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Commerce
Compétitivité de l’agriculture : la France peut mieux faire et miser sur ses atouts

La France a indéniablement perdu des parts de marché en termes d’exportations de produits agricoles et alimentaires. Pour les récupérer, faut-il se concentrer sur la compétitivité "coût" ou augmenter la qualité de nos produits ? Ou les deux ? Des intervenants invités par l'APCA ont tenté de répondre à ces questions à l'occasion d'une d’une table ronde organisée le 27 novembre à Paris. 

Finalement, l’herbe n’est pas forcément beaucoup plus verte ailleurs. C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’intervention de l’économiste de l’APCA (Assemblée permanente des Chambres d'agriculture), Thierry Pouch, introduisant la table ronde sur les solutions à mettre en place pour dynamiser les exportations agricoles et agroalimentaires françaises. « Nous avons été supplantés par notre voisin outre-Rhin au début des années 2000 en termes d’exportations de produits agricoles. Les Pays-Bas et le Brésil nous ont également dépassé », souligne Thierry Pouch. Néanmoins, ce dernier tempère ses propos, rappelant que « d’autres grands pays agricoles, tels que les Etats-Unis, ont eux aussi perdu du terrain ». Si la France a des progrès à faire, elle dispose d’atouts incontestables. 

L’Allemagne toujours en déficit commercial agricole ! 

D’après les données de l’OMC, la part de la France dans les exportations de produits agricoles dans le monde est passée de plus de 8% à 4,2% de 1991 à 2017, soit une division par deux. Mais les Etats-Unis ont également souffert, leur part passant d’un peu plus de 14% à 9,8% aujourd’hui. Et bien que l’Allemagne ait doublé l’Hexagone, sa part régresse légèrement actuellement, passant de 6,5% en 2009 à 5,4% en 2017 (6% en 1991). « L’Allemagne a un déficit commercial agricole de 13 à 14 milliards d’euros », rappelle Thierry Pouch. Les Pays-Bas reculent aussi, leur position évoluant de près de 8% dans les années 2004-2005 à 6,2% en 2017. 

Un changement de paradigme pour la France depuis 2008 

Le solde agricole/agroalimentaire hexagonal reste positif, avec un changement drastique dans sa composition à partir de 2008. « Depuis la crise financière de 2008, les flux se sont inversés : la France a perdu d’importantes parts de marché sur l’UE, mais en a gagné sur les pays-tiers », souligne Thierry Pouch. Selon les données douanières, les exportations de produits agricoles hexagonaux passent de 6,5 M€ (euros constants) en 2008 à 0,343 M€ en 2018, alors qu’ils passent sur les pays-tiers de 0,7 M€ environ à 6,51 M€ sur la même période, faisant de la France le premier pays de l’UE exportateur sur les pays tiers. Principal bémol : « les produits français ne pénètrent pas les marchés des anciens pays soviétiques de l’Europe, au contraire de l’Allemagne et de la Pologne », explique l’économiste de l’APCA. 

Autre force de l’agriculture française : son sérieux logistique, notamment en ce qui concerne le marché des céréales. « Nous avons des coûts logistiques intérieurs assez importants, mais nous sommes reconnus à l’export pour notre sérieux. Lorsqu’un importateur africain de blé tendre demande un bateau à telle heure, la cargaison arrive à telle heure. Lorsqu’il s’agit d’un fournisseur russe, le chargement arrivera peut-être avec trois semaines de retard », ironise Yann Lebeau, expert de France Export Céréales. 

Des éléments de réflexion ont été proposés lors de la table ronde afin que la France repasse devant ses concurrents. Certains estiment qu’il faut se concentrer un maximum sur la réduction des coûts de production, une des principales faiblesses françaises, comme l'estime Patrice Drillet, Président de la Cooperl (leader français de la production porcine) : « le coût de la production de viande porcine horaire en France est de 36,5 €. Celui de l’Allemagne est similaire, à 35 €, mais les Allemands ont recours à des travailleurs d’Europe de l’Est à 5 €/heure. Nous ne sommes pas compétitifs, tout simplement »

Le moins disant, pas toujours la solution, selon Philippe Heusele 

La compétitivité "coût" est une chose, la segmentation et la montée en gamme en est une autre. Yann Lebeau rappelle que pour conquérir un marché, il ne s’agit pas forcément d’être le moins cher, mais surtout de répondre au besoin du client : « Au Nigéria, le blé français ne rentre pas, car la population mange du pain de mie, requérant des qualités différentes à celles nécessaires pour fabriquer de la baguette ». Analyser et connaître sa cible sont donc primordiales. Philippe Heusele, président de France Export Céréales, estime « qu’il ne faut pas choisir entre qualité et quantité, il faut les deux ». Ce dernier admet la meilleure compétitivité coût des origines mer Noire, mais pointe le fait que « nous ne sommes pas obligés de nous aligner sur le moins disant. Nous avons des qualités qu’on ne peut ignorer ». Le marché de l’Afrique du Nord, incluant le Maroc, « qui a un grand sens de la qualité », reste une opportunité d’avenir pour la France, selon lui. Pour Philippe Heusele, chaque filière doit adopter sa stratégie, rappelant toutefois qu’une augmentation des coûts afin d’obtenir une meilleure qualité ne signifie pas forcément une augmentation de prix.

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