressé un inventaire des évolutions profondes du commerce mondial des grains.
Retour en grâce des stocks nationauxSuite à la crise de 2007/2008, « on a redécouvert l'importance de l'agriculture, notamment avec le G20 agricole ». Les pays importateurs ne pratiquent plus la politique des « flux tendus ». Ils ont investi dans la constitution de stocks « stratégiques » et dans la construction de capacités de stockage. « Un exemple notable : l'Arabie saoudite qui a atteint six mois de stocks et vise un an. » Cela a également entraîné une re-légitimation des “Offices” dans les pays importateurs, alors que la Banque mondiale souhaitait qu'elles disparaissent, estime Michel Ferret. Enfin, il y a eu une recrudescence des accords bilatéraux.
La relance de la recherche sur le blé dans les pays anglo-saxons, ou bien encore l'accès à l'eau, seront à surveiller, selon Michel Ferret. Notamment les tensions croissantes entre l'Éthiopie et l'Égypte, la première ayant lancé la construction d'un barrage sur le Nil Bleu en 2013.
Enfin, il s'est attardé sur de possibles modifications de courants d'échanges à venir. Suite à la disparition du CWB, cela pourrait devenir plus intéressant, en termes de coût de transport pour certains producteurs canadiens, de livrer leurs marchandises vers le Sud. Le disponible exportable du Canada diminuerait alors au profit de celui des États-Unis.
Les passages du Nord-Ouest et du Nord-Est pourraient bientôt devenir une réalité. Les russes renforcent leur flotte de brise-glaces et quelques bateaux commerciaux commencent à passer au nord de la Russie.
Sur la scène internationale du négoce des grains, on a assisté à la disparition des derniers Boards anglo-saxons à l'export : l'AWB en 2008 et le CWB en 2012. De nouveaux acteurs asiatiques aux ambitions mondiales émergent, tels que Noble, Olam et Wilmar. Par ailleurs, Singapour devient le rival de Genève dans le commerce des grains.
La logistique, remise au premier planL'ex-responsable de FAM insiste également sur la logistique, « un aspect souvent sous-estimé ». Les pays de l'ex-URSS ont fait des efforts considérables. « Entre 2001 et 2011, les capacités de chargement de la Russie ont été multipliées par 6, et par 3,5 en Ukraine. Tout le long du Danube, des acteurs privés construisent des silos. Idem sur le port de Constanta en Roumanie. »
Les pays de l'ex-URSS ont fait des efforts considérables en “termes de logistique.
” Certains pays aux zones de production enclavées ont mis en place des stratégies alternatives. En 1996, le gouvernement canadien a supprimé les subventions étatiques au transport de grains. C'est surtout l'orge qui a été pénalisée. Du coup, le grain a été utilisé sur place pour l'alimentation animale. En conséquence, le Canada est devenu un exportateur important de viandes. Même histoire avec le blé tendre pour le Kazakhstan, qui s'est lancé dans la production de farine.