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Biocarburants

L’essor de l’éthanol américain cache une situation mondiale plus nuancée

Arc-boutés sur une politique très volontariste en matière de biocarburants, les Etats-Unis devraient mobiliser plus du tiers de leur récolte de maïs pour fabriquer de l’éthanol. Mais cette situation nationale très particulière ne se vérifie pas sur le plan mondial. Difficile de savoir quelle est la responsabilité des biocarburants dans la flambée des prix mondiaux.

Pourront-ils longtemps faire ce choix ?

Durant la campagne 2008/2009, les Etats-Unis devraient consacrer plus du tiers de leur production de maïs à la fabrication d’éthanol. Compte tenu des inondations survenues dans les plaines du Midwest, le département américain de l’agriculture (USDA) prévoyait mi-juin une récolte de 297 Mt. Fin juin, le Conseil international des céréales (CIC) révisait cette estimation à la baisse, à 295 Mt.

Or, bon an mal an, le pays produit à chaque campagne un peu plus d’éthanol. La récente hausse des prix du carburant vert doublée de la flambée des cours du pétrole remotive les industriels américains, qui ont toujours pour eux une réglementation favorable. Bilan : un peu plus de 100 Mt de grains devraient être converties en éthanol dans le pays en 2008/2009, contre 76,2 Mt seulement la campagne précédente. Le marché de l’alimentation animale, les amidonniers et les exportateurs américains n’auront même pas 200 Mt de maïs à se mettre sous la dent durant la campagne à venir. Or en 2004/2005, alors que l’éthanol américain ne mobilisait que 33,6 Mt de grains par an, c’est près de 250 Mt qui étaient disponibles pour les autres utilisations.

La hiérarchie des prix mondiaux probablement inversée en 2008/2009

Ce rétrécissement de l’offre pose bien sûr des problèmes aux utilisateurs autres que les éthanoliers, les rares prêts à mettre le prix pour cette matière première compte tenu de leurs espérances de marges. En deux mois seulement, de mai à juillet, les cours ont gagné 11 % sur la bourse de Chicago, sur la foi de mauvaises prévisions de récolte qui auront lieu à l’automne prochain. Les Etats-Unis étant de très loin le premier exportateur mondial de maïs, la tension monte également à l’international. En France, par exemple, les cours du maïs rendu Bordeaux ont gagné presque 30 euros en un mois, alors que le stock de fin de campagne atteignait quasiment 2,3 Mt début juillet selon l’OniGC (Office national interprofessionnel des grandes cultures), soit un chiffre très honorable. Les économistes prévoient pour la campagne 2008/2009 une inversion de la hiérarchie mondiale des courbes de prix, le maïs passant devant le blé. Les tiraillements pourraient gagner le marché de la céréale à paille, les deux graines étant très substituables, tout particulièrement en alimentation animale.

Les biocarburants au banc des accusés

Dans le contexte actuel de crise alimentaire, de telles données ne peuvent que renforcer les convictions des détracteurs des biocarburants. Depuis un an, le courant de sympathie dont bénéficiaient à leurs débuts les carburants verts a bel et bien disparu, et de plus en plus nombreux sont ceux qui souhaitent stopper leur expansion. Dès juillet 2007, les perspectives agricoles de la FAO (Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) et de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) avertissaient que la demande en biocarburants entraînait " une mutation radicale des marchés agricoles susceptible d’induire une hausse des prix mondiaux de nombreux produits agricoles ", une accusation renouvelée dans l’édition 2008 du document. Dans un rapport publié en octobre dernier, le FMI (Fonds monétaire international) rappelait encore une fois la responsabilité des biocarburants dans la hausse des prix.

Une cause très indirecte de la flambée des cours du blé

Que faut-il penser de la polémique ? Etats-Unis compris, le monde devrait utiliser 101,7 Mt de maïs pour produire de l’éthanol en 2008/2009. Ce qui représenterait 13,3 % de la production mondiale. Mais toutes céréales confondues, le biocarburant ne mobilisera finalement que 123,8 Mt, soit 7,2 % de la moisson mondiale, estime le CIC… Contre 5,5 % en 2007/2008. Et comme certains se plaisent à le rappeler, la flambée des prix mondiaux a d’abord concerné le blé, bien avant le maïs. Or la production de biocarburants n’a absorbé que 0,5 % de la récolte mondiale 2007. Autant dire rien. D’autres diront que les cours du sucre ne décollent pas, alors que la canne à sucre est la matière première de base de l’éthanol brésilien. Les biocarburants serviraient-ils à masquer les responsabilités des spéculateurs ? A chaque courant de pensée sa réponse.

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