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Produits biologiques
Du blé au pain, la filière bio s’adapte

En réponse aux nouvelles attentes des consommateurs, l’Inra a lancé un programme de recherche sur la qualité des blés et des pains biologiques

RECHERCHES. « Ce qui est essentiel, c’est de voir cette diversité de pains bio qui se développe. La filière biologique doit s’adapter au comportement du consommateur, pour ne pas rester une un marché de niche. » C’est ce qui ressort des conclusions de Joël Abécassis, chercheur au Centre Inra de Montpellier (UMR “Ingénierie des agropolymères et technologies émergentes”), lors d’un point presse organisé le 24 mai à l’Inra de Paris, à propos du programme de recherches sur l’agriculture biologique, Agribio.

Développer les types de pains en fonction des attentes du consommateur

En réponse à un intérêt croissant des consommateurs pour les produits issus de l’agriculture biologique, l’Inra a initié un axe de recherches, regroupé au sein d’Agribio et démarré en 2004. Il étudie “la qualité des blés en agriculture biologique et les qualités nutritionnelle et organoleptique du pain”.

À l’heure actuelle, « 60.000 t de céréales sont produites en bio, ce qui est très peu. Les trois quarts sont transformées en farines à destination des boulangeries artisanales, » rappelle Joël Abécassis, en guise de contexte. En revanche, et c’est là que toutes les études prennent leur sens, de nouveaux débouchés apparaissent : le secteur de la boulangerie bio industrielle affiche une belle croissance (+15 %), et les farines en sachet pour les particuliers représentent maintenant 5.000t/an, un chiffre qui a doublé depuis 2004.

Améliorer la qualité d’utilisation des blés bio

« On peut penser que d’ici trois à quatre ans, on pourrait apporter un renouveau variétal pour les blés bio ». Tel est l’un des constats apportés par Joël Abécassis, suite aux travaux engagés pour « identifier et quantifier l’influence des facteurs génétiques et agronomiques sur l’aptitude technologique des blés issus de l’agriculture biologique ». D’autres travaux ont été conduits pour déterminer l’adaptation au mode bio de nouvelles lignées « spécifiquement développées pour satisfaire une production à bas niveaux d’intrants ». On note aussi que les facteurs agronomiques (nature des sols, précédents culturaux et types d’exploitation –polyculture ou grande culture–) « se sont révélés déterminants ». Ces récents résultats ont permis la mise en place d’une base de données au niveau de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), afin de faire un diagnostic des variétés utilisées en France en fonction des lieux de production. Auprès des organismes stockeurs, un classement a été établi concernant la qualité des blés commercialisés.

On relève un impact sur la qualité du produit fini selon les procédés de fabrication

Plusieurs prototypes de pain ont été élaborés à partir de blés bio, afin de pouvoir comparer différents modes de fabrication. Ce programme mobilise 23 laboratoires de l’Inra, des centres techniques et de l’industrie.

Deux procédés de fabrication sont utilisés dans la filière bio, mais les pratiques traditionnelles laissent encore une large part à la mouture sur meule et à la fermentation sur levain. Contrairement à un procédé de mouture utilisant des appareils à cylindre, les résultats montrent que les farines de meule présentent « des teneurs en minéraux et fibres plus élevées, mais avec un risque plus important de présence de contaminants ». En effet, ce procédé a tendance à ne pas évincer les parties périphériques du grain. Mais c’est là où se concentrent justement les contaminants (mycotoxines en particulier). Cela dit, les pains obtenus à partir de farine de meule sont plus compacts et plus denses. L’ajout de levain fermentescible (milieu acide) permet en outre « d’améliorer la biodisponibilité des minéraux du pain, notamment du magnésium ».

Grande diversité d’acteurs et besoins des consommateurs qui évoluent

Les recherches ont également porté sur la perception des consommateurs par rapport à l’image qu’ils pouvaient avoir sur les pains issus de l’agriculture biologique. Ainsi des tests sensoriels ont été conduits dans deux régions françaises (Angers et Strasbourg) auprès de deux panels de 60 consommateurs, pour certains réguliers, pour d’autres occasionnels. Les conclusions permettent d’ores et déjà de montrer qu’il est possible de fabriquer des pains répondant aux attentes des consommateurs, grâce à une combinaison « goût, qualité, aspects sensoriels et nutritionnels », ajustée aux « caractéristiques des matières premières en même temps que les procédés de fractionnement et de panification ». Et justement, la tendance actuelle va vers « un éclaircissement de la farine », constate Joël Abécassis, qui est permis par les techniques de mouture sur cylindre. « On constate une grande diversité dans la façon de faire du pain bio ». En réponse aux attentes des consommateurs –surtout celles des nouveaux–, les boulangers s’adaptent. Aux “boulangers des champs” qui façonnent généralement des pains “rustiques” sinon “authentiques”, se superposent de plus en plus des “boulangers des villes” qui, outre le pain, diversifient leur offre bien souvent jusqu’aux viennoiseries-pâtisseries.

Entre les pains “rustiques” (foncés et denses), les pains un peu plus “technologiques” comme on peut en trouver en grande distribution, les pains “nutritionnels” à haute teneur en minéraux et fibres ou le “pain plaisir” (farine plus claire, pain plus aéré), le consommateur n’a plus que l’embarras du choix...

Les recherches de l’Inra sur l’agriculture biologique sont plus vastes encore

Les conclusions finales sur ces recherches concernant la filière blé-farine-pain, coordonnées par Joël Abécassis, devraient être disponibles à la fin de l’été. Un forum est prévu le 6 novembre à Paris afin de faire le point sur les récentes avancées et perspectives pour la filière française blé-pain bio.

Plus largement, le programme de recherches Agribio de l’Inra, initié en 1999 et renouvelé en 2003, a pour but d’inciter et de fédérer les recherches de l’Inra pour et sur l’agriculture biologique. Ce programme soutient depuis son lancement une trentaine de projets et mobilise une vingtaine d’unités de recherche pour quelque 50 chercheurs équivalent temps plein. D’autres projets sont coordonnés avec des partenaires, notamment européens. Au total ce sont 110 chercheurs équivalent temps plein qui sont mobilisés. « Les premiers bilans depuis 2000 nous donnent de bonnes raisons de maintenir ce programme, voire de l’amplifier », a précisé Stéphane Bellon, coordinateur du programme Agribio. Estimant que l’agriculture biologique doit être plus qu’une simple niche.

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