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Coproduits/Biocarburants
Des marchés à trouver et développer

L’essor des biocarburants pose la problématique du devenir et surtout de la valorisation des coproduits inhérents à leur production

DÉBOUCHÉS. Si les biocarburants représentent une réelle voie d’alternative à la pleine utilisation d’énergie fossile, leur essor suscite la question du devenir des coproduits, qui en sont inéluctablement issus. Certains coproduits, comme les pulpes de betteraves ou les tourteaux de colza sont déjà bien valorisés en alimentation animale, grâce à leurs propriétés intrinsèques (richesse en fibres et en protéines en particulier). Se pose néanmoins l’épineuse question de l’intérêt et surtout des débouchés de matières premières dont la production est attendue en hausse à court et moyen terme. C’est à ce sujet que l’Aftaa (Association française des techniciens de l’alimentation et des productions animales) a organisé une session de formation, mercredi 21 mars, afin d’entrevoir les possibilités de valorisation des coproduits, “ matières premières intéressantes pour l’alimentation animale ”.

Pour rappel, les objectifs sont clairement affichés en Europe. En France, les taux d’incorporation dans les carburants traditionnels seront de 5,75 % dès 2008 et de 7 % en 2010. Dans trois ans, les estimations tablent sur la production de 3,5 Mt de biocarburants, soit quelque 2 Mha du cultures dédiées pour ce secteur (environ 1.600.000 ha d’oléagineux, 250.000 ha de céréales et 50.000 ha de betteraves, selon les prévisions Jean-Marc Gourdon, de la Direction des politiques économiques européenne et internationale du ministère de l’Agriculture). Les capacités de production sont d’ores et déjà en activité ou en cours de projet au sein de l’UE. « La filière biodiesel devrait générer des quantités très importantes de tourteau de colza, mais il faut tenir compte de l’effet d’amortissement en cas d’importations d’huiles brutes », a souligné Christian Delporte, de la société Roquette, spécialisée en nutrition animale. Il a ajouté que la filière bioéthanol génèrera des coproduits en quantité plus faible et sous des formes très diversifiées.

Une offre de matières premières intéressantes pour le fabricant et l’éleveur

Comme l’a rappelé Francis Willequet, de l’Institut Lasalle, les coproduits représentent de nombreux intérêts, contrairement à un déchet (destiné à être éliminé). En termes de process, 2,4 t de colza “ donnent ” 1t d’huile végétale et 1,34 t de tourteau de colza, déjà utilisé en alimentation animale, ainsi que 0,1 t de glycérol. Pour la filière bioéthanol, 3,3 t de blé restituent 1 t de bioéthanol et 1,15 t de drèches de blé. En ce qui concerne le bioéthanol produit à partir de betteraves, cette voie n’est « pas sensée générer de produits additionnels », a expliqué M. Delporte. Les coproduits générés seront reconvertis aux dépens du sucre raffiné.

Outre les propriétés des pulpes de betteraves déjà connues des éleveurs, les drèches de blé présentent de nombreux atouts : teneur élevée en protéines (environ 32 %), équilibre nutritionnel (mélange de sons, germes, gluten et levures), présentation attrayante (petits granulés marron de 6 mm). À l’heure actuelle, les débouchés existent pour les ateliers bovins (lait et viande) et pour l’alimentation destinée au poulet label. Une étude conjointe entre Arvalis Institut du végétal et Tereos indique que les débouchés futurs concerneront les monogastriques (coqs, poulets de chair et porcs charcutiers). La forte énergie métabolisable des drèches les rend particulièrement intéressantes dans les aliments composés pour volailles.

Une composition des formules des aliments susceptible d’évoluer

Il reste cependant à trouver des solutions à certaines problématiques. En particulier, dans le prolongement des tendances observées entre 2000 et 2005, le Céréopa (Centre d’études et de recherche sur l’économie et l’organisation des productions animales) pose comme hypothèse une baisse du tonnage d’aliments composés de 6 % entre 2005-06 et 2010.

La grande question est donc de savoir si l’augmentation des coproduits conjointe à la hausse de production de biocarburants dans les années à venir entraînera un excédent de matières premières. Les résultats du modèle établi par le Céréopa indiquent qu’« à prix identique à la campagne 2005/2006, la révision à la hausse des limites d’incorporation du tourteau de colza permettrait une incorporation de l’ordre de 2,15 Mt à l’horizon 2010 » (en prenant en compte l’introduction des drèches sur le marché) ce qui ne constitue pas à un excédent par rapport aux quantités de tourteau qui seront émises par les usines de production. Dans l’hypothèse où les fabricants d’aliments du bétail arriveraient à engloutir ces quelque 2 Mt supplémentaires, le Céréopa penche sur une substitution du tourteau de soja, du blé, des issues de céréales et autres matières premières riches en protéines par le tourteau de colza et les drèches de céréales. Près d’1Mt de soja pourraient être ainsi économisées.

Quelles conséquences pour les marchés ?

D’autres scenarii demandent confirmation. En ce qui concerne les nouveaux équilibres de marché préservant les débouchés de matières premières métropolitaines, « le pois devrait conserver ses débouchés, alors que le son ou le tournesol devraient consentir des baisses de prix importantes, de l’ordre de -30 % », toujours selon les estimations du Céréopa. Pour les matières premières, comme le blé, qui seront utilisées aussi bien à des fins alimentaires que non alimentaires, il est fort probable que les opérateurs observent un lien très étroit entre le niveau des stocks et les prix. À ce sujet, parmi les facteurs haussiers du prix du blé tendre en France, on peut noter l’accroissement de la demande interne et mondiale, les aléas climatiques (et donc le niveau des stocks), les performances de la filière éthanol (à terme, déconnectée du marché du blé alimentaire).

Plus largement, s’il est un fait que le prix des matières premières riches en énergie risque de progresser, la question de la durabilité des élevages se pose, et notamment, l’adaptabilité des structures et des pratiques (spécialisation avec l’agrandissement des structures, arrêts d’ateliers, transfert d’élevage laitier vers la viande...). Comme le résume Jean-Pierre Tillon, directeur scientifique d’Union In Vivo, « des opportunités apparaissent et on peut se demander si une nouvelle donne n’est pas en train de s’opérer ». On peut en effet, et à juste titre, envisager un risque de « concurrences régionales » entre drèches et tourteaux de colza. En termes de logistique et de transport, on peut aussi se demander comment s’opéreront les transferts de matière vers le Grand Ouest, les usines de production étant très majoritairement implantées dans le Nord-Est de la France.

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