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[Interview] Claude Juriens, Ecorobotix - « Notre technologie de pulvérisation ultra-localisée permet une protection plante par plante »

Après avoir développé un robot de désherbage autonome, la société suisse Ecorobotix valorise son expertise dans la détection des plantes et la pulvérisation ciblée en proposant l’appareil Ara, attelé sur un tracteur. Claude Juriens, responsable du développement commercial de la marque, nous livre les détails de cet outil innovant qui sera commercialisé en France en fin d’année.

Réussir Machinisme - Ecorobotix est surtout connu pour son robot de désherbage Avo. Pour quelles raisons avez-vous choisi de développer un pulvérisateur attelé sur un tracteur ?

Claude Juriens - "Le robot Avo a permis de démontrer notre savoir-faire dans la détection par analyse d’images et la pulvérisation localisée, mais le marché de la robotique agricole en est encore à ses balbutiements. La législation européenne est loin d’être prête. On ne sait pas à quelle échéance il sera possible de laisser un robot travailler seul dans les champs. À l’heure actuelle, il faut soit une dérogation, soit disposer de barrières physiques autour de la parcelle. Nous nous sommes également rendu compte que pour atteindre une autonomie complète du robot, il était indispensable de déployer d’importantes ressources techniques, imposant de lourds investissements. Mais c’est aussi et surtout les observations du terrain qui ont guidé notre décision de développer un pulvérisateur à atteler au tracteur. Le niveau d’acceptation des agriculteurs pour notre technologie très innovante est supérieur avec un outil plus familier et plus facile à mettre en route, comparé au robot. L’appareil porté autorise également un meilleur retour sur investissement, grâce à son débit de chantier bien supérieur, y compris en tenant compte des coûts supplémentaires liés à l’utilisation du tracteur et d’un chauffeur."

R. M. - Quelles sont les technologies communes entre le robot Avo et le pulvérisateur Ara ?

C. J. - "Lorsque nous avons décidé en août 2020 de développer cet appareil, il nous a fallu seulement trois semaines pour adapter la technologie présente sur le robot à la rampe de pulvérisation. Le premier prototype a vu le jour en décembre et en mars 2021 nous avions produit 8 pulvérisateurs Ara. Cet appareil de 6 mètres de large comporte trois éléments, dont deux repliables. Chaque élément intègre, sous un carénage, deux caméras analysant chacune un mètre carré de surface 20 fois par seconde. Les buses disposées sur une rampe tous les 4 cm peuvent cibler une zone de 8 cm de large sur 3 cm de long, lorsqu’elles sont placées à 15 cm du sol et que la vitesse atteint 7 km/h. Leur ouverture/fermeture est gérée par des électrovannes avec un délai de 10 millisecondes. L’enjeu a été de maintenir la pression constante dans le circuit de pulvérisation. Le débit de chantier peut atteindre 4 hectares par heure. L’appareil fonctionne de jour comme de nuit, grâce au carénage et à l’utilisation de flashs très puissants assurant une qualité de détection indépendante des conditions de luminosité. Le carénage limite également les risques de dérive."

Lire aussi : Ecorobotix – Un pulvérisateur porté de très haute précision

R. M. - Comment êtes-vous organisé pour la production de cet appareil porté ?

C. J. - "Nous avons concentré nos moyens sur la conception et le développement des algorithmes. Pour l’industrialisation, nous faisons appel à des sous-traitants, l’ensemble de l’appareil étant assemblé en Suisse. Il n’y a que pour la partie cuve et pompe montée sur le relevage du tracteur, que nous avons fait appel à une solution du marché. Nous travaillons en parallèle avec un partenaire français pour intégrer dans le futur un système d’injection directe, simplifiant la phase de préparation de la bouillie. Pour l’instant, l’utilisateur dispose d’une cuve d’eau claire de 500 litres et d’un réservoir de travail de 150 litres dans lequel il mélange sa bouillie. En pratique, il prépare une certaine quantité pour débuter son chantier et après avoir traité une surface représentative, le système indique une estimation de la consommation de produit, lui permettant d’ajuster ensuite son volume de bouillie."

R. M. - Quelles sont les applications de traitement qui permettent de valoriser la précision de ce pulvérisateur ?

C. J. - "Notre dispositif est beaucoup plus précis que les systèmes de caméra monté sur une rampe de pulvérisateur standard. Le nombre de caméras (une par mètre) et le rapprochement des buses nous permettent de faire de la protection plante par plante. Notre technologie a déjà fait ses preuves dans le désherbage de betteraves et de haricots. En ne ciblant que les adventices, il est possible de réduire jusqu’à 95 % la quantité d’herbicide utilisée. Nous avons également validé son efficacité pour le traitement des rumex dans les prairies. Nous allons d’ailleurs travailler avec la chambre d’agriculture du Limousin sur le traitement des rumex et des chardons. De nouveaux algorithmes sont en cours de développement et certains sont prêts à être testés pour plusieurs cultures : soja, maïs, oignons, endives, épinards, salades, colza. La chambre d’agriculture du Loiret et plusieurs coopératives (Tereos, Eureden, Bonduelle…) seront associées aux phases de test. Afin de rentabiliser au maximum le pulvérisateur, il est également prévu de l’utiliser pour des traitements fongicides ou insecticides, en ciblant cette fois-ci uniquement les plantes cultivées, avec là encore une réduction drastique de la quantité de phytos utilisée."

R. M. - Le pulvérisateur Ara sera-t-il prochainement commercialisé en France ?

C. J. - "Cinq machines ont déjà été vendues en Suisse à des agriculteurs ou entrepreneurs. En France, nous souhaitons poursuivre les démonstrations et les tests, avant d’ouvrir les premières commandes en fin d’année pour les premières livraisons début 2022. Nous travaillons en parallèle à la constitution d’un réseau de distribution, en ciblant un petit nombre de concessionnaires capables d’assurer le suivi technique. Le prix de l’appareil se situera aux environs de 80 000 euros, en fonction des options et du nombre de cultures à traiter."

 

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