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G20
Changement climatique et faim dans le monde

A l’occasion du G120, des dirigeants agricoles du monde entier se sont rassemblés autour d’une table ronde pour débattre de la sécurité alimentaire dans le monde.

« Nous devons éviter que le XXIe siècle soit le siècle de la faim dans le monde ». C’est par ces mots que Bruno Lemaire, ministre de l’Agriculture, a ouvert son intervention lors du G120. Si le G20 est désormais terminé, et que la question de la volatilité a bel est bien été abordée, il est un autre point qui a été évoqué pendant ce G120 : celle des changements climatiques et de leurs conséquences. Lors de cette même conférence de presse, Bruce Campbell, directeur du programme pour le Changement Climatique, l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire, a d’ailleurs averti qu’ « avec une différence de +2 °C, les saisons de croissance seront amoindries de 20 % », avant d’ajouter qu’ « on a constaté une augmentation des températures pendant les périodes de cultures, et par conséquent une baisse des rendements dans le monde entier ». Il faut donc que les agriculteurs s’adaptent rapidement selon lui. Et plus que jamais, entre sécheresse en Russie puis en Europe, inondation en Australie, et tornade aux Etats-Unis, la prise de conscience d’un réel changement du climat mondial marque les discours des dirigeants agricoles de la planète.

Un constat international
    « Les agriculteurs assistent à des changements climatiques parfois violents, il n’y a pas que la sécheresse, mais aussi une pluviométrie chaotique », s’inquiète en effet Francisco Viteri, Président du Centre Agricole de Riobamba en Equateur. Pour Afamasaga Toleafoa Président de l’Association des agriculteurs de Samoa, la situation est déjà dramatique : « les iles qui sont à la plus basse altitude sont en train de disparaître. Les phénomènes climatiques sont de plus en plus extrêmes et nous voyons une augmentation des risques de tempêtes et des changements climatiques ». Même sur le Mercosur, la situation est similaire, comme l’explique Juan Carlos Cortes, Président du conseil national agricole du Mexique : « cette automne, nous avons perdu entre 2,5 et 3Mt de notre production de maïs à cause de gel excessif, soit plus de 50% de la production total du pays ». Et, si ces changements climatiques apportent des incertitudes dans la plupart des pays producteurs, c’est en Afrique que les exploitants ont le plus de difficultés à y faire face. « Avec les saisons décalées, les petits agriculteurs ne savent plus quand planter. Ils ont besoin de prévisions exactes et précises », explique Nduati Kariuki, Président de la fédération Kényane des producteurs agricoles. Derrière ce constat, se dresse une nécessité : « Nous avons besoin d’une croissance de la production mondiale à hauteur de 70 % d’ici à 2050, or pour relever le défi environnemental, il faudra des pratiques productives et durables. Pour cela il faut des investissements », lance Michel Petit, chercheur à l’Institut agronomique de Montpellier. Car déjà aujourd’hui, « les chiffres sont sans appel. 20 % de la population mondiale est sous alimenté », annonce Bruno Lemaire. En effet, selon le ministre de l’Agriculture, « notre production agricole avait une progression annuelle de 3 % il y a 10 ans, aujourd’hui elle n’est plus que de 1,5 %. A la moindre crise sanitaire ou climatique, nous ne sommes plus capable de nourrir la population mondiale ».
La question africaine
    « Nous devons investir dans les infrastructures. Dans certains pays, 40% de la production agricole ne va pas dans la bouche des consommateurs car elle est perdue par manque d’infrastructure, de route, de stock, ou de refroidissement », regrette Luc Guyau, président indépendant du conseil de la FAO. Principalement visé par cette déclaration, l’Afrique, où « depuis 20 ans, les centres de recherches et de semences sont détruits à l’instigation de la banque mondiale », toujours selon le président de la FAO. Un procès lancé contre la banque mondiale, auquel les nombreux intervenants africains présents lors de la table ronde du G120 n’ont pas hésité à apporter leur témoignage à charge. « Au Malawi, lorsque le gouvernement a voulu subventionner l’agriculture, la banque mondiale a quitté le pays. Ils ne sont revenus que lorsqu’ils ont vu que cela marchait », lançait l’un d’eux. Et si les différents organismes et producteurs africains présent demandaient effectivement une aide internationale, pour eux cela ne doit pas se faire au détriment de leur souveraineté alimentaire. C’est en effet la peur d’un « néocolonialisme », qui semble définir le ressenti de l’Agriculture africaine face aux autorités internationales. Les agriculteurs regrettaient d’ailleurs également l’achat massif de terres agricoles par des investisseurs étrangers. « Le monde entier vient prendre nos terres. Alors qu’il faut que nous produisions des aliments pour nos pays, nous risquons une pénurie de terre à cause d’investissements étrangers », a lancé l’un d’eux.

Vers une gouvernance mondiale ?
    Outre le débat sur les stocks d’urgence et la maitrise de la volatilité des prix des matières premières, la question de l’alimentation mondiale passe donc évidemment aussi par un souci de productivité. Pour relever ce défi, Bruce Campbell, ne voit qu’un seul moyen, « créer des réseaux régionaux de connaissance face aux dangers climatiques, mais aussi mettre en place des assurances pour gérer ces risques ». Une vision partagée par Piet Vanthemsche, Président du Boerenbond (Belgique), qui estime que « nous devons investir dans une gouvernance mondiale », mais précise-t-il, sans oublier « les politiques agricoles régionales. Il y a beaucoup de type d’agriculture, qui ont leurs propres spécificités ». Un exploitant agricole présent à cette table ronde a d’ailleurs tenu à préciser que selon les régions « les contextes sont différents. On ne réfléchit pas de la même manière dans un continent qui emploi 85 % de la population dans l’Agriculture par rapport à un autre qui en emploi que 5 % » a-t-il soutenu. Déjà critiqué, cette idée de gouvernance mondiale ne suffira de toute façon pas. L’intensification de l’Agriculture et la hausse de la production doivent passer par des investissements « dans la recherche et le développement. Nous avons besoin de nouvelle technologie, et c’est une erreur de réduire le développement à la seule question des OGM », estime le président du Boerenbond. Pour Afamasaga Toleafoa, « il faut de nouvelles méthodes de production. Les agriculteurs doivent savoir gérer les nouveaux pesticides et engrais ». Malgré tout ces défis, Luc Guyau, président indépendant du conseil de la FAO reste optimiste. « La planète comptait 2 milliard 500 millions d’habitant en 1950. A l’époque, on estimait déjà que 800 millions de personnes ne mangeaient pas à leur faim. Aujourd’hui, avec 7 milliards d’habitants, ce chiffre n’a pas évolué », a-t-il rassuré pour conclure cette assemblée du G120.

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