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Droits de douanes sur le blé ukrainien : quel effet pour le blé français ?

Depuis le 6 juin 2025, l’Union européenne a rétabli des quotas et des droits de douane sur les importations de céréales ukrainiennes, après trois ans de suspension décidée en soutien à Kiev après l’invasion russe de février 2022. Cette mesure redessine les flux céréaliers en Europe et offre un court répit à la filière blé française.

Une moissonneuse batteuse en action pour la moisson 2025 dans un champ de blé avec les drapeaux de l'Ukraine et de l'UE en arrière plan.
Effet limité du retour des droits de douanes sur les importations de blé ukrainien depuis le 6 juin 2025
© Image générée par IA / ChatGPT – OpenAI

Depuis l’ouverture temporaire du marché européen aux produits agricoles ukrainiens en 2022, l’UE a vu affluer d’importants volumes de céréales en provenance de l’Ukraine. Le blé ukrainien, bon marché, a trouvé preneur non seulement en Europe centrale, mais aussi sur le marché de l’Ouest de l’UE.

« Il y a eu une vraie distorsion de concurrence, en particulier sur les marchés export comme l’Algérie ou le Maroc », souligne un trader français basé à Rouen.

Au total, près de 4 millions de tonnes de blé ukrainien ont été importées dans l’UE sur la campagne 2024-2025 depuis le 1er juillet. Une dynamique rendue possible par l’exonération de droits de douane en UE, combinée à des récoltes ukrainiennes soutenues malgré la guerre.

En conséquence, les producteurs européens ont vu leurs débouchés traditionnels fragilisés et leurs prix tirés vers le bas.

Lire aussi : Moisson 2025 : l'espoir renaît pour les cultures d'hiver malgré des contrastes régionaux

Des quotas qui rééquilibrent le jeu en UE

Face à la grogne des agriculteurs européens, la Commission européenne a décidé en mai 2025 de rétablir des droits de douane et des quotas annuels pour certaines céréales ukrainiennes. Le volume autorisé sans taxe à l’importation a été plafonné à un quota annuel de 1 million de tonnes (Mt) en blé et de 350 000 tonnes (t) en orge, depuis le 6 juin 2025.

Pour l’année en cours, ces volumes sont réajustés au prorata des sept mois restants, soit environ 583 000 t en blé et 204 000 t en orge.

Cette réduction significative devrait freiner les flux ukrainiens à destination de l’UE, d’autant que l’Ukraine cherche désormais à diversifier ses débouchés vers le Moyen-Orient et l’Afrique.

Lire aussi : Moisson 2025 : c’est parti pour la nouvelle récolte des céréales !

Un impact limité sur les prix français

Sur le marché européen, l’effet de ces nouvelles barrières commerciales s’est fait sentir rapidement dès le 6 juin 2025 avec une hausse des cours sur Euronext de +3 €/t sur l’échéance septembre 2025 et +2,5 €/t sur l’échéance décembre 2025. Cependant, entre le 6 et le 17 juin, la cotation du blé sur le marché à terme européen est passé de 202,75 €/t à 200,25 €/t sur l’échéance septembre 2025 et de 214 à 211,50 €/t sur décembre2025. 

Les effets sur les cours semblent donc trop limités pour soutenir les cours devant des fondamentaux pesants. En effet, l’USDA estime la production de l’UE à 136 Mt et celle de la Russie à 83 Mt. Côté ukrainien, la production de blé devrait atteindre 23 Mt avec 18,6 Mt d'exportations, des chiffres USDA néanmoins plus optimistes que les analystes locaux. Le marché est donc confiant pour l’approvisionnement en blé.

L’Ukraine anticipe et reconfigure ses flux d’exportation

Ce quota va donc libérer le blé français de la concurrence ukrainienne sur le marché intracommunautaire. Toutefois, les exportations françaises vont se confronter aux bonnes perspectives de récoltes dans le sud de l’Europe, notamment en Espagne, et en Roumanie avec une estimation record de plus de 12 Mt.

Sur l’export en dehors de l’UE, le blé français devrait en revanche voir une concurrence accrue de la mer Noire, avec l’Ukraine qui recherche déjà des débouchés en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En effet, Le ministère ukrainien de l’Agriculture a déclaré le 10 juin 2025 que Kiev « concentre désormais ses efforts sur le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Asie », en réponse à un accès restreint au marché européen.

« À partir du 6 juin, l'Ukraine renoue avec le modèle commercial d'avant-guerre avec l'UE, avec des droits de douane et des quotas qui limiteront considérablement les exportations vers l'Europe. C'est pourquoi les négociants se tournent déjà activement vers l'Asie : les Philippines, l'Indonésie, le Vietnam et le Bangladesh. Le blé ukrainien est très demandé dans ces pays », indique la coopérative agricole ukrainienne PUSK.

Pour gagner de nouvelles parts de marché, l’Ukraine pourrait être tentée d’appliquer des prix compétitifs. A ce sujet, le directeur de l'Association ukrainienne des céréales, Nikolaï Gorbatchev, a déclaré que si l'Ukraine ne pouvait plus exporter de céréales vers l'Europe avec un bénéfice raisonnable, elle exporterait vers d'autres destinations « où nous serons en concurrence avec les commerçants européens ».

« Je pense que nous continuerons à être principalement approvisionnés par la Roumanie », a déclaré à Reuters Malak Al Akiely, directrice générale d’un négoce qui approvisionne la Jordanie en céréales.

Ainsi, l’Ukraine se retrouve désormais en concurrence avec les origines européennes. En effet, la Roumanie représente un concurrent sérieux pour la campagne 2025-2026 avec une production en forte hausse. Selon un négociant jordanien, cette concurrence est bienvenue et pousse les prix du blé vers le bas.

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